L’Amérique innove, la Chine copie, l’Europe réglemente

Lorsqu’il y a une innovation, les Américains en font un commerce. Les Chinois, une copie. Les Européens, quant à nous (en la matière, je nous mets volontiers dans le même panier), nous en faisons un règlement. Cette boutade vient d’Emma Marcegaglia, ancienne présidente de la Confindustria, le «Medef italien». On peut difficilement lui donner tort.

Vivez l’expérience de notre virtuosité réglementaire. Tous les matins. Par e-mail. Du Verbier Festival à Viagogo en passant par Spotify, des dizaines de sociétés dont je n’avais jamais entendu parler me font poliment part de leur «politique de protection des données». Ces centaines de courriels non sollicités sont l’œuvre des eurodéputés qui ont pondu une «bruxellerie» dont ils ont le secret: le Règlement général sur la protection des données. RGPD pour les gens pressés.

Ils n’y sont pas allés de main morte. Le texte s’étire sur plus de 130 pages. Je ne l’ai évidemment pas lu, la vie est trop courte. Mais il paraît que le RGPD introduit une ribambelle de droits pour protéger l’utilisateur contre l’usage abusif de ses données. On est sauvés. De mon côté, j’ai fait comme toujours. J’ai menti. J’ai promis que j’avais lu les conditions d’utilisation. J’ai prétendu avoir compris quelque chose au RGPD. Et je continuerai tout comme avant.

C’est en pleine connaissance de cause qu’on s’est livrés aux géants de l’ère numérique. On a partagé à qui mieux mieux des photos de sorties entre amis. On a confronté passionnément nos opinions éclairées. Etalé des compétences réelles ou supposées. On a même laissé des montres connectées nous tâter le pouls. Et maintenant, on demande que l’on fasse comme si on ne se connaissait pas. De feindre n’avoir rien vu, rien entendu.

Du travail pour les avocats

Les Américains ont inventé les GAFA: Google, Apple, Facebook, Amazon. Nous, le RGPD. Un texte législatif indigeste que tout le monde prétend désormais appliquer. Qui nous compliquera la vie là où la technologie est utile. Et qui n’empêchera certainement pas aux enfants de Cambridge Analytica de vendre au plus offrant les données qu’on lui aura gracieusement offertes.

Aux Etats-Unis, on crée des postes d’informaticiens. Chez nous, du travail pour les avocats. On fera de grands procès tonitruants contre les start-up à succès que d’autres auront créées. Les Chinois continueront à copier. Et les Européens à réglementer.