La politique, cette grande école de l’échec

Ce n’est ni sombre ni pessimiste, mais c’est une fois sur dix seulement qu’une initiative rencontre le succès. Et les projets parlementaires ne sont pas en reste. Il vaut mieux accepter la situation. Cela ne rend les victoires que plus savoureuses.

La politique suisse, c’est la grande école de l’échec. Etre élu au parlement, c’est prendre l’habitude de voir vos idées fantastiques ne susciter qu’un haussement d’épaules malpoli de vos collègues. C’est se désespérer du nombre de points rouges sur le tableau électronique du Conseil national au moment du vote. Ce sont ces grands moments de solitude, en commission. Quand vous constatez avec dépit que même «les vôtres» se sont laissé enfumer par l’administration. L’administration, toujours là quand il faut casser l’enthousiasme d’un député prolifique.

Un proverbe des Shadoks disait que «ce n’est qu’en essayant continuellement que l’on finit par réussir… Autrement dit… Plus ça rate et plus on a de chances que ça marche.» J’éprouve une profonde sympathie pour mes collègues des extrêmes politiques qui perdent à répétition. Eux qui, inlassablement, reviennent semaine après semaine avec de nouvelles propositions sans jamais réunir de majorité.

 

 

Comble de l’injustice, non seulement perdre fait mal, mais on vous le reproche. Il n’y a rien de pire que les mauvais perdants. Un ancien conseiller fédéral de Martigny m’avait donné ce bon tuyau: toujours rédiger à l’avance le discours de la défaite. Le garder dans la poche, au cas où. Perdre est un art. Et comme l’art est difficile, mieux vaut s’y préparer.

Pour se consoler, on se dit que c’est encore devant le peuple que l’on perd le plus. Nous, députés, échouons en cachette. Les initiatives, elles, se paient des enterrements de première classe. C’est devenu un principe: les initiatives sont refusées. Les succès ne sont que des accidents de parcours.

Des citoyens réfractaires

On trouve des citoyens réfractaires. Toujours plus nombreux. Qui recourent contre les votations. Qui espèrent que, non, tout ne s’est pas terminé dimanche. Que la belle utopie continuera devant les tribunaux. Contre les fusions de communes, Moutier dans le Jura, pour les cornes des vaches ou les salles de concert. Ils tendent la joue gauche. Et avec la régularité d’un métronome, les juges leur font connaître l’échec à leur tour.

Mais ne désespérez pas, acceptez même la défaite. C’est la multiplication des échecs qui donne toute sa saveur aux victoires. Et celles-ci sont le meilleur carburant de notre engagement.