Sociétés électriques : pourquoi refuser de les subventionner ?

Depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima, le marché de l’électricité est complètement perturbé par un nouveau tsunami, de subventions cette fois-ci. Dans l’idée d’anticiper la sortie du nucléaire, les Etats européens, et l’Allemagne en tête, se sont mis à financer massivement la création de centrales électriques renouvelables (éolien et solaire) et même certaines centrales moins propres, au charbon, au gaz.
Cette politique a mené à une augmentation de la production électrique, et, comme dans tout marché, si l’offre augmente, le prix baisse. Baisse tellement que l’électricité ne vaut plus rien, ou presque.
Or, avec un prix de l’électricité pareil, la rentabilité des barrages s’est effondrée, au point que l’hydroélectricité est devenue carrément déficitaire.
Face à cette situation, la solution adoptée par le Conseil national est absurde : subventionner les producteurs d’électricité. La source de tous les maux des producteurs d’électricité est la multiplication des subventions publiques, et la solution proposée est d’ajouter encore un peu de subventions à ce système. Jeter de l’huile sur le feu.
Alpiq, EOS et les autres, ces compagnies électriques qui ont gagné de l’argent pendant des décennies en nous vendant de l’électricité. Aujourd’hui, en raison d’un prix de l’énergie trop bas, le contribuable doit financer les pertes.
Le remède proposé est pire que le mal dont l’on parle. Chacun s’accorde à dire que le marché se régulera lorsque nous sortirons de la logique de subventions, mais tous proposent de s’y enfoncer encore un peu davantage. Et non seulement chaque franc de subvention fait pression à la baisse sur le prix de l’électricité, mais rend toujours plus difficile à terme les moyens de sortir de cette logique destructrice.
Il n’y a pas de salut dans les subventions. Certes, les sociétés électriques souffrent et bénéficieront certainement d’un bol d’air sympathique temporairement. Mais il n’existe aucune garantie que le prix de l’électricité retrouvera à terme un prix permettant aux barrages d’atteindre à nouveau le seuil de rentabilité. Certes, plusieurs indices laissent penser que le prix pourrait augmenter, mais d’autres, tout aussi convaincants, soutiennent le contraire. Or, les diseuses de bonne aventure en la matière se trompent souvent. Personne n’aurait anticipé un prix du baril du pétrole aux niveaux actuels, ceux qui affirment connaître le prix de l’électricité en 2025 spéculent sur du vent.
Le choix de ne pas subventionner est difficile, mais juste. Il revient à laisser la responsabilité aux sociétés électriques, celle de perdre, et celle de gagner.
Mais alors, quel avenir pour nos barrages ? Non, ils ne ne vont pas disparaître sans subvention, il est temps d’arrêter de dire n’importe quoi. Toutes les sociétés électriques qui réclament des subventions considèrent que le prix de l’électricité va remonter dans les dix ans et que les barrages reprendront de la valeur à ce moment-là. Alors de deux choses l’une.
– Soit ces sociétés nous enfument ne pensent pas que l’électricité va reprendre de la valeur. Dans ce cas, ces subventions sont jetées à la poubelle, 1.2 milliards de dépensés pour rien, parce que les barrages resteront déficitaires et l’on ne produira pas de l’électricité à perte à long terme. 
– Soit ces entreprises croient à un retour d’un prix juste. Dans ce cas, c’est entreprises peuvent se débrouiller pour financer leurs investissements, cela d’autant plus qu’elles appartiennent aux cantons et villes du plateau qui ont largement les moyens de financer ces dépenses. Relevons au passage que personne ne parle  de partager le bénéfice lorsque les barrages seront à nouveau rentable, ou de rembourser les subventions. Privatiser les bénéfices mais socialiser les pertes, un « business model » intéressant pour l’entreprise, moins rentable pour la collectivité. 
En d’autres termes, si les barrages ont un avenir, ces entreprises investiront. S’ils n’en ont pas, ce que l’on ne peut pas exclure malheureusement, ce n’est pas aux contribuables de payer l’addition pour maintenir artificiellement des infrastructures auxquelles même la branche électrique ne croirait plus.
Last but not least, subventionner la production d’électricité, alors que l’on cherche à réduire la consommation, est certainement la plus grande aberration écologique imaginable. Celles et ceux qui ont fait l’effort de réduire leur consommation financeront désormais par les taxes la consommation de ceux qui gaspillent.
En fin de compte, la meilleure solution, à mes yeux, est de revenir aux règles du marché. Arrêter les subventions, et pour cela il faut qu’un acteur tire enfin le frein de cette politique énergétique folle européenne qui, au lieu de nous sortir du nucléaire, rend les énergies renouvelables historiques déficitaires. La Suisse aurait pu être le premier de ces acteurs, il sera malheureusement un pays de plus à creuser encore un peu plus davantage le puits sans fond des subventions publiques.