En septembre, vos primes-maladie exploseront

Les coûts de la santé de l’année passée sont les primes maladies de l’année prochaine. Et la rumeur gronde, sévère. Les coûts ont augmenté de 5 à 6% en 2021. Ce chiffre sera vraisemblablement celui de l’explosion des factures LAMal de 2023.

Cette augmentation, c’est celle des revenus des hôpitaux, des médecins, des labos, des pharmas, des pharmacies. La santé en Suisse est un système complètement planifié. Et les tarifs sont étatisés à souhait. À chaque seconde de consultation, à chaque sparadrap, à chaque cachet d’aspirine, correspond un prix, fixé par l’État ou par les partenaires tarifaires. Rien n’est laissé au hasard. Ou pire encore, au marché.

Les prix étatiques sont un oreiller de paresse qui nous coûte cher. Très cher. Bien sûr, dès qu’on le dit, on nous rétorque les mêmes lieux communs sur la santé, un bien «pas comme les autres». Mais soyez rassurés: les revenus des acteurs de la santé, eux, sont des revenus comme les autres.

Absence de concurrence, hausse des coûts

Je suis intimement convaincu que c’est l’absence de concurrence qui provoque les hausses des coûts. La preuve par l’exemple. Lorsqu’il est remboursé par l’État, le test PCR coûte 150 francs. Quand vous le payez de votre poche, on le paie 15 francs.

Les soins dentaires constituent un autre contre-exemple parfait au modèle LAMal. Depuis son entrée en vigueur, le chiffre d’affaires des cabinets dentaires a augmenté moins vite que les salaires. Tout le contraire des autres domaines de la santé, remboursés, protégés. Et malgré cela, la qualité de la santé bucco-dentaire en Suisse s’améliore.

La concurrence a permis l’apparition des chaînes d’opticiens, de cliniques orthodontaires, des centres de remise en forme. La qualité des soins n’a pas diminué, la compétition a contenu les prix. On trouve aujourd’hui des lunettes de vue à un prix inférieur à celui de 1990, sans s’imposer un look de premier secrétaire du parti communiste soviétique.

Il ne faut pas secouer le cocotier

Dans la santé publique, administrée, solidarisée, l’innovation échappe à la règle qui veut qu’elle induise une réduction des prix. C’est même l’inverse: à l’hôpital, chaque invention justifie d’augmenter les dépenses. Quand les scanners ou les machines deviennent plus efficaces, les prix augmentent. Contre le bon sens, sauf pour l’ensemble des acteurs qui bénéficient directement de cette rente de situation.

Cette semaine, le Conseil national s’est encore rangé du côté du statu quo. Ma proposition pour permettre les importations parallèles de médicaments a été rejetée. Une autre proposition, pour négocier des rabais avec les fournisseurs de prestation, a aussi été rejetée. Parce que l’édifice est trop complexe, parce qu’il ne faut pas secouer le cocotier.

En septembre, on s’indignera à nouveau de l’augmentation des primes-maladie. Mais qu’attendez-vous d’autre d’un système dans lequel tout est planifié, à commencer par les prix?

Faut-il revaloriser le personnel de santé ? Débat face à Pierre-André Wagner.

Débat entre Pierre-André Wagner, l’un des responsables de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) sur la revalorisation du personnel de santé.

Je m’oppose à cette initiative car un contre projet a été adopté par le Parlement, et qui rentra en vigueur en cas de refus de l’initiative. Ce projet proposé par le Parlement prévoit, notamment une augmentation massive du financement de la formation, et surtout une autonomisation du personnel soignant qui pourront prescrire des médicaments aux patients à la charge de la caisse maladie obligatoire. La suite👇

La roulette russe de Novartis, une pilule dans le barillet

Novartis a envisagé de tirer au sort 100 nourrissons qui auraient eu droit à sa thérapie géniale et hors de prix. Pour qu’ils aient la vie sauve. La démarche impose une réflexion sur la prise en charge des innovations par nos systèmes de santé modernes. Mais n’enlève rien au caractère immoral de la proposition du géant pharmaceutique.

C’est de Gaulle qui avait eu cette méchante phrase: «Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche.» Au grand dam des finances publiques et pour notre bien à tous, le temps lui donne tort. L’industrie pharmaceutique invente des médicaments. Qui soignent des maladies jusqu’ici incurables. Qui redonnent de l’espoir. Mais qui coûtent un saladier.

Prenez le Zolgensma. Cette thérapie pourrait sauver des vies. Et pas n’importe lesquelles. Celles des enfants. Pour plus de 2 millions de francs l’unité. A ce tarif, nos systèmes sociaux rechignent à passer à la caisse. Pour leur forcer la main, Novartis voulait tirer au sort 100 nourrissons qui bénéficieraient gratuitement du traitement. Les autres mourront. Probablement. Le procédé est infernal, insupportable.

La vie n’a pas de prix. Le médicament oui, et non des moindres. Avec ces thérapies, nous soignerons peut-être des leucémies. Ralentirons la mucoviscidose. Ferons du cancer une maladie chronique. En déboursant par patient des centaines de milliers de francs. Voire des millions. Mis bout à bout, sans doute des milliards.

On pourrait limiter les marges de ces inventions dont le succès dépend du brevet. Aux droits découlant d’une position dominante sur le marché, le devoir de pratiquer des tarifs raisonnables. Mais au risque de doucher les espoirs, cela ne suffira pas. A priori, ce sont bien les coûts mirobolants de la recherche qui expliquent l’essentiel des tarifs, et fabriquer la pilule miracle n’est pas une sinécure.

Une proposition bestiale

Un jour ou l’autre, nous devrons affronter le douloureux débat de l’étendue du système de santé. Jusqu’où lui consacrer nos revenus? Jusqu’au quart? A la moitié? Où est la limite? Admettre toutes les innovations techniques, c’est accepter la diminution de notre pouvoir d’achat et donc la paupérisation de la classe moyenne. Y renoncer, c’est laisser mourir des gens que l’on savait pouvoir guérir.

Le hasard est le fruit de la nature, imparfaite. Celle qui laisse s’abattre la maladie au petit bonheur et la malchance sur les hommes et les femmes. C’est la fatalité qui joue à la roulette russe. A l’inverse, l’humanité doit rejeter ce hasard pour lui substituer la raison. En cela, la proposition de Novartis est immorale. Bestiale, même. In extremis, l’entreprise pharmaceutique y a renoncé. Elle aura toutefois mérité de poser un débat nécessaire.