Auteur/autrice : Philippe Nantermod

  • De mauvais motifs pour interdire le glyphosate

    De mauvais motifs pour interdire le glyphosate

    L’Europe a renoncé à interdire l’herbicide, dans un contexte particulier. Mais partisans et opposants s’appuient chacun sur des études scientifiques dont la pertinence politique est pour le moins douteuse.

    Faut-il bannir le glyphosate? Douter de la réponse, c’est déjà s’exposer à la suspicion d’intelligence avec l’industrie pharmaceutique. Je prends le risque de poser la question, en sachant que cela ne m’apportera, à coup sûr, pas beaucoup d’amis.

    L’herbicide provoquerait le cancer. C’est ce qu’affirme un organisme de recherche de l’OMS, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui ne s’occupe pas que du glyphosate. La liste des produits «probablement cancérogènes»est longue comme un jour sans pain. On la trouve sur Internet. Et, sans grande surprise, on y découvre un paquet de choses que l’on n’a pas forcément envie d’avaler, sans même toujours savoir ce que c’est: le glyphosate, bien entendu, mais aussi le méthanesulfonate de méthyle, le virus de l’herpès ou le gaz moutarde.

    La viande, le tabac, l’amiante…

    Plus étonnant, figurent aussi dans la fameuse liste des probablement cancérogènes la viande rouge, les boissons très chaudes et l’exercice du métier de coiffeur, en raison des produits utilisés. Voilà autre chose. Mais ce n’est pas la seule liste. Une encore plus effrayante, par exemple, est celle des cancérogènes avérés. Elle contient évidemment le tabac et l’amiante. Mais aussi les boissons alcoolisées et la fabrication de chaussures.

    Vous avez pu le constater, on trouve moins de volontaires pour interdire la Feldschlösschen que le glyphosate, alors que la nocivité de l’une est garantie contrairement à l’autre, en dépit d’une récente croyance populaire. C’est la dose qui fait le poison. Une petite bière, ça ne fait pas de mal. De tous les produits comestibles, ce sont les pâtes alimentaires qui contiennent le plus du fameux herbicide. Or il faudrait manger 71 kilos de spaghettis par jour, une vie durant, pour s’exposer à une dose de glyphosate qui présenterait des conséquences sanitaires.

    Où se situe le problème?

    Sachant que personne ne parle de trinquer au Roundup, il est difficile de voir franchement où se situe le problème. On ne vous demande d’ailleurs pas non plus d’ingurgiter des bidons d’eau de Javel, produit aux vertus pourtant incontestées.

    Il y a peut-être de bonnes raisons d’interdire le glyphosate. Peut-être des problèmes liés à son utilisation professionnelle, peut-être la défense de l’agriculture biologique ou l’activisme politique contre le génie génétique. Une chose est sûre, cependant: les motivations que l’on nous sert aujourd’hui sont franchement mauvaises.

  • Les Paradise Papers, ou la parabole de la paille et de la poutre

    Les Paradise Papers, ou la parabole de la paille et de la poutre

    Publié dans le Temps, le 20 novembre 2017.
    Chacun peut s’étonner, s’émouvoir et même s’indigner des montages financiers révélés au gré des « papers » dévoilés par la presse. Mais lorsque l’on est soi-même au bénéfice d’une niche fiscale qui nous exclut totalement de la charge de payer des impôts, mieux vaut le faire discrètement…
    Ils auront été nombreux, les chevaliers blancs des organisations internationales, à faire des leçons sur la manière de bien payer ses impôts. On les aura entendu entonner le refrain du juste partage et de l’égalité sociale. Le genre de Pascal Saint-Amans. Avec un nom pareil, on lui confierait le bon Dieu sans confession. A défaut, on lui a laissé l’OCDE. Il s’en donne régulièrement et jusqu’à la caricature contre les vilains qui se planquent sur les îles, et plus encore contre les multinationales, responsables de tous les malheurs du monde. Il le répétait encore il y a quelques jours, à la radio romande.
    Il faut dire que l’OCDE est passée maître en matière de fiscalité redistributive. Depuis des années, l’organisation lutte par tous les moyens contre la fraude fiscale. Avec l’appui de quelques trésors publics qui n’ont pas connu d’excédant depuis les trente glorieuses, ils nous font part de leurs bons conseils en adoptant des modèles de convention incompréhensibles jusqu’à leur acronyme.
    Toutes ces affaires me rappellent la vieille histoire de la paille et de la poutre, qui colle à la peau de ces père-la-morale. Pour attirer les meilleurs, l’OCDE exonère ses employés de l’impôt sur le revenu, cela dans la plupart des Etats membres. C’est un fait trop méconnu : par le truchement d’accords internationaux, un grand nombre d’organisations permettent aux fonctionnaires d’échapper à la fiscalité en toute légalité. Cette concurrence aux mécanismes off-shore n’a jusqu’ici pas bénéficié de son lot de papers, on peut le regretter, mais tout vient à point.
    Bref, si je calcule bien, Pascal Saint-Amans, Monsieur impôt de l’OCDE, n’en a pas payé sur son revenu depuis 2007. Ce qui ne l’a pas empêché, durant ces mêmes années, de s’époumoner à réclamer la justice fiscale pour l’argent des autres, la mise à mort des droits procéduraux des contribuables et la lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales.
    Les dissertations convenues sur ce qui est légal, illégal, moral et immoral tombent à plat quand on est protégé par de vieilles conventions entre Etats pour échapper au fisc en habitant en plein Paris. Avant de s’épancher dans la presse sur les bonnes pratiques fiscales, ces bouchers qui prêchent le véganisme seraient bien avisés d’apprendre à remplir une déclaration d’impôts. La leur.

  • La Suisse n’est pas une brosse à dents

    La Suisse n’est pas une brosse à dents

    Chaque fois que l’on nous sert du «ce produit n’est pas comme un autre», c’est pour exiger le privilège de bénéficier de règles spéciales, justifiées ou non.

    De plus en plus de domaines bénéficient en Suisse de leur législation propre, destinée à leur épargner les contraintes du marché libre. Et pour justifier ces exceptions, leurs promoteurs ont un argument de choc: «Ce n’est pas une brosse à dents.» C’était en 2012 que l’on m’a sorti pour la première fois cet argument. En pleine campagne de votation sur le prix unique du livre, mes explications furent balayées par un simple et direct: «Monsieur Nantermod, le livre n’est pas une brosse à dents!»

    Que répondre à cela? Comme une forme d’argument d’autorité, il suffisait à mon opposant d’asséner cette banalité pour que tout le monde, circonspect, me regarde de travers comme si ma position revenait à confondre le livre et un bien de consommation si vulgaire qu’il fallait interrompre immédiatement le débat et jeter aux orties toute discussion raisonnable. Le livre n’est pas une brosse à dents, point final, il n’y a plus besoin de réfléchir.

    Livres et boîtes de conserve

    Variation sur un même thème, un auteur saviésan bien connu avait brandi sur le plateau d’Infrarouge en 2012 deux livres et trois boîtes de conserve, histoire que les téléspectateurs puissent bien distinguer l’un de l’autre, et évitent de mélanger la haute littérature et la liste des ingrédients des raviolis. Le débat n’en fut pas renforcé, mais nous avions bien ri.

    Et cela revient sans cesse: dès que l’on est à court d’arguments, on vous fait le coup surréaliste de la brosse à dents. Depuis les élections fédérales de 2015, les Chambres ont ainsi recensé beaucoup d’objets à exclure du champ des produits ordinaires: les autocars, le Red Bull, les hôtels, l’aspirine, le cinéma, le passeport suisse, le Tribolo ou les insectes. Rien que cette semaine, j’ai appris que le téléjournal, les pommes de terre et les kilowattheures n’étaient pas une brosse à dents.

    Ça ne lave pas les dents, un prétexte

    En réalité, chaque fois que l’on nous sert du «ce produit n’est pas comme un autre», c’est pour exiger le privilège de bénéficier de règles spéciales, justifiées ou non. Si l’on veut admettre des régimes d’exception, ce devrait être pour des motifs objectifs et raisonnables, et non sous prétexte que le produit en question ne lave pas les dents.

    On en vient à ne plus trouver de domaines que l’on imagine exister sans que l’Etat n’adopte une série de règles spéciales pour les sortir des contraintes du marché, de la consommation ou d’autres abominations du même genre. Sauf, bien sûr, la brosse à dents, qui se porte à merveille: le leader suisse en vend plus d’un million par jour.

  • OFT: l'obsession de tout contrôler

    OFT: l'obsession de tout contrôler

    Publié dans le Temps, le 31 octobre 2017.
    La Suisse est le pays qui peine le plus à accoucher d’un début de libéralisation de ses transports. En matière d’autocar, après des mois à attendre un rapport, voici qu’arrive une petite ouverture bureaucratique du marché, contrôlée jalousement par l’OFT.
    Après avoir menacé pendant des mois de publier un rapport, le conseil fédéral a enfin tranché à propos des autocars à longue distance. Dans sa grande mansuétude, le gouvernement nous permettra de voyager en car, mais sous conditions. Plutôt que permettre purement et simplement l’autobus, il a été décidé de le soumettre à l’usine à gaz de la concession de transport.
    Concrètement, les compagnies ne pourront travailler que moyennant autorisation et surveillance de l’Office fédéral des transports (OFT). Il faudra aussi ne pas trop concurrencer le train. Il serait en effet assez cocasse (pour ne pas dire humiliant) qu’un entrepreneur privé parvienne à ébranler les CFF et les milliards de francs déversés pour asseoir leur monopole. Les autocars devront encore accepter les abonnements des CFF, même si l’on ne comprend pas trop l’intérêt d’acheter l’AG pour prendre les bus low cost. A lire ces exigences, on peut s’estimer heureux que ne soient pas imposés un service de minibar et l’uniforme des conducteurs.
    L’incohérence du système est déroutante. Les véhicules privés, eux, ne sont pas organisés par l’Etat. Chacun est libre de prendre sa voiture à l’heure qui l’arrange, avec ou sans passagers, pour aller où bon lui semble. Je pourrais bien m’offrir un immense autocar panoramique de deux étages pour me balader : tant que je ne partage pas mes trajets, c’est bon.
    Dans ce dossier, l’obsession de l’administration de vouloir tout contrôler se révèle pathologique. Alors que la Confédération ne prend aucun risque à laisser certains citoyens s’organiser librement, le gouvernement s’est mis en tête qu’il ne pouvait y avoir de transport efficace sans planification fédérale.
    Craint-on que des entrepreneurs se mettent à offrir un service de transport rentable à une clientèle qui ne demande rien d’autre ? Du point de vue de l’OFT, l’horreur absolue serait sans doute atteinte si des passagers peu scrupuleux choisissaient de voyager assis dans des cars plutôt que debout entre deux wagons saturés. Ce jour-là, ce sont les cars qui seront remis en question, pas les trains bondés.
    Surveiller, autoriser, décider : l’autorité fédérale trouve dans ces termes sa raison d’exister. Mais elle se trompe. Le but d’une collectivité est de servir ses citoyens. Ici, elle n’apporte rien d’autre qu’un dirigisme dépassé.

  • Les vertus de l’égoïsme, dans la vie comme en politique

    Les vertus de l’égoïsme, dans la vie comme en politique

    Chronique publiée dans le Temps le mardi 10 octobre 2017.

    Le Prix Nobel Jacques Dubochet estime que l’égoïsme est de droite et l’intelligence de gauche, ajoutant que même les fourmis sont altruistes. Notre chroniqueur rétorque que l’égoïsme rationnel et humaniste constitue aussi un code éthique qui, loin d’être immoral, distingue peut-être ces hyménoptères des hommes.
    Que penser lorsque le Prix Nobel romand Jacques Dubochet déclare sans ambages que la droite, c’est l’égoïsme, et la gauche, l’intelligence?
    En 1964, la philosophe américaine Ayn Rand, réfugiée d’URSS, publia un recueil intitulé La Vertu d’égoïsme, best-seller et plaidoyer pour une pensée objectiviste. En quelques mots, l’auteure y défend l’idée qu’un égoïsme rationnel constitue un code d’éthique de vie meilleur qu’un altruisme béat, le plus souvent de façade. Il serait ainsi moral pour un individu de chercher son bonheur, tandis que le bien commun ne justifierait aucun sacrifice personnel, la prohibition du recours à la violence en étant le corollaire indispensable: «Chaque être humain vivant est une fin en lui-même, non le moyen pour les fins ou le bien-être des autres.»
    Un siècle après la révolution soviétique et sa morale sacrificielle, ces propos gardent une certaine actualité. Car contrairement aux apparences, l’égoïsme rationnel n’exclut ni la générosité ni l’amour de son prochain. Il n’implique pas que l’individu doive viser son propre bien aux dépens de celui des autres. Au contraire, le citoyen qui se revendique de cette morale est, plus qu’aucun autre, attaché aux droits de l’homme. Pour lui, comme pour les autres. Selon Rand, «l’individualiste est celui qui affirme: «Je ne contrôlerai la vie de personne – et je ne laisserai personne contrôler la mienne.» Le collectiviste dit: «Unissons-nous les gars! Tout est permis!»
    J’entends déjà les commentaires sur l’immoralité de mon propos et sur l’individualisme prétendument exacerbé de notre société. Société dans laquelle la moitié des richesses passe par la main publique, excusez du peu. Pourtant, malgré ces critiques convenues, je peine à trouver des citoyens qui se réjouissent de la hausse de leur prime d’assurance maladie, expression la plus parfaite du sacrifice personnel pour le bien des autres. Je cherche des contribuables qui regrettent la modestie de leur facture d’impôts. Et l’on ne rencontre que peu d’entrepreneurs qui réclament de nouvelles contraintes au nom du bien commun.
    Je ne peux pas donner entièrement tort au professeur Dubochet. Il existe un égoïsme de droite, rationnel et humaniste, qui s’oppose à un altruisme collectiviste et souvent feint. Quant à l’intelligence, comme la richesse, sa redistribution inégale n’est certainement pas l’apanage d’un camp politique.

  • Permis de conduire. Mêmes véhicules, mêmes routes, mêmes permis.

    Permis de conduire. Mêmes véhicules, mêmes routes, mêmes permis.

    Motion déposée le 29 septembre 2017 au Conseil national.

    Le Conseil fédéral est invité à proposer une modification de la législation routière qui prévoit un permis de conduire unique pour toute utilisation des voitures de tourisme (véhicules de catégorie B).
    Développement
    La législation sur la circulation routière distingue le transport professionnel de personnes de l’usage normal des véhicules de tourisme. A l’heure du GPS et d’une mobilité transcantonale, cette distinction est désuète.
    Quelle que soit l’utilisation du véhicule, les dangers créés par les conducteurs sont identiques dès lors que les véhicules sont strictement les mêmes et qu’ils roulent sur le même réseau routier.
    Par ailleurs, le critère du transport professionnel de personnes n’implique aucunement une utilisation accrue du réseau routier. En effet, les particuliers peuvent faire un usage très important du véhicule, largement plus important que celui pratiqué par les chauffeurs dits « professionnels », c’est par exemple le cas des pendulaires ou des personnes qui font métier de la représentation.
    Dans ces circonstances, l’autorisation de transporter des personnes à titre professionnel dans des véhicules de tourisme remplit essentiellement une fonction protectionniste et fiscale. Elle induit une bureaucratie inutile et limite le marché pour les consommateurs, sans améliorer la qualité.
    D’un point de vus sécuritaire, si des éléments sont liés à l’autorisation « professionnelle », il s’impose évidemment de les introduire pour l’ensemble des permis de conduire.

  • Motion: "Plans sectoriels. Approbation par le parlement."

    Motion: "Plans sectoriels. Approbation par le parlement."

    Motion déposée le 29 septembre 2017 au Conseil national

    Le Conseil fédéral est chargé de proposer une modification de l’Ordonnance sur l’aménagement du territoire qui prévoit que les plans sectoriels devront être validés par le Parlement qui pourra, cas échéant, apporter des modifications à ceux-ci.
    Développement
    Dans de nombreux domaines, les plans sectoriels jouent un rôle de plus en plus important en matière d’aménagement du territoire.
    A titre d’exemple, la nouvelle loi sur l’asile votée le 5 juin 2016 prévoit une procédure d’approbation des plans pour les centres fédéraux destinés aux requérants d’asile. Cette procédure passe par l’adoption d’un plan sectoriel « asile » par la Confédération. Dans ce cas, il s’avère que des conflits importants sont apparus entre la vision des cantons et celle de la Confédération sur les options les plus opportunes en ce qui concerne le choix des emplacements de ces centres.
    Avec l’Ordonnance sur l’aménagement du territoire, le Conseil fédéral s’est arrogé la compétence non seulement de concevoir les plans sectoriels, de mener la procédure complète, mais aussi de les adopter de manière définitive.
    Afin de mieux représenter le peuple et les cantons et de respecter le principe de participation consacré à l’art. 4 LAT, il est nécessaire de prévoit une approbation des plans par le Parlement fédéral, à l’image de ce qui se fait généralement dans les cantons pour les plans directeurs.

  • Motion: "Marché de l’électricité. Libéralisation des compteurs."

    Motion: "Marché de l’électricité. Libéralisation des compteurs."

    Motion déposée le 29 septembre 2017 au Conseil national.

    Le Conseil fédéral est chargé de proposer une modification des bases légales qui prévoit que la vente, la location et l’installation des systèmes de mesure et de commande, ainsi que les prestations de service et de mesure (lecture, traitement et transmission des données) ne soient pas réservées aux exploitants des réseaux.
    Développement
    Par arrêt du 14 juillet 2017, le Tribunal fédéral a constaté qu’il n’existait pas de monopole concernant les systèmes de mesure, dans certains cas et à certaines conditions.
    S’il est nécessaire d’assurer l’installation de systèmes de mesure et de commande, ordinaires et de nouvelle génération, il n’est pas nécessaire d’établir un monopole en la matière.
    La loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl) dispose que les prescriptions relatives aux systèmes de mesure sont déterminées par le Conseil fédéral et ces installations ne peuvent être réalisées que par des professionnels. En tout état de cause, l’ouverture proposée reste très encadrée.
    L’on a pu constater durant les années écoulées que le marché des systèmes de mesure s’avérait très intéressant pour les distributeurs qui amortissaient plusieurs fois les appareils loués en l’espace de quelques années, au détriment des consommateurs et des investissements dans les installations électriques. L’objectif du présent amendement est d’offrir une approche pragmatique et consensuelle pour une ouverture au moins partielle du marché, qui assurera aux consommateurs qui en ont le besoin une diversité de choix, en faveur d’une utilisation efficiente de l’énergie et en faveur de l’innovation au sein des PME.
    Le Conseil fédéral étudiera ainsi dans quelle mesure il est opportun de prévoir une libéralisation en faveur de tous les consommateurs ou de la limiter à certaines catégories de consommateurs, pour garantir l’efficience du système électrique et protéger la liberté économique.

  • Une démocratie sous asphyxie

    Une démocratie sous asphyxie

    Publié dans le Temps, le 12 septembre 2017. 

    Le 13 septembre, le Conseil national adoptera une loi de 334 pages, la LSFin/LEFin. Sans traiter du fond, l’on peut s’inquiéter que l’immense majorité des membres du corps législatif n’aura pas eu le temps ne serait-ce que de lire le texte qu’il acceptera, et qui déploiera des effets sur les petits clients de banques.

    Connaissez-vous la LSFin/LEFin, la loi sur les services et sur les établissements financiers ? Personnellement, j’avoue quelques carences en la matière. C’est le genre de projet qui ne figure pas en tête des programmes électoraux. Le Conseil national s’en saisira le 13 septembre prochain, et je ne parviens toujours pas à en comprendre les enjeux et les détails. Tout ce que je peux en dire, c’est que la LSFin/LEFin doit théoriquement protéger le petit client des banques.
    Sans être l’objet majeur de la législature, cette LSFin/LEFin n’en est pas moins un véritable monstre : dans sa version française, le dépliant de la loi s’étend sur 334 pages, auxquels s’ajoute un message du Conseil fédéral de plus 188 pages. Sans image, naturellement. Avec plein de termes techniques financiers, des propositions de minorité qui se jouent sur des subtilités de langage, et des enjeux pour lesquels il faut recourir aux services d’experts pour saisir le commencement de chaque question.
    La LSFin/LEFin n’aura pas sa session spéciale. Elle sera traitée comme un objet parmi des dizaines d’autres, un des treize jours que compte la session d’automne.
    La vérité, crue et moche, c’est que l’immense majorité du Parlement n’aura pas lu la LSFin/LEFin au moment de la voter. Pas par manque de volonté ou de courage, mais parce qu’il est humainement impossible d’absorber trois centaines de pages de législation financière en moins d’un mois si l’on ne s’y consacre pas entièrement et sans être du métier.
    L’adage qui dit que « nul n’est censé ignorer la loi » est un leurre. C’est une fiction. Personne ne connaît toute la législation. Ce qui est toutefois inquiétant, c’est que même ceux qui l’adoptent ne la connaissent pas. Et personne ne s’en émeut.
    Comme le dilemme du prisonnier, voilà celui du parlementaire. Convaincu que votre voisin comprend mieux le problème que vous, il est fort probable que personne au Conseil national n’osera exiger que l’on nous fournisse une loi lisible et compréhensible. Ce serait avouer sa propre incompétence. Et l’on acceptera ce projet, persuadés qu’il est bon, ou du moins acceptable. Comme Gulliver face aux lilliputiens, le pouvoir législatif se retrouve pris au piège d’une administration qui étend son pouvoir subrepticement, par petites touches, en asphyxiant la démocratie.

  • 1er août à Neuchâtel

    1er août à Neuchâtel

    Discours prononcé le 1er août 2017, à Neuchâtel.

    Chers amis Neuchâtelois, Chers amis Confédérés,
    Mesdames et messieurs d’ailleurs qui jouissez des plaisirs de notre pays en cet été 2017.
    L’honneur est grand de s’exprimer ce soir devant vous. Et quand je lis la liste des personnalités qui m’ont précédé à cette tribune, je me dis que la barre est placée haute.
    Nous sommes réunis ce soir pour fêter notre pays, la Suisse, ses valeurs, sa cohésion. Non seulement un pacte conclu entre quelques alémaniques il y a plus de 700 ans, mais aussi les épreuves qu’elle a traversées depuis, et qu’elle a surmontées. Un peuple, qui malgré ses différences, a toujours su trouver dans ce qui le rassemblait les raisons de surpasser ce qui le divisait.
    Diviser. C’est le mot à la mode. On peut opposer le Haut au Bas. Le Haut Valais au Bas Valais. Romands et alémaniques. Chrétiens et protestants. Béliers et sangliers. La Suisse ne s’est pas faite de nos ressemblances, mais de nos différences.
    La Suisse n’a pas été facile à construire, et cette construction se poursuit jour après jour. Quand Moutier choisit son destin, quand des cantons se posent la question de leur identité face aux choix fédéraux ou quand l’impression d’être soumis aux choix de l’autre, du plus fort.
    La Suisse, c’est cette capacité d’entendre le minoritaire, de l’intégrer pour éviter que le tout ne se désintègre, et c’est ce que nous avons pu tenter d’apporter au monde ces dernières années.
    Il est treize heures trente, le quatorze d’un mois de juin beaucoup trop chaud à Berne. La pause de midi des parlementaires, c’est l’occasion de rencontrer des amis, des lobbyistes, ou simplement de se changer les idées.
    Un événement nous sortira de la torpeur estivale. Personne ou presque, ne s’attendait à ce que notre ministre des affaires étrangères, votre ministre, Didier Burkhalter, annoncerait sa démission quelques minutes plus tard.
    Je veux profiter de cette tribune aujourd’hui pour rendre hommage à M. Burkhalter qui a su porter les valeurs de la Suisse dans le monde entier, mais aussi à l’intérieur de la Suisse elle-même. Votre Didier Burkhalter, qui fut président de la Ville, député du canton, conseiller national, conseiller aux Etats avant d’entrer dans le gouvernement fédéral, succédant à un autre Valaisan dont je ne parlerai pas ce soir, même si ce n’est pas l’envie qui manque.
    Didier Burkhalter ne fut pas seulement un ministre de beau temps. Collégial à chaque instant, il a su porter la politique étrangère de la Suisse auprès de nos partenaires européens sans jamais trahir les idéaux helvétiques.
    Votre compatriote fut l’homme des situations de crise partout dans le monde, en Ukraine, à la tête de l’OSCE, au lendemain du 9 février, main dans la main avec John Kerry et les autres décideurs du monde. Didier Burkhalter a pu faire briller la Suisse sur la scène internationale comme presqu’aucun ministre des affaires étrangères avant lui, et sans user d’artifices inutiles pour autant.
    Burkhalter, c’est aussi l’homme des convictions. Je me souviens de ses prises de position claires et franches au parlement. Face à des élus qui surfaient sur des vagues populistes à propos de migrants ou d’Erythrée, qui proposaient des solutions toutes faites tenant sur une affiche SGA, Didier savait répondre du tac au tac, avec une précision et une humanité qui remettait à sa place celui ou celle qui se laissait aller à des discours de café du commerce à la tribune du National. Ce Burkhalter-là, il va nous manquer.
    Une année et demi à Berne, pour moi, c’était encore le temps de mieux connaitre le conseiller fédéral vu de l’intérieur, au sein du groupe, dans des commissions. L’homme qui maitrise ses dossiers et répond à n’importe quelle question sans coup férir. L’homme qui ne cède jamais sur ses positions, mais qui ne s’emporte pas pour autant lorsqu’il est minorisé. L’homme à l’écoute, et présent pour soutenir un jeune conseiller national qui découvre le métier.
    Aujourd’hui, Didier Burkhalter s’en va. Il aura incarné notre pays comme on l’aime : humaniste, intelligent, ouvert. Ses successeurs auront du pain sur la planche pour relever le défi de le remplacer.
    Un jour, il a dit que le monde avait besoin d’un peu de Suisse pour aller moins mal. Et bien on peut dire aujourd’hui que la Suisse a besoin d’un peu de Burkhalter pour aller bien.
    Merci pour votre travail Monsieur Burkhalter, vous avez su représenter la Suisse que l’on fête aujourd’hui. Vive le canton de Neuchâtel, vive son conseiller fédéral, et, surtout, vive la Suisse !