Du Palais Bourbon au caniveau, en passant par la case prison

Opinion publiée dans l’AGEFI, le 19 juillet 2013.

Décidément, il est difficile de se faire une opinion favorable des politiciens français qui, après le concept d’Etat-nation, ne comprennent plus celui de séparation des pouvoirs. Le député Yann Galut se dit surpris de l’interpellation de Pierre Condamin-Gerbier, voyant là un « message menaçant envoyé par la Suisse à l’intention des lanceurs d’alertes ».
Lanceurs d’alertes, terme idiot qui évite de parler de « balance » ou d’espion. M. Condamin-Gerbier n’a lancé aucune alerte. M. Condamin-Gerbier a trahi son employeur, ses clients et son pays. La justice dira s’il s’est rendu coupable de diverses infractions pénales et, vu les risques de fuite importants, sa place est certainement en prison. Il en va de même pour M. Falciani qui préfère évidemment jouer les stars à Paris.
Il est tout bonnement incroyable de constater à quel point la suffisance des parlementaires français les pousse à oublier que leur pays, bien que grand, connaît des frontières au-delà desquelles leur législation hypertrophiée ne s’applique pas. Le fantasme social-démagogique du citoyen transparent n’a heureusement pour l’heure pas trouvé grâce aux yeux de notre parlement. Espionner, trahir son employeur, violer son secret de fonction constituent des actes pénaux en Suisse, nous n’avons pas encore cédé aux nouveaux canons de la mode législative parisienne.
Les députés français sont inquiétants. Pour un motif à priori louable – la lutte contre la fraude fiscale – ils en viennent à proposer que les employés de banque jouent les justiciers masqués. Pourquoi s’arrêter à ces bassesses fiscales ? Nous pourrions tout aussi bien armer quelques retraités pour dégommer les dealers ou fournir des radars aux riverains des autoroutes.
Si nous devions un jour remettre en question sérieusement le secret bancaire, il serait souhaitable que la responsabilité de transmettre des informations ne soit pas confiée à des bricoleurs du dimanche qui nous offrent des remakes kitchs des films d’espionnage, mais à des autorités dont le travail est étroitement surveillé.
Falciani et Condamin-Gerbier sont des délinquants que la justice doit poursuivre et punir. Pour quelques billets ou pour s’offrir un instant de gloire, leur immoralité crasse les a poussé à trahir leur employeur, leur client et le pays qui leur a offert un travail.
Les propos tenus par les élus français font froid dans le dos. Comment peut-on être président d’une commission parlementaire et estimer que l’application du droit pénal par les autorités pénales est « indigne de la démocratie » ? Comment peut-on traiter un Etat de voyou parce qu’il ne fait pas une application de ses règles au gré des modes portées par des politiques en mal de reconnaissance ?
Reste un dernier dégât collatéral que les élites françaises sous-estiment. La place financière réfléchira à deux fois avant de confier de nouvelles responsabilités à des ressortissants d’un pays qui glorifie les traîtres, les délinquants et les espions.