Chronique publiée en allemand, le 28 février 2020, dans le Walliserbote.
Pendant les deux minutes de lecture de cette petite chronique, l’économie suisse aura échangé un peu plus de 2,6 millions de francs avec l’économie européenne. C’est un chiffre qui donne le tournis. Inlassablement, jour et nuit, vingt-quatre heures par jour, dimanche et jours fériés inclus, nous commerçons quotidiennement pour plus de deux milliards de francs avec notre voisin.
Autant dire que la qualité des
relations qui nous lient est importante. Pour notre prospérité. Pour l’emploi.
Pour notre qualité de vie.
Avec l’Europe, il y a eu le plan
A, comme adhésion. Rejeté en 1992. C’est le plan B, comme bilatérales, qui a été
choisi. Des centaines d’accords et de conventions taillées sur mesure pour la
Suisse. Et ce plan fonctionne assez bien, on doit l’admettre. Il n’est pas
parfait, mais il a au moins eu le mérite de nous apporter un certain confort de
vie tout en maintenant notre souveraineté.
Le 17 mai prochain, nous voterons
sur une initiative qui réclame la fin de l’accord de libre-circulation des personnes.
Or, dans ce cas, l’article 25 de cet accord prévoit expressément la fin
automatique des autres accords bilatéraux du premier paquet. Ce n’est pas
négociable, discutable, c’est la loi.
En pratique, nous choisirons si
la Suisse doit se passer de la libre-circulation des personnes, mais aussi de l’accord
sur le transport aérien, sur le transport par rail et route, sur les échanges
de produits agricoles, sur les reconnaissances mutuelles de conformité, sur les
marchés publics ou sur la coopération scientifique et technologique.
Ce ne sont pas des broutilles. L’accord
agricole ouvre le marché européen à l’industrie agroalimentaire, par exemple
celle du fromage qui a connu un essor extraordinaire au cours des vingt
dernières années. L’accord sur la reconnaissance des produits assure que les produits
autorisés en Suisse le soient aussi en Europe, notamment dans le secteur pharmaceutique.
C’est grâce à l’accord sur les marchés publics que Stalder Rail a pu concourir
et remporter le marché des transports publics de Darmstadt en Allemagne. Sans
lui, nous serions exclus des marchés publics dans les secteurs de l’énergie,
des transports et des télécommunications.
La libre-circulation, elle,
garantit à 450’000 Suisses de pouvoir vivre et travailler dans l’Union
européenne. Elle constitue un modèle de gestion de l’immigration qui fait
primer les besoins de l’économie sur une bureaucratie tatillonne. Les contingents
que l’on applique avec les pays tiers sont déjà la bête noire des entreprises
qui prospèrent, à commencer par celles qui ont investi massivement sur le site
industriel de Viège.
La libre-circulation a aussi sa
face sombre, c’est vrai. Il y a des citoyens, en Suisse, qui souffrent de la
concurrence des travailleurs européens. Le parlement créera en session de
printemps une rente-pont pour les chômeurs en fin de droit de plus de 60 ans. Quelque
6’000 personnes en Suisse. Il est plus efficace d’aider les perdants d’un
système qui a fait ses preuves que de démolir ce même système.
La Suisse doit faire le choix
entre la voie bilatérale, taillée sur mesure ou le modèle des pays qui n’ont
aucun lien particulier avec ce grand marché unique, comme la Turquie ou l’Ukraine.
Après le plan A et le plan B, on peut essayer le plan C, comme Chaos. Par sûr
que ce soit une expérience très amusante.