Le jour où les talibans ont gagné, et les chiens aussi

En pleine débâcle afghane, le rapatriement par l’armée britannique de centaines d’animaux de compagnie laisse pantois. Et fait douter de la supériorité morale de nos valeurs lorsqu’on sauve les bêtes tandis qu’on abandonne les hommes.

Il est difficile de parler de la débâcle afghane sans connaître le pays. Loin de moi l’idée de dire ce qui aurait dû être fait, ce qui aurait été mieux et pour qui. Mais de ce que j’en sais, de ce que j’en vois, la morale semble de notre côté. On regrette la victoire d’une conception rétrograde du monde, de valeurs qui n’ont que la force des armes pour s’imposer, à défaut de la raison. Même dans la défaite militaire occidentale, il est toujours rassurant de se dire que notre monde vaut mieux que le leur, que nous défendons une société juste face à une barbarie inhumaine.

Sains et saufs, les clébards

C’est ce que je me disais. Enfin, jusqu’à l’histoire invraisemblable de l’évacuation britannique. Le genre d’anecdote qui vous fait douter de vos convictions et de notre propre humanité. Au milieu de la catastrophe, les Anglais ont évacué 200 chiens d’un refuge pour animaux. Oui, vous avez bien lu. Le personnel de l’ONG est resté abandonné au djihad islamique, les clébards sont sains et saufs, rapatriés à Londres.

Alors que des milliers d’Afghans menacés des pires châtiments par les nouveaux maîtres de Kaboul mendiaient une place dans un avion. Alors que d’autres trouvaient la mort dans un train d’atterrissage ou chutant d’une aile à laquelle ils s’étaient désespérément accrochés. Alors que l’ambassade britannique «oubliait» les CV de postulants afghans, candidats d’abord pour un emploi, désormais pour la torture du nouveau régime. Alors que les femmes retrouvent la burqa et voient les portes des écoles se fermer.

Mme Johnson dans le coup

Dans un premier temps, le ministère de la Défense s’est refusé à une telle absurdité: les Afghans et les soldats avant les bêtes. C’était sans compter la pression des amis des animaux sur Twitter. Des milliers de messages. Et même, paraît-il, l’intervention de la conjointe de Boris Johnson herself, militante de la cause animalière.

On a le beau jeu de se croire plus valeureux que ces sauvages, ces fous de Dieu. Quelle sorte de talibans avons-nous créés dans nos sociétés occidentales? Qui sont les plus écœurants de ces extrémistes? Ceux qui, de la main ou de la patte tendues, coupent la première, ou ceux qui saisissent la seconde?