Étiquette : loterie romande

  • Grattez ! Gagnez ! Votez !

    Grattez ! Gagnez ! Votez !

    La campagne pour la loi sur les jeux d’argent est l’occasion d’un festival de cadeaux et de distribution d’argent de la part des casinos et de la Loterie Romande. Les invitations, concours et subsides pleuvent pour inciter le peuple à adopter sans sourciller une loi inadaptée et controversée.

    La semaine dernière, on découvrait sur les ondes de RTS La Première que la Loterie Romande, la LoRo pour les intimes, avait convié 12 parlementaires à suivre la Patrouille des glaciers en… hélicoptère. Un petit cadeau bienvenu qui permet de mettre en œuvre le slogan qui proclame que le jeu protège l’environnement.

    Même après avoir reçu des billets à gratter en guise d’argumentaire, les élus héliportés ne voient toujours pas le problème. Selon mon estimé collègue Claude Béglé, interviewé à l’occasion, la promenade lui a permis de mieux comprendre le fantastique travail de la LoRo. Il aurait dû visiter un bistrot équipé de Tactilo pour comprendre toute la chaîne de production de valeur, de la poche des plus faibles au loisir des parlementaires.

    «Le bleu que j’étais…»

    Les représentants du peuple sont aussi invités régulièrement à des soirées au Montreux Jazz. Un peu naïf, le bleu que j’étais a accepté l’invitation lors de ma première année de parlementaire. Une soirée très agréable. On insistait sur les bienfaits de la redistribution par la magie du loto. On s’assurait une bienveillance à l’égard de l’industrie des casinos et du jeu. Le tout financé par ceux qui se ruinent. Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir.

    On change aujourd’hui de dimension. Pour la loi sur les jeux d’argent, on sort l’artillerie lourde. Il n’est plus question d’acheter les voix, pardon, de convaincre 246 parlementaires, mais le peuple dans son ensemble. Et puisqu’il est très difficile de mettre des millions de personnes dans un hélicoptère, on invente d’autres formules. On met au concours des places pour le Cirque du Soleil ou un meeting d’athlétisme. Les associations qui ont touché l’argent du jeu reçoivent par la poste des injonctions des conseillers d’Etat à soutenir activement la loi. «Une offre que vous ne pouvez pas refuser», pour paraphraser Marlon Brando. Pour le bien public, la fin justifie les pires moyens.

    Notre pays fait face à une immense addiction au jeu. On estime qu’elle coûte presque autant que ce qu’elle rapporte. Socialement dévastatrice et moralement indéfendable, cette campagne montre que le vice est encore plus profond qu’il n’y paraissait: de tous les accros aux loteries, les plus atteints sont encore ceux qui en perçoivent le fruit.

  • La loi sur les jeux d’argent et l’éthique du bandit manchot

    La loi sur les jeux d’argent et l’éthique du bandit manchot

    Le 10 juin, les Suisses voteront sur une nouvelle loi sur les jeux d’argent qui prévoit, première nationale, le blocage des sites web étrangers concurrents des prestataires nationaux. Le débat s’annonce pimenté par les prétextes éthiques de chacun. Pour «protéger la nature suisse», vous êtes prié d’accepter la loi sur les jeux d’argent. Sans rire, c’est avec ce slogan benêt et cette photo kitsch d’un lac de montagne que les casinos espèrent convaincre le 10 juin.

    Gratter, jouer, perdre…

    Pour l’écologie, on peut aussi militer pour le WWF, participer à des collectes de déchets ou renoncer aux vols low cost. C’est contraignant. Le plus facile reste d’accepter cette loi. Magnanime et omnipotente, elle soutient aussi le sport, l’AVS, la culture. On apprendra peut-être encore qu’elle garantit le retour de l’être aimé, transforme le plomb en or et élimine efficacement les taches de rouille. Gratter, jouer, perdre. C’est la solution à tous les maux. Voilà le leitmotiv d’une campagne qui ne dit pas son nom: la défense de la corporation des casinos et des loteries.

    Ne le nions pas. Chaque franc bêtement perdu au Tribolo ou dans un des 21 casinos de Suisse remplit un peu les caisses publiques et fait le beurre de milliers d’associations. Tout comme l’argent des cigarettes, cela dit. Est-ce suffisant?

    Un précédent? On s’en fiche!

    Derrière cette déferlante de gentils prétextes, un objectif: casser la concurrence. La loi introduit le blocage des sites internet étrangers, déclarés «illégaux». Que beaucoup de ces sites – comme la célèbre Française des jeux – soient parfaitement licites n’y change rien. On le dit, ça impressionne. Que ces mesures de censure constituent un précédent aussi regrettable qu’inefficace, on s’en fiche. On n’est pas à une approximation près.

    Pas de mesure contre l’addiction

    C’est pourtant le joueur qui devrait être protégé. Or, pas une seule nouvelle mesure contre l’addiction n’est prévue. Difficile de se draper de vertu quand on se finance avec l’argent de pauvres diables qui claquent leurs économies en sifflant des bières sur le comptoir des Tactilo. Avec ça, les leçons de morale passent mal, forcément.

    Tous les gagnants ont tenté leur chance, disent-ils. Mais aussi et surtout les perdants, ceux qui se sont ruinés, victimes d’un vice socialement dévastateur. «Qui joue, perd» devrait être écrit en majuscules sur les billets de loterie. Au jeu du blocage d’internet, pas sûr que les casinos gagnent. J’en prends volontiers le pari.