Mois : mai 2020

  • La démondialisation, c’est le populisme côté terroir

    La démondialisation, c’est le populisme côté terroir

     Avec la reprise, beaucoup demandent un «autre modèle», démondialisé. Un modèle obligatoirement local, prétendument plus durable. L’humanité aurait pourtant tout à perdre d’un effondrement des échanges entre les peuples, y compris commerciaux.

    Avant la crise, je m’inquiétais du protectionnisme qui s’abattait sur le parlement. Il ne s’est pas calmé. Au moment du déconfinement, les voix se multiplient contre la mondialisation. Désormais, l’Homme nouveau consommera exclusivement dans son quartier. Des collègues veulent restreindre les importations. Limiter le commerce extérieur. Pour chaque concombre espagnol sur les étalages, une petite indignation. Et voilà que le directeur de l’OMC, Roberto Azevêdo, démissionne avec grand fracas, face à l’échec de son organisation.

    On aime le petit commerce local et les produits de notre terre. Il n’y a pas d’intérêt à échanger par principe avec les gens les plus éloignés ou les plus inconnus. Travailler localement, c’est souvent plus simple, plus raisonnable. Et si j’apprécie l’économie de proximité, c’est parce qu’elle est la meilleure. Pas simplement parce qu’elle est estampillée «locale».

    La démondialisation que beaucoup espèrent ne présage rien de bon. D’abord égoïstement. En Suisse, le commerce extérieur représente la moitié des richesses produites. Si tous les habitants de la planète s’interdisaient d’importer, de partir en vacances au-delà de quelques kilomètres, de travailler avec une banque étrangère, nous devrions renoncer à la moitié de nos salaires. A notre sécurité sociale. A notre système de santé. Nous n’aurions probablement plus les moyens de fréquenter nos propres restaurants et commerces qui appellent à une consommation plus locale.

    Cette démondialisation, ce serait aussi une catastrophe pour les autres, et pas les mieux lotis. En quelques décennies, les pays en voie de développement ont connu la plus fulgurante progression humaine de l’histoire, grâce au commerce mondial, au libre-échange.

    Un autre monde reste toujours possible. Un pire surtout. On peut réduire notre «dépendance». Relocaliser. Mais, sincèrement, pensez-vous que l’on maintiendra notre niveau de vie si, au lieu de fabriquer des montres de luxe et d’inventer les nouveaux médicaments contre le cancer, on se met à fabriquer des masques à quelques centimes et des t-shirts? Et vous pensez que les Chinois et les Indiens se porteraient mieux si on ne leur achetait plus de textiles et de téléphones mobiles?

    La démondialisation, c’est la version terroir du populisme. Un slogan qui fleure bon le patriotisme, mais dont la stricte application démolira ce que des générations ont mis des années à construire. Comme disait très sagement Frédéric Bastiat«si les biens ne traversent pas les frontières, les soldats le feront». La paix en Europe a commencé par un accord de libre-échange. Un retour en arrière est toujours possible. On ne devrait pas trop s’en réjouir.

  • APG pour indépendants et COVID-19 : une application illégale de l’ordonnance

    APG pour indépendants et COVID-19 : une application illégale de l’ordonnance

    Interpellation déposée le 5 mai 2020 avec Sidney Kamerzin

    Le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19) qui introduit un droit à des indemnités de perte de gain pour les indépendants touchés par la crise.

    L’art. 5 de ladite ordonnance prévoit que le montant de l’indemnité s’élève à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative avant le début du droit à l’allocation, pour un maximum de 196 fr. par jour.

    Or, dans sa circulaire, l’OFAS prévoit à son chiffre 1065 que « pour les personnes exerçant une activité indépendante, le calcul de l’allocation se base sur le revenu indiqué dans la décision de fixation des cotisations la plus récente pour l’année 2019. Le fait que cette décision soit provisoire ou définitive n’a pas d’importance ».

    Ainsi, ce n’est pas la moyenne du revenu qui est pris en compte, mais le montant des acomptes. L’indépendant qui paie des acomptes faibles à l’AVS mais un décompte annuel élevé se trouve fortement pénalisé. Concrètement, de nombreux indépendants ne toucheront ainsi des indemnités qui ne correspondent même pas à 10% de leur revenu moyen des années précédentes. On a vu des décisions d’APG prévoyant des indemnités journalières de moins de 5 francs.

    La mise en œuvre de l’ordonnance par l’OFAS viole manifestement la décision du Conseil fédéral. Les indépendants concernés ont déjà formé opposition contre ces décisions iniques et s’attendent à devoir mener des procédures longues et difficiles dans une période où ils devraient consacrer leurs forces à reprendre leur activité. Par ailleurs, ces procédures reportent inutilement le moment où les personnes concernées toucheront l’APG nécessaire immédiatement.

    Par la présente interpellation, le Conseil fédéral est invité à se déterminer sur la circulaire de l’OFAS et à indiquer s’il entend faire respecter le texte clair de son ordonnance.

  • Le message de Gaïa à l’humanité pécheresse

    Le message de Gaïa à l’humanité pécheresse

    Alors qu’on voit la lumière au bout du confinement, quelques partisans d’une écologie politique radicale trouvent dans le coronavirus un allié de poids pour imposer un programme d’austérité, de frugalité et de décroissance. Vision misanthrope et obscurantiste.

    Au XVIe siècle, on se posait le plus sérieusement du monde la question de savoir comment soigner la peste noire sans défier la colère divine. La pandémie était reçue comme une punition du ciel, une fatalité qui confinait presque à la purification des péchés. On se gausse volontiers de cette époque où l’on menait des procès aux sauterelles et aux parasites vecteurs de maladies. Les temps ont changé, l’Eglise fait preuve d’une certaine modernité. Jusqu’ici, pangolins et chauves-souris ont échappé à la préventive.

    Malheureusement, on n’est pas épargné par les néo-obscurantistes. Ceux-là que l’on attendait le moins, qui se proclament la voix de la science. Dominique Bourg, philosophe et ancien professeur de l’Université de Lausanne, nous explique dans une grande interview donnée au Temps que le coronavirus serait une espèce d’avertissement de la nature. Pour les pauvres hères qui sont tombés malades, jusqu’à en mourir parfois, ce n’est vraiment pas de bol. Ils ont reçu le message de Gaïa, qui «révèle l’interface violente entre nos sociétés et les systèmes naturels qu’elles ont dégradés». Bref, on ne l’a pas volé, nos sociétés récoltent ce qu’elles ont semé.

    Délire animiste

    Derrière ce délire animiste new age se cache une misanthropie détestable. Les extrémistes de l’écologie politique, ceux qui nous promettent le grand effondrement, voient dans le coronavirus un allié, à court terme, qui nous permet de réfléchir. Un soutien qui a déjà mis en œuvre une bonne partie de leur projet: les avions sont cloués au sol, les usines ralentissent, les voitures ne circulent plus. On ne pollue plus. On décroît. On recule. A toute vitesse.

    Mais le bilan humain de la crise est catastrophique. En vies emportées, qui se comptent déjà en centaines de milliers. En emplois détruits. En richesses gâchées. En prospérité annihilée. En qualité de vie. Il faut vraiment détester ses semblables pour se réjouir de la crise que nous traversons.

    A croire les sciences expérimentales, notre planète et la «nature» ne sont pas dotées d’une conscience propre. Elles n’ont pas d’opinion dont elles nous feraient part. Ni la foudre, ni les virus, ni les tremblements de terre ne sont l’expression d’un soutien ou d’un rejet d’un système politique ou économique. Et l’humanité a le droit, sans doute même le devoir moral, de tout mettre en œuvre pour se préserver de ces fléaux.