Prix des médicaments génériques: le statu quo n’est pas tenable

Le Conseil des Etats a refusé toutes les propositions sérieuses pour le réduire. Sous des prétextes fallacieux, les solutions les plus simples ont été enterrées. Une occasion manquée de réduire les coûts de la santé.

Pour commencer, prenez un problème. Reconnaissez publiquement ce problème. Et combien il est urgent de le résoudre. Qu’une action forte est nécessaire. Indispensable même. Et puis, analysez chaque solution sur la table. Méthodiquement, expliquez en détail pourquoi chacune est trop complexe, présente trop d’inconvénients, soulève des questions juridiques irrésolues. Et puis finalement, quand vous avez pris acte qu’aucune solution simple n’existe, schubladisez le problème. Mieux, faites comme s’il était résolu. Ou encore, faites mine qu’il n’existe pas. Quand il n’y a pas de solution, il n’y a pas de problème, dit-on. Et la vie est belle.

C’est un peu le mode de fonctionnement du Conseil des Etats. Au moment d’empoigner le dossier sensible du prix des médicaments génériques, après de longs palabres, la chambre «sage» a préféré ne rien faire plutôt que de risquer une solution qui sortait un peu des clous.

Question de pression

Le fougueux Conseil national avait repoussé le prix de référence. Un machin administratif assez incompréhensible. A la place, une forte majorité s’était dégagée pour autoriser les importations parallèles de génériques. En résumé, reconnaître unilatéralement les médicaments homologués en Europe, et mettre sous pression les distributeurs suisses.

Ce n’est pas comme si la solution était nouvelle. Depuis 2009, ces règles s’appliquent à tous les domaines. Aux matériaux de construction, aux produits chimiques, aux jouets pour enfants. Mais pas aux médicaments. Au nom d’une sécurité des patients, prétexte facile. Bidon même. Quand une branche parvient à vendre certains produits 50 fois plus cher en Suisse qu’aux Pays-Bas, elle a bon dos, la sécurité.

N’importe quelle salade

On nous a raconté n’importe quelle salade. Que nous allions être envahis de contrefaçons. Que les notices des médicaments seraient toutes en roumain. Les élus au National ne se sont pas fait embobiner. Et se sont rappelé que si les rues françaises ne sont pas jonchées des cadavres des victimes de la mafia du marché noir des produits thérapeutiques, c’est peut-être que le diable sur la muraille n’était que peinture.

Parce qu’il s’agit d’une question de gros sous. Vraisemblablement, c’est près d’un demi-milliard de francs que les Suisses paient en trop chaque année pour les mêmes médicaments que leurs voisins français et allemands. Par leurs primes maladie, leurs franchises, leurs impôts. Et ça, même après une longue discussion, ça reste encore un problème.

Mille francs le kilo de sucre, payé grâce à la LAMal?

Dix ans après le débat sur les médecines complémentaires, l’homéopathie a perdu du terrain presque partout. Sauf en Suisse où elle continue à être remboursée, malgré son absence totale d’efficacité.

Par voyeurisme malsain, je me suis ouvert un compte Telegram. Histoire de tailler le bout de gras avec les complotistes. Le vaccin en prend bien évidemment pour son grade. Avec l’antienne sur sa prétendue inefficacité. Souvent répétée par des partisans du zinc, de la vitamine D et, bien sûr, des «médecines» soi-disant «douces», au premier rang desquelles l’homéopathie dont je veux vous parler aujourd’hui.

Comme on le sait, l’homéopathie, c’est combattre la maladie en diluant le produit. Et, plus l’agent actif serait dilué, plus le remède serait efficace. Moins la pilule est plus forte, plus l’efficacité est moins faible.

Pas d’étude sérieuse

La «puissance» se calcule en «CH», pour centésimale hahnemannienne, du nom de l’auteur de la trouvaille homéopathique. Un CH, c’est une dilution de 1 pour cent. 1 CH, c’est un litre de la substance active, dans cent litres d’eau. 5 CH, c’est un verre de bière dans 1000 piscines olympiques. 14 CH, c’est une molécule dans le volume de la terre. 40 CH, c’est une molécule dans l’ensemble de l’Univers. 200 CH, c’est l’Oscillococcinum. Autrement dit, rien. Ou rien d’autre que du sucre.

L’homéopathie, c’est espérer se saouler en buvant l’eau du lac à Genève, après avoir vidé une bouteille de fendant au Bouveret. C’est sauver le climat en retenant sa respiration. Aucune étude sérieuse n’a évidemment jamais prouvé l’efficacité de la méthode. Récemment encore, plusieurs pays européens ont décidé de biffer l’homéopathie du catalogue des prestations remboursées par l’assurance maladie. La Suisse fait aujourd’hui figure d’exception.

Une pseudoscience

L’homéopathie est à la médecine ce que le sparadrap est au capitaine Haddock. Une pseudoscience dont on n’arrive pas à se défaire depuis deux cents ans. Un truc qu’on avait tenté de dérembourser il y a quinze ans mais que, sur la pression de crédules, on a finalement continué à payer. Pour acheter la paix plus que la santé.

Il est piquant de trouver parmi les pourfendeurs de la vaccination qui, sans être infaillible, a sauvé des milliers de vies en Suisse depuis le début de l’année, et probablement des centaines de milliers depuis un siècle, des personnes qui n’hésitent pas à promouvoir la vente sous appellation médicale de pilules de sucre à 1000 fr. le kilo. On peut débattre des heures sur les effets positifs ou négatifs de la vaccination, de l’opportunité de rembourser certains traitements au-delà d’un certain âge. Il est pour le moins agaçant, même si les mythologies populaires restent tenaces, de continuer à dépenser l’argent de nos caisses maladie pour payer des traitements qui, on le sait, ne fonctionnent pas.

Baisser enfin le prix des médicaments !

En Suisse, les médicaments sont soumis à une protection particulière qui interdit de les importer d’autres pays (importations parallèles). Cette situation fait de notre pays un îlot de cherté et contribue à la hausse des coûts de la santé.

J’ai proposé au Parlement qu’il soit possible d’acheter des médicaments autorisés en Suisse à l’étranger, afin de pouvoir faire jouer la concurrence sur les prix. Le Conseil fédéral s’y est opposé.

Mais le National m’a largement suivi, et aujourd’hui, la balle est dans le camp du Conseil des États. Cette proposition a été reprise dans la presse, notamment :

 

Swissmedic : pour une possibilité d’autosaisine par l’autorité

Le Conseil fédéral est chargé de proposer une modification de la législation sur les médicaments afin d’autoriser l’Institut suisse des produits thérapeutiques à s’autosaisir afin d’élargir certaines homologations lorsque celles-ci s’avèrent trop restreintes ou incohérentes avec la pratique clinique et le principe d’économicité. Le Conseil fédéral est chargé de définir les conditions de cette autosaisine et la manière dont les fournisseurs de prestation, les assureurs, ainsi que les représentants des patients et des consommateurs peuvent alerter Swissmedic.

Motion déposée le 9 mars 2020.

L’autorisation de mise sur le marché est régie par Swissmedic qui, sur la base des demandes formulées par les fabricants, décide si un produit peut être vendu sur le marché helvétique et à quelles conditions. En l’état, Swissmedic ne statue que sur le périmètre défini par les fabricants.

Ces derniers peuvent ainsi demander des homologations différentes et volontairement partielles, par exemple en limitant les modes d’administration selon les dosages, ou différer les demandes d’homologation pour certaines indications pourtant cliniquement valables. Dans certains cas, cette possibilité est exploitée par les fabricants à des seules fins commerciales, comme dans celui du Velcade (voir l’interpellation 19.4211) ou celui de l’Avastin et du Lucentis. Swissmedic n’a aucune emprise sur l’étendue des homologations, elle ne peut intervenir sans la demande exprès du fabricant.

Lorsque ces produits figurent sur la liste des spécialités, il est pourtant légitime que les pouvoirs publics puissent intervenir dans un souci d’économie et agir sur les homologations. Dans cette optique, il est nécessaire de modifier la loi sur les produits thérapeutiques afin d’autoriser Swissmedic à intervenir, en particulier lorsque, à composition similaire, ou à effet similaire, des révisions d’homologation sur des produits déjà autorisés permettrait des économies importantes. Il ne s’agit pas de donner compétences à Swissmedic pour intervenir sur le type conditionnement (Iv.Pa 19.508) ni à réviser les articles 71a à d LAMal (motion 19.3285). Il vise à lui attribuer des prérogatives pour donner plus de cohérence à un système d’homologation parfois trop segmenté et, dès lors, peu économe.