Les cyberattaques ne sonnent pas la fin du monde

Publié le 29 mai 2017 dans le Temps

Face aux risques de piratage, les appels à la vigilance se multiplient. A entendre les plus inquiets, il faudrait ériger une Convention de Genève digitale pour prévenir un «Hiroshima numérique»: ne dramatise-t-on pas quelque peu?
Ce fut une guerre éclair. Personne n’a pu ignorer la cyberattaque Wannacry et son logiciel qui a rançonné les vieux ordinateurs Windows XP. En échange de quelques bitcoins, les utilisateurs touchés ont pu éviter de justesse de voir leur monde dévasté.
La presse a couvert l’événement, micro tendu aux élus, histoire de savoir ce que l’Etat entreprendrait pour contrer la menace du siècle. Le président de Microsoft réclame une convention de Genève numérique, et l’on évoque 200 000 «victimes». C’est d’André Kudelski qu’est venue cette sentence qui résume la gravité de la situation: «le jour où il y aura un Hiroshima ou un Fukushima en matière «cyber», il y aura une vraie prise de conscience».
Les prochaines sessions parlementaires seront probablement rythmées de motions et d’interpellations affolées. Le Conseil fédéral a-t-il vraiment pris la mesure de l’attaque? La Suisse est-elle prête? Faut-il créer un secrétaire d’Etat aux cyberguerres?
Reconnaissons que personne ne fait rien pour nous rassurer. Il paraît que le système hospitalier anglais est ravagé. Europol parle d’une attaque sans précédent. Selon les spécialistes, les infrastructures vitales succomberont lors de la prochaine salve: électricité, transport, télécommunication, c’est la démocratie même qui est en jeu.
Chaque expert tire une sonnette d’alarme, ou cherche à vendre une solution au problème, c’est selon. J’éprouve quand même une certaine réticence à comparer le bombardement nucléaire de civils japonais ou la situation des réfugiés dans le monde avec une attaque informatique. Et même si les hackers parvenaient à paralyser les trains toute une journée, ils resteraient, en la matière, petits joueurs au regard des exploits dont sont capables les CFF eux-mêmes. On peut en dire autant des hôpitaux: même terrassé par la cyberattaque, le système hospitalier britannique n’a pas laissé mourir ses patients, sans nier pour autant les désagréments que ceux-ci ont pu connaître.
Personne ne conteste les dégâts d’une cyberattaque, et je ne souhaite à personne d’être la cible d’un tel acte de vandalisme. Je me risque néanmoins à relativiser l’ampleur du péril qui menace l’humanité.
Pour l’anecdote, les fraudes électorales valaisannes n’ont pas été commises par des Anonymous, mais par des citoyens munis de bons vieux bulletins en papier et de timbres postaux. La fin du monde s’annonce peut-être moins high-tech qu’on ne l’imagine.