On vous aura prévenu: l’alcool alcoolise, le sucre sucre

De plus en plus de combats politiques se limitent à la prévention. Ces mesures, infantilisantes, n’ont toutefois pas toujours les effets positifs que l’on pourrait espérer. Sauf, évidemment, sur la conscience.

On rigolait des Américains et de leur «caution hot» inscrit sur les gobelets de café. Il y avait aussi ce camping-car vendu avec un manuel qui vous conseillait de ne pas quitter le volant pendant le trajet. Ces cas absurdes offraient des petites anecdotes amusantes pour les professeurs de droit. Et à force de moqueries, comme trop souvent, on a pris les mêmes mauvais plis. Chez nous aussi, on se sent obligé de prévenir le citoyen de tout et n’importe quoi. La prévention, mot magique et galvaudé, recyclé à toutes les sauces des programmes électoraux un peu creux.

«Le petit crédit endette»

C’est peut-être le signe que tout va bien. Ou que les élus manquent d’idées. Les nouveaux grands combats politiques consistent ainsi à accrocher des petits avertissements un peu partout. Pour vous rappeler que manger 5 kilos de chocolat par jour n’est pas judicieux. Qu’il faut bouger pour sa santé. Que le petit crédit endette. Les avertissements les plus pénibles sont en ligne. Avec la psychose collective de la protection des données, on a rendu le web illisible. Oui, j’accepte vos cookies. Collectez mes données sans gêne. Servez-vous. Et tenez-le-vous pour dit une fois pour toutes. S’il vous plaît.

Et le tour est joué…

Les preux chevaliers du petit panneau d’avertissement ne sont pas près de s’arrêter. Aujourd’hui, ce sont les écologistes qui aimeraient indiquer sur les publicités des compagnies low cost que l’avion pollue. Arrêtez tout. Ils ont trouvé la solution. «Prendre l’avion est mauvais pour le climat.» Ecrivez-le en gros caractères, comme «Fumer tue». Et le tour est joué. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt? Une banalité sur les affiches et le climat sera sauvé. Et si ce n’est pas suffisant, on pourra toujours augmenter la taille du caractère.

On enfonce des portes ouvertes

A l’être insensible, ou «insensibilisable», que je suis, ces portes ouvertes enfoncées donnent la désagréable impression d’être pris pour une dinde. Personne n’a besoin d’une administration pour savoir que l’alcool alcoolise, que l’exercice exerce et que le sucre sucre. Cette conception infantilisante du citoyen dénote un certain mépris de l’intelligence humaine. Et permet aussi de soulager la conscience de ceux qui portent ces mesures: quand on brasse beaucoup d’air, reste au moins le sentiment d’avoir agi.