Du choléra aux spaghettis corona

Est-il possible de parler d’autre chose que de pandémie? Probablement pas, car il est temps de mettre toutes nos forces et notre intelligence à combattre ce fléau pour que nous puissions passer le plus vite possible à autre chose.

Le 25 janvier, GastroValais organisait une opération séduction pour découvrir le choléra. On s’en souviendra… Le choléra, c’est une recette de cuisine qui remonte à l’épidémie valaisanne éponyme de 1836. A cette époque, quelqu’un avait eu le besoin impérieux de mélanger tout ce qu’il avait sous la main pour ne pas mourir de faim. On n’est pas dans le registre de la grande cuisine: de la pâte, du beurre, des pommes, des patates, des oignons. Et du fromage raclette AOP, pour les mieux lotis. C’est assez bon. Mais s’il fallait tenir un siège, on risquerait de s’en lasser.

Deux siècles après l’invention de ces röstis en croûte, on provisionne les spaghettis sans les rebaptiser corona. Et de vendredi en vendredi, le Conseil fédéral annonce des mesures, toujours plus drastiques, pour protéger notre santé et éviter le crash complet de notre système.

L’ordre martial

Mais ce n’est jamais assez. Beaucoup exigent la mise sous scellés des citoyens, espérant battre le virus avec une quarantaine forcée aux contours assez flous. Cette croyance bizarre que la lutte contre le Covid-19 passera par les grandes vacances sur son canapé. Ou une vision un peu romantique de l’ordre martial qui pourrait perdre de son attrait au fil des semaines d’enfermement.

Pour sauver autant de vies que possible, il faudra continuer à travailler, en respectant les consignes sanitaires évidemment. Pas par cupidité, mais par nécessité. Au moins là où la situation l’impose. Et ça fait du monde, vous serez surpris.

Les fournisseurs des fournisseurs

Imaginez les ressources dont un hôpital a besoin. Du personnel soignant bien sûr. Mais aussi technique. Du matériel à produire et acheminer. Des cuisines. Une blanchisserie et des équipes de nettoyage. Des ambulances et tout ce que ça implique. Imaginez la liste des fournisseurs du CHUV. Puis la liste des fournisseurs des fournisseurs… Et quid des autres secteurs vitaux en temps de coronavirus? Se nourrir, garder la frontière, produire de l’électricité, de l’eau, transporter tous ces travailleurs ou traiter les déchets: rares sont les professions inutiles dans une crise.

Pour le reste, faisons contre mauvaise fortune bon cœur. Et preuve d’un peu de responsabilité. Il n’est pas nécessaire que le confinement soit ordonné pour rester chez soi. Serrons-nous les coudes, mais pas trop. Limitons nos contacts. Et bientôt, dans quelques semaines, on rouvrira nos bras, nos portes et nos frontières. On se coupera les cheveux. Mais d’ici-là, prenons soin de nous, intelligemment.

Accès à la propriété : analyse de l’adéquation des mesures en vigueur et des adaptations souhaitables

Le Conseil fédéral est invité à analyser dans un rapport les mesures de limitation de l’accès au crédit immobilier pour les particuliers, notamment sous l’angle de leur efficacité, de leur coût pour les citoyens et de leur adéquation au regard de l’évolution des conditions du marché. Il est aussi prié d’étudier l’opportunité de supprimer ces mesures, de les réduire ou de les remplacer par des mesures moins pénalisantes.

Postulat déposé le 12 mars 2020

Selon l’art. 108 Cst., la Confédération est tenue de prendre des mesures pour encourager l’accès à la propriété pour les particuliers.

Or, depuis une dizaine d’années, les autorités de surveillance des marchés financiers ont imposé un certain nombre de mesures restreignant l’accès au crédit immobilier et donc à la propriété. Si un certain nombre d’entre elles peuvent ou ont pu s’expliquer par la nécessité d’éviter des hausses de prix incontrôlées sur le marché, voire des bulles, il n’apparaît pas forcément nécessaire de toutes les maintenir définitivement.

On pensera par exemple à l’exigence d’apporter au moins dix pour-cents de fonds propres exclus du deuxième pilier ou les règles de solvabilité qui se fondent sur des taux hypothécaires (5%) jamais atteints depuis que le taux de référence est calculé.

Si un principe de prudence impose de maintenir des exigences élevées pour l’accès à la propriété, celles-ci ne doivent pas non plus devenir un frein insurmontable pour les personnes, en particulier les jeunes actifs, qui pourraient objectivement devenir propriétaires à moindre risque et qui se trouvent aujourd’hui freinés dans leur rêve immobilier par des contraintes parfois déconnectées de la réalité. A l’inverse, ces mêmes personnes sont aujourd’hui forcées de louer des biens immobiliers pour un prix largement supérieur à ce que coûterait la propriété, en faveur de leur propre caisse de pension…

Le Conseil fédéral est ainsi invité à étudier dans un rapport les effets des mesures adoptées et les adaptations souhaitables qui permettraient d’améliorer l’accès à la propriété pour les citoyens suisses.

Vélo électrique : adapter la législation à la pratique touristique

Le Conseil fédéral est prié de modifier la législation pour permettre la pratique du vélo électrique pour les usagers de moins de 14 ans lorsqu’ils sont accompagnés d’un adulte. Le Conseil fédéral pourra limiter cette utilisation à des lieux de faible fréquentation.

Motion déposée le 10 mars 2020.

La pratique du vélo électrique de 25 km/h maximum est autorisée pour les usagers de plus de 16 ans, nécessite un permis de cyclomoteur pour les personnes âgées de 14 à 16 ans et est interdite pour les moins de 14 ans.

Cette réglementation est certainement compréhensible s’agissant de l’utilisation des vélos électriques sur la voie publique pour un usage régulier et quotidien. Toutefois, les e-bike sont aussi de plus en plus promus dans le monde touristique. Des mountain bike électriques sont par exemple loués dans les Alpes. La promotion d’un tourisme estival implique aussi l’usage de ces nouveaux moyens de transport dans les espaces de loisirs.

Il est dès lors requis du Conseil fédéral de proposer une adaptation des bases légales pour permettre l’usage du vélo électrique pour les familles, y-compris avec des enfants de moins de 14 ans, par exemple sous la surveillance des adultes ou en dehors des espaces à forte fréquentation.

Registre du commerce : publier sur Zefix des informations fiables qui déploient des effets juridiques

Le Conseil fédéral est prié de modifier l’art. 14 de l’ordonnance sur le registre du commerce (ORC) et toutes les bases légales nécessaires pour donner un plein effet juridique aux informations publiées en-ligne dans l’index central des raisons de commerce Zefix.

Motion déposée le 9 mars 2020

Le registre du commerce peut être consulté en-ligne sur le site www.zefix.ch, mis à disposition par l’Office fédéral de la justice.

Selon l’art. 14 de l’ORC, les informations publiées sur ce site internet ne déploient aucun effet juridique. La version révisée de l’ordonnance qui entrera en vigueur le 1er janvier 2021 ne prévoit aucun changement concernant cet aspect-là.

Par sécurité juridique, les partenaires commerciaux devraient demander systématiquement un exemplaire papier et original de l’extrait du registre du commerce avant de mener toute opération commerciale, naturellement contre paiement d’émoluments. De même, plusieurs autorités requièrent encore la production du document original du registre du commerce pour pouvoir procéder.

Il apparaît peut satisfaisant que la Confédération fournisse des informations sur les raisons de commerce tout en se dédouanant d’emblée de la responsabilité de fournir des informations fiables et sûres. Il est dès lors requis de modifier les bases légales utiles pour que Zefix bénéficie de la même présomption de bonne foi que, par exemple, le recueil systématique en-ligne s’agissant des lois.

Swissmedic : pour une possibilité d’autosaisine par l’autorité

Le Conseil fédéral est chargé de proposer une modification de la législation sur les médicaments afin d’autoriser l’Institut suisse des produits thérapeutiques à s’autosaisir afin d’élargir certaines homologations lorsque celles-ci s’avèrent trop restreintes ou incohérentes avec la pratique clinique et le principe d’économicité. Le Conseil fédéral est chargé de définir les conditions de cette autosaisine et la manière dont les fournisseurs de prestation, les assureurs, ainsi que les représentants des patients et des consommateurs peuvent alerter Swissmedic.

Motion déposée le 9 mars 2020.

L’autorisation de mise sur le marché est régie par Swissmedic qui, sur la base des demandes formulées par les fabricants, décide si un produit peut être vendu sur le marché helvétique et à quelles conditions. En l’état, Swissmedic ne statue que sur le périmètre défini par les fabricants.

Ces derniers peuvent ainsi demander des homologations différentes et volontairement partielles, par exemple en limitant les modes d’administration selon les dosages, ou différer les demandes d’homologation pour certaines indications pourtant cliniquement valables. Dans certains cas, cette possibilité est exploitée par les fabricants à des seules fins commerciales, comme dans celui du Velcade (voir l’interpellation 19.4211) ou celui de l’Avastin et du Lucentis. Swissmedic n’a aucune emprise sur l’étendue des homologations, elle ne peut intervenir sans la demande exprès du fabricant.

Lorsque ces produits figurent sur la liste des spécialités, il est pourtant légitime que les pouvoirs publics puissent intervenir dans un souci d’économie et agir sur les homologations. Dans cette optique, il est nécessaire de modifier la loi sur les produits thérapeutiques afin d’autoriser Swissmedic à intervenir, en particulier lorsque, à composition similaire, ou à effet similaire, des révisions d’homologation sur des produits déjà autorisés permettrait des économies importantes. Il ne s’agit pas de donner compétences à Swissmedic pour intervenir sur le type conditionnement (Iv.Pa 19.508) ni à réviser les articles 71a à d LAMal (motion 19.3285). Il vise à lui attribuer des prérogatives pour donner plus de cohérence à un système d’homologation parfois trop segmenté et, dès lors, peu économe.

Réduire les émoluments en matière de poursuite et de faillite

Le Conseil fédéral est prié soit de réduire les montants prévus dans l’ordonnance sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP), soit de permettre aux cantons d’introduire de telles réductions sur leur territoire.

Motion déposée le 9 mars 2020.

Les émoluments devront être adaptés à la baisse pour assurer globalement l’équilibre des comptes des offices des poursuites et des faillites et éviter ainsi tout bénéfice excessif.

Le nombre de procédures de poursuites et de faillites est en constante augmentation, cela dans l’ensemble du pays. En vingt ans, le nombre de poursuites a plus que doublé, les gains en productivité ont été réels et le prix des émoluments n’a pas été globalement revu.

Suite à l’adoption du postulat 18.3080, il a pu être constaté que dans de nombreux cantons, les émoluments des poursuites et faillites ne respectent plus le principe de couverture des coûts et d’équivalence. Ainsi, la structure tarifaire en vigueur permet de dégager de l’activité de poursuites des bénéfices importants en faveur des collectivités publiques, parfois par dizaines de millions de francs par année Or, ces revenus sont réalisés à charge des créanciers, souvent des PME, qui cherchent légitimement à obtenir le paiement de leurs prestations, soit à charge des débiteurs qui souffrent déjà d’une situation précaire.

Les principes constitutionnels relatifs à la fiscalité exigent que les émoluments de l’OELP soient réadaptés, soit de manière générale pour l’ensemble du pays, soit en permettant aux cantons qui réalisent des bénéfices trop important de réduire les émoluments, dans l’intérêt des citoyens.

Le vent lugubre du protectionnisme souffle sur la Suisse

Cette absurdité économique consiste à s’imposer un poison en étant convaincu qu’il nous fera du bien. Malheureusement, ce genre d’attitude masochiste a le vent en poupe.

Un vent de protectionnisme souffle. Un de ces vents froids, secs. Il n’a pas l’air bien méchant, il porte pourtant la désolation et vous fiche un sacré rhume qui vous cloue au lit. Ça a commencé par ces votations successives pour boucler les frontières. Pour cause d’huile de palme ou pour empêcher les réfugiés syriens d’arriver jusqu’à nos portes. Et puis maintenant, ceux qui prônaient hier l’internationale socialiste se vantent ouvertement d’être «protectionnistes» quand ils se proposent de diriger leur parti.

Le vent souffle aussi à Berne. Mû par le genre de patriotisme économique qui vaut à la France ce succès éclatant qu’on lui connaît, le parlement veut bloquer les investissements chinois en Suisse. Les contingenter. Par méfiance, avec une pointe de racisme aussi. Sans savoir – ou faisant semblant de l’ignorer – que celui qui rachète les entreprises de l’autre, c’est surtout la Suisse. On se venge comme on peut du coronavirus.

La Commission de l’économie vous protège

Le Conseil fédéral voulait aussi supprimer les droits de douane des produits industriels. Favorable aux entreprises et aux consommateurs, le projet n’est combattu que par les syndicats des douaniers et quelques enragés de la décroissance. Eh bien, malgré cette quasi-unanimité, c’est non. Au nom d’un intérêt public invraisemblable, la Commission de l’économie vous protège. Et s’assurera que vous payerez votre dû sur chaque boulon qui franchira la frontière. Il faut bien sauver les gens d’eux-mêmes.

L’embargo est un acte de guerre que le droit international prohibe, en principe. Avant le tapis de bombes, on essaie d’asphyxier son adversaire en lui interdisant de commercer. On ne le souhaite en principe à personne. Ce sont des méthodes réservées pour les régimes d’affreux tyrans. Et pourtant. Le protectionnisme, c’est la même chose, mais on se le fait à soi-même. Curieusement, ses partisans sont persuadés que ce qui tue votre ennemi vous rendra plus fort quand vous l’appliquerez à vous-même, à vos concitoyens. Allez comprendre.

Depuis quatre ans, la gauche se moque de Trump et son America First. Mais comme tout se passe en Suisse avec des années de retard, c’est elle qui applique aujourd’hui le même programme absurde, convaincue que les formules qui ont échoué partout ailleurs et à toutes les époques cartonneront ici et aujourd’hui.

Le 17 mai, c’est le plan C, comme Chaos.

Chronique publiée en allemand, le 28 février 2020, dans le Walliserbote.

Pendant les deux minutes de lecture de cette petite chronique, l’économie suisse aura échangé un peu plus de 2,6 millions de francs avec l’économie européenne. C’est un chiffre qui donne le tournis. Inlassablement, jour et nuit, vingt-quatre heures par jour, dimanche et jours fériés inclus, nous commerçons quotidiennement pour plus de deux milliards de francs avec notre voisin.

Autant dire que la qualité des relations qui nous lient est importante. Pour notre prospérité. Pour l’emploi. Pour notre qualité de vie.

Avec l’Europe, il y a eu le plan A, comme adhésion. Rejeté en 1992. C’est le plan B, comme bilatérales, qui a été choisi. Des centaines d’accords et de conventions taillées sur mesure pour la Suisse. Et ce plan fonctionne assez bien, on doit l’admettre. Il n’est pas parfait, mais il a au moins eu le mérite de nous apporter un certain confort de vie tout en maintenant notre souveraineté.

Le 17 mai prochain, nous voterons sur une initiative qui réclame la fin de l’accord de libre-circulation des personnes. Or, dans ce cas, l’article 25 de cet accord prévoit expressément la fin automatique des autres accords bilatéraux du premier paquet. Ce n’est pas négociable, discutable, c’est la loi.

En pratique, nous choisirons si la Suisse doit se passer de la libre-circulation des personnes, mais aussi de l’accord sur le transport aérien, sur le transport par rail et route, sur les échanges de produits agricoles, sur les reconnaissances mutuelles de conformité, sur les marchés publics ou sur la coopération scientifique et technologique.

Ce ne sont pas des broutilles. L’accord agricole ouvre le marché européen à l’industrie agroalimentaire, par exemple celle du fromage qui a connu un essor extraordinaire au cours des vingt dernières années. L’accord sur la reconnaissance des produits assure que les produits autorisés en Suisse le soient aussi en Europe, notamment dans le secteur pharmaceutique. C’est grâce à l’accord sur les marchés publics que Stalder Rail a pu concourir et remporter le marché des transports publics de Darmstadt en Allemagne. Sans lui, nous serions exclus des marchés publics dans les secteurs de l’énergie, des transports et des télécommunications.  

La libre-circulation, elle, garantit à 450’000 Suisses de pouvoir vivre et travailler dans l’Union européenne. Elle constitue un modèle de gestion de l’immigration qui fait primer les besoins de l’économie sur une bureaucratie tatillonne. Les contingents que l’on applique avec les pays tiers sont déjà la bête noire des entreprises qui prospèrent, à commencer par celles qui ont investi massivement sur le site industriel de Viège.

La libre-circulation a aussi sa face sombre, c’est vrai. Il y a des citoyens, en Suisse, qui souffrent de la concurrence des travailleurs européens. Le parlement créera en session de printemps une rente-pont pour les chômeurs en fin de droit de plus de 60 ans. Quelque 6’000 personnes en Suisse. Il est plus efficace d’aider les perdants d’un système qui a fait ses preuves que de démolir ce même système.  

La Suisse doit faire le choix entre la voie bilatérale, taillée sur mesure ou le modèle des pays qui n’ont aucun lien particulier avec ce grand marché unique, comme la Turquie ou l’Ukraine. Après le plan A et le plan B, on peut essayer le plan C, comme Chaos. Par sûr que ce soit une expérience très amusante.