Un mélange des genres malvenu

Chronique publiée dans le Nouvelliste, le 1er mai 2014.
La loi sur les incompatibilités interdit notamment au personnel de l’Etat, avec une exception notable et étonnante pour les enseignants, de siéger au sein du Grand Conseil. Au nom de principes démocratiques sortis d’un chapeau, la FMEP exige l’ouverture complète des portes du plénum aux membres de l’administration cantonale.
Détour utile, rappelons le rôle du parlement. Selon la constitution valaisanne, le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif, élit le pouvoir judiciaire, exerce la haute surveillance sur la gestion de l’Etat et adopte le budget et les comptes.
Or, il semble échapper à certains que l’employé d’Etat, où qu’il se trouve sur l’échelle hiérarchique, appartient au pouvoir exécutif. Lorsque je reçois une décision de taxation, c’est la puissance publique qui s’exerce à mon encontre, même si ce n’est pas le chef du service des finances qui traite mon dossier. Il en va de même pour l’ensemble de l’activité publique.
Comment imaginer que le Grand Conseil puisse convenablement faire son travail lorsqu’il sera composé en partie des membres d’une administration qu’il doit contrôler ? Peut-on admettre que les mêmes personnes composent l’autorité surveillée et l’autorité de surveillance ? Comment croire à l’indépendance du pouvoir législatif lorsque ses membres devront vérifier la qualité du travail de collègues de bureaux, voter le budget de leur propre service ou adopter des lois qui concernent directement leur travail, quand ce n’est pas fixer leur salaire ou le statut de leur caisse de pension ?
Contrairement à ce qu’affirment les partisans de l’abolition des incompatibilités, le régime de la récusation n’est pas satisfaisant. Le Grand Conseil est un corps composé de 130 personnes, on ne peut admettre que ses membres ne siègent pas de manière régulière ou lors de vote sur des objets aussi essentiels que le budget ou des lois.
Refuser ce mélange des genres n’est pas un acte de défiance à l’égard de la fonction publique. C’est rappeler que la démocratie connaît pour principe cardinal la séparation des pouvoirs. Les employés de l’administration peuvent être candidats, ils peuvent être élus, mais ils doivent alors choisir s’ils préfèrent constituer le corps législatif ou le corps exécutif de l’Etat.