70% des journalistes de la SSR se disent de gauche. Et leurs programmes ?

L’impossible neutralité journalistique impose un numéro d’équilibriste permanent, qui implique un certain renoncement personnel pour celui qui s’y astreint. Ce n’est toutefois pas une raison pour la passer par pertes et profits, comme on en a malheureusement pris l’habitude dans certaines émissions du service public.

Pourquoi les protections menstruelles ne sont-elles pas encore gratuites? Ce n’est pas le titre d’un sketch, d’un commentaire d’opinion ou d’une thèse de doctorat, mais celui, tout à fait sérieux, d’un épisode du podcast Le Point J produit par la RTS. La journaliste, épousant l’opinion du groupuscule partisan de la mutualisation de toutes les dépenses quotidiennes, constate que les «menstruateurs» (un terme fleuri qui, paraît-il, n’est pas réservé qu’aux femmes) sont bien obligés de se procureur des tampons et des serviettes hygiéniques. Et ainsi, à l’Etat de payer.

Le raisonnement bout de bois est le suivant: tout ce qui est nécessaire doit être collectivisé. Le produit du travail sert soit aux impôts, soit au superflu. Et si l’on ne gagne pas assez, on ne travaille que pour le superflu. Drôle de conception. Si l’on peut débattre des heures durant de ce modèle de société fondé sur la déresponsabilisation individuelle, il est agaçant (et illégal, cela dit) que les canaux financés par la redevance radio-TV, non moins obligatoire que les protège-slips, adoptent unilatéralement une opinion politique dont les immondes opposants sont dépeints comme les derniers réactionnaires.

J’entends déjà la réplique convenue des comptables de l’apparition médiatique. Il paraît que je crache dans la soupe, étant presque au bénéfice d’un abonnement général pour les plateaux du service public. Je ne m’en plains pas. Mais pour le vice-président du premier parti politique de Suisse romande, c’est le contraire qui serait surprenant. Et d’ailleurs, ce n’est pas tant l’avis des invités des médias dont il est question ici, mais l’avis du média lui-même.

De la déontologie, SVP

Selon une étude de 2017 de la Haute Ecole de sciences appliquées de Zurich, 70% des journalistes de la SSR se déclaraient «de gauche». L’inverse de la population. Chacun est libre de ses opinions. Pas la SSR. Ses émissions doivent être neutres. Equilibrées. Dans le ton, dans les avis publiés des employés du service public, dans les thématiques abordées.

Nous avons la chance de compter sur de nombreux journalistes très professionnels. A l’actu, dans les débats. Ils se montrent impartiaux et parviennent à énerver avec la même constance les auditeurs de gauche et ceux de droite. C’est un bon signe. Il n’en va pas de même des heures d’émissions thématiques, de quelques magazines, des podcasts destinés aux «jeunes» ou des capsules pour les réseaux sociaux. Là, le média devient partie. Il est tentant de s’engager. Arrêter cette recherche permanente de la neutralité, impossible à trouver définitivement. De là à «assumer sa subjectivité» comme s’en vantent quelques reporters, il y a un pas que la déontologie et la loi interdisent.

 

De la magie en politique

Même si la Suisse figure parmi les pays qui testent le plus, une fronde réclame la gratuité des tests du Covid-19. Sans gratuité, il n’y aurait, disent-ils, pas de dépistage efficace. Mais la générosité, en politique, est toujours feinte, elle n’est qu’artifice. Le risque, quand on est élu, c’est de se prendre pour l’Elu. De se croire super-héros. Un type avec des pouvoirs magiques, surnaturels. Même que les gens vous écrivent en pensant que, pour eux, vous allez défier les lois de la physique. Changer le plomb en or. Inventer le mouvement perpétuel. Achever l’autoroute dans le Haut-Valais. Et il faut admettre que ça marche. Parfois.

Je reste par exemple toujours fasciné par l’histoire du veau. Il a suffi de modifier l’ordonnance sur la protection des animaux pour que cette viande, que je croyais immuablement blanche comme un cachet d’aspirine, devienne soudainement rouge. Epatant, non? Par un autre tour de passe-passe, en pleine crise du coronavirus, Guy Parmelin a transformé le vin d’Agroscope en gel hydroalcoolique. Si ce n’est pas christique, ça, c’est quoi?

Abracadabra!

Parmi les formules magiques préférées des parlementaires, il y a la gratuité. Ce qui coûtait le lard du chat hier sera gratuit demain. Abracadabra, dans leur légendaire sagesse, les Chambres fédérales ont rendu le test de dépistage du coronavirus gratuit.

Cette grandeur d’âme devrait vous tirer une larme. Cette force de Jedi des parlementaires fédéraux, qui, par les pouvoirs magiques qui leur sont conférés, parviennent à rendre gratuit ce qui coûtait 95 francs. A se demander ce qu’on attend pour les primes maladie, les dîners gastronomiques à l’Hôtel de Ville de Crissier et les vacances dans les Grisons.

Il y a toujours un truc

Au risque de décevoir l’enfant qui sommeille en vous, il y a toujours un truc. En fait, ce n’est jamais gratuit. C’est seulement payé par quelqu’un d’autre. Si vous ne payez pas la facture du test du Covid-19, soit elle sera financée par la caisse publique, soit elle le sera par la caisse maladie. Mais en fin de compte, ce seront vos impôts ou votre prime. Le diagnostic, vous le paierez quand même. Sauf si le médecin vous le fait à l’œil, mais alors c’est pour sa pomme.

Pas plus que de magie, il n’y a pas de générosité en politique. Lorsque nous offrons des subventions et distribuons les deniers publics, nous ne faisons que déshabiller Pierre pour habiller Paul. Un Paul reconnaissant, mais qui ne comprend pas que son vrai héros, malgré lui, soit Pierre. Certains élus ont pourtant fait de la prestidigitation leur métier. Et tant que le public veut bien croire à cette magie, il y aura un marché pour cela.

Prestation transitoire : une solution adaptée

Le 3 juin dernier, la Conférence de conciliation s’est réunie pour trouver enfin une voie médiane entre la solution du Conseil national et celle du Conseil des Etats dans ce projet dont le traitement dure maintenant un peu plus qu’attendu au départ, puisque c’est le coronavirus qui nous pousse à le terminer aujourd’hui alors qu’il aurait dû être bouclé au mois de mars déjà.
Une fois n’est pas coutume, c’est la solution du Conseil national qui a été soutenue par une large majorité de la Conférence de conciliation, soit par 18 voix contre 8. Il s’agit donc de fixer un plafond à 2,25 fois le montant de base des prestations complémentaires pour les personnes seules. Cette solution coûte 1,6 million de francs de plus que la solution qui était préconisée par le Conseil des Etats, soit un total de 150 millions de francs environ.

Hier, le Conseil des Etats a approuvé cette solution par 27 voix contre 16 et 2 abstentions. Naturellement, nous vous invitons à en faire de même.
La prestation transitoire, c’est la fin d’une longue discussion, de longs débats que nous avons eus dans la presse et au sein de notre assemblée. Nous savons que le chômage touche en Suisse les plus âgés. Il les touche en général moins que les plus jeunes, mais lorsqu’il les touche, il les touche plus durement. Le chômage est plus long et il aboutit plus fréquemment à des situations de fin de droits, à des situations très difficiles pour des personnes qui perdent leur emploi au-delà de 57 ans et qui doivent ensuite recourir à l’aide sociale jusqu’à la retraite.
C’est une inquiétude qui touche non seulement les premiers concernés, les personnes qui ont perdu leur emploi à cette période-là, mais aussi les personnes qui ont cet âge-là et qui peuvent être inquiètes à l’idée de se retrouver dans cette situation.

Notre solution, la solution préconisée par le Conseil fédéral et par la majorité de la Conférence de conciliation et adoptée par le Conseil des Etats, est une réponse ciblée à ce problème. C’est l’inverse des fameuses techniques de l’arrosoir que nous combattons en général. Elle vise 3400 personnes en Suisse pour 150 millions de francs. C’est une petite assurance sociale, mais qui répond à un problème concret.

C’est aussi la réponse à une initiative populaire sur laquelle nous nous exprimerons au mois de septembre prochain, qui veut la résiliation de l’accord sur la libre circulation des personnes et dont les arguments principaux visent naturellement la situation précaire de certains travailleurs âgés. Plutôt que mettre à terre notre système économique, nous proposons de trouver une solution pour les personnes en première ligne, les personnes qui sont concernées par cette précarité.
La Suisse s’est toujours distinguée, sur le plan international, en construisant un système social basé sur des réponses concrètes et des réponses réfléchies, des réponses qui ne tiennent pas du slogan. C’est ce que nous proposons ici, avec une mesure qui ne coûte pas très cher mais qui, pour les personnes qui en bénéficieront, changera considérablement leur vie jusqu’à la retraite.

Santé : des mesures, plus d’excuses

Discours au Conseil national lors de la révision de la LAMal

8 juin 2020

Le 24 août 2017, un groupe d’experts rend son rapport avec près de 40 mesures à la clé pour apporter enfin des solutions au système de santé, à son coût qui continue à augmenter année après année. Le 21 août 2019, presque deux ans après la remise du rapport du groupe d’experts, le Conseil fédéral rend un message, a pu consulter et écouter et enfin proposer aux commissions de notre Parlement des propositions pour réformer le système de santé. Ce sont là des propositions prévoyant de petites corrections de notre système de santé. Il n’y a rien qui vise à changer fondamentalement le système. Il n’y a rien d’extrêmement ambitieux, mais toutes ces propositions restent néanmoins nécessaires.

Le groupe libéral-radical soutient dans l’ensemble les propositions qui ont été faites. Finalement, ce n’est que la moitié des propositions qui ont été formulées par le groupe d’experts qui arrive sur la table des commissions. Et ces mêmes commissions, comme les rapporteurs l’ont dit, ont encore divisé par deux ces propositions pour ne garder finalement que celles qui étaient les moins susceptibles de susciter une opposition. Parce qu’on le sait dans le domaine de la santé, il est extrêmement difficile de créer des majorités et de créer des réformes.
Pourtant, le temps court. La population de notre pays attend des changements dans le système de santé. Pas forcément des changements extrêmement profonds: la population ne veut pas mettre à bas, supprimer, casser un système qui est reconnu comme étant un des systèmes les plus performants du monde. On l’a vu ces dernières semaines dans le cadre de la crise du coronavirus: quoi qu’on en dise, quoi qu’en on pense, nous n’avons pas fait face à une pénurie de lits d’hôpitaux; nous n’avons pas fait face à une pénurie de matériel médical. Globalement, nous avions le personnel nécessaire, nous avions les dispositions nécessaires pour faire face à une des plus grosses pandémies que notre pays moderne ait eu à connaître. Notre système de santé est de qualité, mais il coûte trop cher. L’évolution des coûts, surtout, n’est pas maîtrisée, et c’est pour cela que nous avons besoin des mesures qui sont proposées.

Le problème dans le système de santé, c’est que ce n’est jamais la faute de personne. Il y a une capacité extraordinaire, quand on écoute les gens dans le système de santé, à se renvoyer la patate chaude. Lorsque vous pointez du doigt un problème dans le monde hospitalier, c’est le problème des médecins en réalité. Lorsque vous posez la question aux médecins, le problème des coûts vient des assurances. Lorsque vous posez la question aux assurances, c’est le problème des pharmas. Mais, en réalité, on le sait bien, dans un domaine à plus de 30 milliards de francs à charge de l’assurance obligatoire des soins, la responsabilité est partagée. Si nous voulons freiner l’augmentation des coûts, il faudra que la responsabilité soit prise en charge par tous les acteurs du système.

Les libéraux-radicaux veulent un système de santé de qualité. Nous l’avons et nous voulons le maintenir. Nous voulons assurer la transparence dans le domaine, et nous voulons une maîtrise des coûts. Tout cela doit passer par la liberté de choix du patient. C’est pour cette raison que nous soutiendrons la transmission de la copie de la facture à l’assuré, parce qu’il faut que l’assuré sache ce qu’il coûte, comprenne les prestations qui ont été faites et puisse s’assurer lui-même que la facturation correspond à la prestation qui a été fournie.
C’est pour cela que nous soutiendrons les forfaits ambulatoires, parce que nous avons pu tester les forfaits dans le stationnaire avec un certain succès. C’est pour ça que nous soutiendrons la mise en place d’une structure tarifaire nationale dans l’ambulatoire qui permettra aussi de faire évoluer un tarif qui a malheureusement été trop bloqué ces dernières années. C’est pour cela que nous soutiendrons aussi des sanctions en cas de violation des obligations qui existent dans la loi sur l’assurance-maladie, notamment en ce qui concerne la qualité des soins et l’efficacité économique des prestations qui sont fournies. C’est pour ça aussi que nous soutenons les projets pilotes, parce qu’il faut essayer, essayer, et toujours essayer dans le système de santé, qui pèse plus de 10 pour cent du produit intérieur brut, pour trouver des solutions qui permettront ensuite d’améliorer le système de santé.

Mais ce n’est pas assez, les propositions qui sont sur la table aujourd’hui ne permettront pas de réformer durablement notre système de santé. Le groupe libéral-radical veut davantage, il veut aussi le monisme dans le système de santé, EFAS, nous en avons besoin. Nous voulons plus de concurrence entre les fournisseurs de prestations pour la qualité mais aussi pour maîtriser les coûts. Nous voulons plus d’innovation dans les modèles d’assurance et nous voulons enfin le dossier électronique du patient que l’on nous promet depuis des années.
Les Suisses attendent des mesures, pas des excuses.

Pendant la crise, 50% de rabais sur votre conseiller national

Pour un jour de session, un parlementaire gagne 440 francs. Une cinquantaine de francs l’heure, grosso modo. Ce n’est pas misérable, ce n’est pas indécent. Ce n’est pas non plus volé. Certains estiment toutefois le contraire…

Dans un monde idéal, L’Humanité n’existerait pas.» C’est le slogan vraiment bien trouvé du célèbre journal communiste du même nom. Mais le monde idéal du PCF n’étant vraisemblablement pas le mien, je crains plutôt l’enfer bolchevique dans lequel l’humanité disparaîtra.

Dans la même idée et dans notre Suisse imparfaite, la Weltwoche existe. Et nous en avons besoin. Pas tant pour sa ligne éditoriale que pour nous rappeler la nécessaire pluralité des opinions. Ainsi, on y retrouve chaque semaine dans la rubrique «Personenkontrolle» un florilège de dénonciations des écarts des élus, selon les critères de la rédaction. J’ai eu l’honneur d’être balancé, parfois. Pour mes votes qui ne satisfaisaient pas quelques casques à boulons côté Limmat.

Dans un élan lyrique, ils ont cette fois-ci publié la liste de 139 élus du Conseil national qui ont voté pour maintenir l’intégralité des jetons de présence les jours de session. J’en fais partie. J’avoue que je n’ai pas compris pourquoi nous devions renoncer à être payés si nous travaillions. Corona ou pas corona.

Vous n’imaginez pas les horreurs que j’ai pu lire à notre sujet. Sur ces élus qui avaient le culot d’encaisser leurs indemnités. Voleurs. Traitres à la patrie. Parasites. Pourtant, de ces commentateurs avisés, je n’en ai pas vu beaucoup pour demander de diminution de leur propre salaire. Je ne me souviens pas avoir lu les journalistes de la Weltwoche proposer une réduction du prix du journal. On s’est plutôt pliés en quatre pour que chacun touche quelque chose, avec ou sans travail.

Parlementaire de milice, à côté de mon « métier » de représentant du peuple, j’ai un « vrai » travail. Pour moi, c’est avocat. Avec un loyer, du personnel, des charges. Des délais et des clients. Quand je siège à Berne, je ne suis pas au bureau. En tant qu’affreux capitaliste turbo-libéral que je suis, je considère que mon temps, comme le vôtre, a une valeur. Et que si tout travail mérite salaire, le mien aussi. 

Dans la pure tradition weltwochienne, on pourrait toutefois exiger des élus qu’ils bossent à l’œil. Les remplacer par des bénévoles crève-la-faim. Ou des gens au-dessus de ces basses contingences matérielles, par exemple des héritiers richissimes. 

Avec l’antiparlementarisme traditionnel de certains franges politiques viendra peut-être la saison des soldes électorales. Ceux qui voudront un conseiller national à moitié prix le trouveront peut-être. Mais ce ne sera pas moi.