Que diriez-vous de payer une taxe de 10 ct. par centimètre cube de chaque réfrigérateur vendu pour amortir les coûts du vol à l’étalage ? Naturellement, chacun d’entre nous considérerait cela comme du vol organisé, comme le report sur les honnêtes citoyens des méfaits des autres.
C’est pourtant ce que pratique l’organisme de redistribution des droits d’auteur, qui prélève une taxe relativement importante sur l’acquisition de chaque objet qui pourrait permettre de diffuser de la musique. Les sociétés de droit d’auteurs proposent et sont sur le point d’obtenir l’extension de cet impôt à tous les appareils qui permettent de diffuser de la musique, à savoir les téléphones portables, les tablettes numériques, les clés USB. On peut imaginer à terme que la taxe frappera aveuglément les consoles de jeux vidéo, les télévisions, les autoradios et, vu l’omniprésence de la technologie dans notre quotidien, on peut s’attendre à terme une taxe similaire sur les appareils électroménagers.
Ces objets sont multifonctions et la musique n’est qu’une possibilité d’exploitation parmi des milliers d’autres. Ils sont notamment utilisés massivement dans le milieu professionnel et il n’est pas incongru d’imaginer qu’un téléphone portable puisse servir à tout autre chose qu’à écouter de la musique. Pourtant, il sera prochainement taxé pour compenser le préjudice que la copie fait subir aux artistes.
Les sociétés de droits d’auteur arguent que le paiement de la taxe compense un droit à la copie privée préjudiciable pour les auteurs. L’industrie musicale s’acharne pourtant depuis des années à limiter au maximum la possibilité de copier leur musique. Les disques de dernière génération disposent de mécanismes de verrouillage empêchant toute reproduction et la musique acquise légalement sur Internet – via iTunes par exemple – ne peut pas être diffusée au-delà de son propre périphérique.
L’industrie musicale a déjà raté une première fois le virage des nouvelles technologies. Les droits d’auteur sont bafoués par le téléchargement illicite et les nombreux procès n’ont jusqu’ici pas permis de l’enrayer. Alors que l’on cherche à limiter ces pratiques et à faire prendre conscience de la nécessité de protéger les artistes, on admet l’idée de prélever une redevance qui légitime d’une manière inacceptable des comportements illégaux.
Ces taxes, une fois de plus, pénalisent les consommateurs honnêtes qui paient deux fois leurs droits d’auteur : lors de l’achat du support et lors de l’acquisition de la musique. Les pirates, eux, ne paient qu’une seule fois, et un montant dérisoire au regard de tout ce qu’ils pourront copier. Une pétition demandant la suppression de cette taxe a été lancée, sur le site www.tropdetaxes.ch. Je ne saurais qu’inviter les lecteurs à la signer, histoire de montrer que nous ne sommes pas toujours prêts à nous laisser tondre.
Publié le 20 janvier 2011, dans le Nouvelliste
Jour : 20 janvier 2011
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Une taxe payée par tous pour compenser le vol de quelques uns ?