A chaque innovation, son interdiction: la preuve par Booking.com

A chaque succès sur Internet correspond une proposition pour l’interdire ou le limiter en Suisse. Cet été, ce sont Booking.com et les plateformes de réservation que cible le parlement. Le législateur veut encourager les clients à ne pas payer la commission du courtier. Absurde.

L’interdiction de la semaine vous est offerte par le Conseil des Etats. Les sénateurs, mus par les meilleures intentions du monde, veulent bannir les «clauses de parité» dans les contrats liant les plateformes de réservation et les hôteliers. En français, cela signifie que Booking.com devra tolérer que les hôtels partenaires cassent les prix en cas de vente directe sur Internet via leur propre site.

Sans oser le dire trop clairement, la branche espère que les clients, après avoir consulté gratuitement la plateforme et choisi un établissement en fonction des disponibilités, réservent directement auprès de l’hôtel pour lui permettre d’épargner la commission. Proposée dans d’autres domaines, une telle motion créerait un tollé. Par extension, on pourrait soutenir les clients qui achètent leurs vêtements en ligne après les avoir essayés en magasin. Ou ceux qui commandent sur Amazon une fois les conseils obtenus du libraire du quartier. Quand on se plaint de la disparition du commerce de détail, c’est une approche à peu près irresponsable.

On peut cogner fort

Mais sur ce coup-là, il paraît que c’est différent. Booking.com est en ligne, et par-dessus le marché, étranger. On peut donc cogner, et fort. Certes, ces plateformes pratiquent des comportements hégémoniques et des tarifs élevés. Pour y répondre, le Surveillant des prix s’est saisi du dossier. Cela ne rend pas légitimes les pratiques douteuses de ceux qui veulent profiter du service sans le payer. En général, c’est même l’inverse qui est prévu: le droit impose le paiement du salaire du courtier, même quand les parties l’ont contourné au moment de conclure le contrat.

«Au nom du bien commun»

Booking, leader du secteur, est né aux Pays-Bas. La plupart des géants du Web viennent d’outre-Atlantique. Il ne faut pas s’étonner que ces grands succès ne naissent pas en Suisse: pour chaque bonne idée, on y trouve toujours un élu éclairé pour vouloir l’interdire. Uber, Airbnb, Booking, Amazon, Netflix, Spotify: tous connaissent leurs pourfendeurs, au nom du bien commun, un bien commun à leur propre branche du moins.

Quand on y pense, ce sont les mêmes qui nous cassent les pieds à longueur d’année avec des discours lénifiants sur l’innovation et la compétitivité des hautes écoles qui pondent ces lois destinées à ce que rien ne change. Quelle ironie.