La grande bataille de la bouffe avant les votations du 23 septembre

Deux mille dix-huit, année diététique. Les antispécistes ont pris les armes. Littéralement. A coup de pierres dans les vitrines des boucheries. De litres de sang jetés à la figure des enfants clients des fast-foods. Les carnivores réagissent en publiant de viriles photos de grosses côtes de porc. Généralement accompagnées d’un commentaire graveleux. Un activiste du steak s’est même pointé dans un festival végane pour y déglutir de la viande crue en public. Et la grande distribution saute sur l’affaire en inventant les «grilétariens»: l’individu nouveau, flexitarien. Le passionné du gril. Ça vole haut.

Au-delà du cirque, la question se pose. L’exploitation animale n’est pas anodine. Certains scandales alimentaires donnent la nausée. Sans parler des questions écologiques ou sanitaires. Je prête une oreille attentive aux militants de l’abolition de la viande. Et sans leur donner raison, reconnaissons qu’il n’est pas impératif de descendre de la bidoche matin, midi et soir. Tout le reste n’est pas garniture, loin s’en faut. Manger mieux. Ce n’est pas complètement idiot. Mais quand même: manger ce que je veux.

Le monde politique s’est évidemment saisi du dossier. A tort, comme souvent. Mon assiette me regarde. Et la majorité, aussi forte soit-elle, ne sera jamais légitimée à m’imposer un régime alimentaire. Je ne parle pas de la sécurité alimentaire, au nom de laquelle on nous a interdit jusqu’à l’année passée de manger des insectes. Je parle de cette idée ridicule de vouloir inscrire dans la Constitution le plat du jour.

Bonnes raisons, bons sentiments

Pesticides, bio, circuits courts, importation et commerce équitable: c’est par la force, celle d’initiatives populaires, que les uns veulent maintenant choisir le menu des autres. Toujours pour de bonnes raisons. Toujours mus par de bons sentiments. Et ce n’est plus le consommateur qui compose ses plats, mais l’électeur majoritaire qui compose celui du minoritaire.

Je me souviens de mon premier voyage outre-Atlantique. Arrivés dans un dinner, mon interlocuteur, d’ordinaire gourmet, avait arrosé tous ses plats de ketchup, en s’exaltant: «C’est ça l’Amérique. C’est la liberté.» Ça m’est resté. C’est vrai, c’est un peu ça la liberté. Laisser mon assiette en dehors du parlement, comme le veut d’ailleurs le règlement. Et personne n’a jamais prétendu que c’était de la gastronomie.