Radio-TV: des taxes comme s’il en pleuvait

En 2015, le peuple acceptait une réforme de la redevance radio-TV qui alourdissait considérablement la charge des sociétés. On promettait une solution indolore, mais la réalité est tout autre.

C’est avec une poignée de voix d’avance que la loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV) avait été adoptée en 2015. Ironie de l’affaire, ce sont les votes des Suisses de l’étranger, non soumis à la redevance, qui avaient fait basculer le résultat. On est toujours prompt à accepter les impôts quand ils sont acquittés par d’autres.

A l’époque, comme à mon habitude du côté des méchants, je combattais la loi. Arguant son iniquité à l’égard des entreprises qui se voient depuis imposées sur leur chiffre d’affaires. Soi-disant pour réduire la redevance à charge des citoyens. L’absurdité du raisonnement illustrait déjà l’incompétence économique de l’administration. Les entreprises ne consomment pas de médias. Aucune. Il n’y a que des gens faits de chair et d’os qui regardent la télévision et écoutent la radio. Et lorsqu’on fait payer les entreprises, c’est forcément une personne physique qui paie au bout de la chaîne. L’actionnaire, le client ou le salarié, peu importe. Ce contribuable qui s’est déjà docilement acquitté de son obole à titre privé.

L’avidité du percepteur

Procédé classique. Au lieu d’alléger l’impôt, on le cache. On le dilue. Dans les comptes de pertes et profits des entreprises. Indirecte, invisible, la redevance devient un peu plus perfide. Mais toujours plus chère, même si elle est dissimulée dans le ticket de caisse.

Ce n’était pas encore assez pour l’avidité insatiable du percepteur, jamais en manque d’idées pour saigner à blanc les entreprises qui, ne l’oublions pas, ne votent pas. Non contente d’imposer la double peine en taxant injustement le chiffre d’affaires, voilà que l’Administration fédérale des contributions, successeur de l’infâme Billag en la matière, s’est mise à taxer les consortiums. Et introduire par la même occasion la triple peine.

Le consortium est un contrat. Une alliance de sociétés soumises elles-mêmes à la redevance. La richesse est prélevée une première fois dans la poche du citoyen. Une seconde dans les comptes de son employeur. Et une troisième fois au titre des accords conclus avec des tiers.

La Suisse est régulièrement placée en tête des classements des pays les plus innovants. On devrait inventer un classement des fiscs les plus inventifs. Sûr qu’on marquerait là aussi des points.

Qui veut payer des millions en impôts ?

Les discussions sur la moralité fiscale des élus laissent apparaître une nouvelle échelle de valeurs. Le contribuable ne doit plus seulement payer ses impôts. Il doit les aimer, les chérir et s’en réjouir. Au risque d’être perçu comme un fraudeur en puissance.

Cette chronique sera l’occasion d’une confession. Je déteste payer des impôts. Ils ne me rendent pas heureux. Ne me donnent pas l’impression d’être un bon type. Si je m’acquitte de mon devoir de contribuable toujours à temps et jusqu’au dernier centime, c’est la mort dans l’âme, dans le plus strict respect de la loi. Jamais de gaîté de cœur.

J’aurai peut-être aussi droit à une enquête fouillée du Tagi,preux chevaliers de l’impôt maximum. Une nouvelle morale est née. Ces dernières semaines, on a reproché à une collègue de ne pas avoir payé des impôts qui ne lui avaient pas été réclamés. Rien d’illégal. Il n’est écrit nulle part que les citoyens doivent courir après le fisc pour être taxés au plus vite, au plus fort, au plus cher.

Des dons en faveur du fisc?

Il est devenu honteux de s’en tenir aux lois de la Confédération sans y mettre un peu de zèle, sans chercher à suppléer le fonctionnaire un peu trop lent. Le percepteur frappe toujours, fort, parfois en retard. Personne n’y échappe. Désormais, l’élu modèle, citoyen responsable, anticipera lui-même sa décision d’impôts. Il renoncera volontairement à la déduction de son 3e pilier. Il oubliera des frais professionnels. Et pourquoi ne pas s’acquitter carrément de dons en faveur du fisc? Au paroxysme de cette éthique de premier de classe, toute déduction fiscale deviendra suspecte.

La froideur des administrations

Ce masochisme fiscal me laisse pantois. Quand je paie des acomptes, c’est pour échapper à l’intérêt moratoire confiscatoire, pas pour remplir les comptes publics, bien assez riches de toute manière. On m’accusera de vouloir affamer les collectivités, de n’être qu’un égoïste sans cœur. Rien ne m’inspire moins de solidarité que la froideur des administrations publiques. Mon empathie va seulement pour les citoyens, petits ou grands, pris dans l’engrenage administratif et fiscal.

Contrairement aux slogans des manifs de la gauche radicale, il n’y a pas d’austérité. Jamais l’Etat n’a dépensé autant d’argent. Jamais les caisses publiques n’ont été aussi garnies. Cinq milliards de bénéfices en 2017. Et pourtant, ce ne sera jamais assez.

Benjamin Franklin avait dit qu’«en ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts». Soyez certain que j’aborde l’une et les autres avec le même empressement.