Catégorie : Droit

  • Une démocratie sous asphyxie

    Une démocratie sous asphyxie

    Publié dans le Temps, le 12 septembre 2017. 

    Le 13 septembre, le Conseil national adoptera une loi de 334 pages, la LSFin/LEFin. Sans traiter du fond, l’on peut s’inquiéter que l’immense majorité des membres du corps législatif n’aura pas eu le temps ne serait-ce que de lire le texte qu’il acceptera, et qui déploiera des effets sur les petits clients de banques.

    Connaissez-vous la LSFin/LEFin, la loi sur les services et sur les établissements financiers ? Personnellement, j’avoue quelques carences en la matière. C’est le genre de projet qui ne figure pas en tête des programmes électoraux. Le Conseil national s’en saisira le 13 septembre prochain, et je ne parviens toujours pas à en comprendre les enjeux et les détails. Tout ce que je peux en dire, c’est que la LSFin/LEFin doit théoriquement protéger le petit client des banques.
    Sans être l’objet majeur de la législature, cette LSFin/LEFin n’en est pas moins un véritable monstre : dans sa version française, le dépliant de la loi s’étend sur 334 pages, auxquels s’ajoute un message du Conseil fédéral de plus 188 pages. Sans image, naturellement. Avec plein de termes techniques financiers, des propositions de minorité qui se jouent sur des subtilités de langage, et des enjeux pour lesquels il faut recourir aux services d’experts pour saisir le commencement de chaque question.
    La LSFin/LEFin n’aura pas sa session spéciale. Elle sera traitée comme un objet parmi des dizaines d’autres, un des treize jours que compte la session d’automne.
    La vérité, crue et moche, c’est que l’immense majorité du Parlement n’aura pas lu la LSFin/LEFin au moment de la voter. Pas par manque de volonté ou de courage, mais parce qu’il est humainement impossible d’absorber trois centaines de pages de législation financière en moins d’un mois si l’on ne s’y consacre pas entièrement et sans être du métier.
    L’adage qui dit que « nul n’est censé ignorer la loi » est un leurre. C’est une fiction. Personne ne connaît toute la législation. Ce qui est toutefois inquiétant, c’est que même ceux qui l’adoptent ne la connaissent pas. Et personne ne s’en émeut.
    Comme le dilemme du prisonnier, voilà celui du parlementaire. Convaincu que votre voisin comprend mieux le problème que vous, il est fort probable que personne au Conseil national n’osera exiger que l’on nous fournisse une loi lisible et compréhensible. Ce serait avouer sa propre incompétence. Et l’on acceptera ce projet, persuadés qu’il est bon, ou du moins acceptable. Comme Gulliver face aux lilliputiens, le pouvoir législatif se retrouve pris au piège d’une administration qui étend son pouvoir subrepticement, par petites touches, en asphyxiant la démocratie.

  • Clarifier le statut d'indépendant

    Clarifier le statut d'indépendant

    Postulat déposé le 16 mars 2017

    Le Conseil fédéral est prié d’étudier la possibilité de modifier la législation en matière d’assurances sociales, par exemple de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, qui permette de clarifier les critères qui distinguent le travailleur indépendant du travailleur salarié, cela en reprenant les critères retenus par le droit des obligations (contrat de travail).

    Développement

    La numérisation provoque des transformations radicales dans l’exercice de certaines professions qui se voient chamboulées par les possibilités de mise en relation facilitées entre clients et prestataires de service grâce à des plateformes électroniques.
    Le statut des prestataires de service perd en clarté et, au cas par cas, des procédures administratives sont menées avec comme enjeu la qualification des relations entre les plateformes de mise en relation et leurs employés, respectivement mandataires. Les conséquences de ces actions judiciaires pourraient s’avérer très importantes, avec à la clef le règlement rétroactif de mois de cotisations salariales impayées par les uns ou par les autres.
    Cette situation crée un climat d’insécurité juridique en défaveur des plateformes, des employeurs et des travailleurs, d’une concurrence loyale et d’une économie innovante. Afin de clarifier la situation dans l’intérêt de tous, il est proposé d’étudier l’opportunité de fixer explicitement les critères permettant de distinguer les relations de travail dépendantes des rapports d’indépendance. Les critères choisis devraient en principe être le mêmes que prévus par le droit des obligations et tenir compte de la volonté des parties.

  • Fixation de la peine. Respecter le choix du législateur

    Fixation de la peine. Respecter le choix du législateur

    Initiative parlementaire déposée le 14 décembre 2016.
    Nous sommes nombreux à être choqués par la différence de peine entre un viol et celle d’un chauffard.
    La raison est que les juges n’utilisent pas toutes les possibilités qui leur sont données par le code pénal.
    Par cette initiative parlementaire, je propose de corriger cette injustice et que le code pénal exige que les juges tiennent compte de l’ensemble de l’échelle de la peine prévue.
    Par exemple pour un viol, le code pénal prévoit des peines de prison allant de 1 à 10 ans. Or, on constate que la majorité des peines sont inférieures à trois ans et souvent assorties d’un sursis.

    Le texte de l’initiative

    Conformément à l’article 160 alinéa 1 de la Constitution et à l’article 107 de la loi sur le Parlement, je dépose l’initiative parlementaire suivante:
    Le Code pénal (CP) est modifiée comme suit :
    Art. 47 Fixation de la peine 3 (nouveau) Pour fixer la quotité de la sanction, le juge tient compte de l’ensemble de l’échelle de la peine prévue pour l’infraction.

    Développement

    Le récent débat sur la question des peines infligées pour les cas de viol ont illustré de manière flagrante le décalage important qui existe entre les peines prévues par le Code pénal et leur prononcé, et cette question ne date pas d’hier.
    Suite à l’acceptation du postulat Jositsch 09.3366 « Fourchette des peines. Etudier la pratique des tribunaux », le Conseil fédéral a relevé dans son rapport relatif à la révision de la partie spéciale du Code pénale : « D’une manière générale, on constate que les peines prononcées – hormis quelques rares exceptions – ne se situent que très rarement dans la moitié supérieure de la fourchette des peines ; la majeure partie demeure bien au-dessous de cette limite. C’est donc un fait avéré que les juges n’épuisent toutefois de loin pas toutes les possibilités qui leur sont données dans le cadre de la fixation de la peine. »
    Par exemple, l’art. 190 CP (viol) prévoit une sanction de prison entre un et dix ans, mais l’immense majorité des peines prononcées sont inférieures à trois ans de peine privative de liberté, et un tiers des condamnés écopent d’une sanction assortie du sursis. Il n’est pas rare de trouver des jugements dans lesquels, pour des cas considérés comme particulièrement graves, la sanction prononcée n’atteint pas la moitié de ce qui est prévu par le Code pénal.
    Cette situation choque, à juste titre. Elle ne correspond pas aux échelles des sanctions qui ont été prévues par le législateur et, lors de comparaisons, donnent l’image d’une justice pénale totalement disproportionnée.
    Le Parlement et le Conseil fédéral ont admis le problème déjà en 2009, en acceptant le postulat susmentionné, mais la situation n’a pas fondamentalement changé depuis, elle a peut-être même empiré.
    Ainsi, non seulement il s’impose de revoir les échelles des sanctions, comme le prévoit le Conseil fédéral (révision de la partie spéciale du CP), mais cela ne suffira pas s’il n’est pas prévu que, lors de la fixation de la peine, le juge doive tenir compte de l’ensemble de l’échelle prévue par la loi, à défaut de quoi il commet une forme d’abus négatif de son pouvoir d’appréciation.

  • Interpellation "Numérisation et indépendants. Quelle pratique des assurances sociales ?"

    Interpellation "Numérisation et indépendants. Quelle pratique des assurances sociales ?"

    Interpellation déposée le 29 septembre 2016 au Conseil national. 
    Le statut des personnes qui exercent une activité lucrative par l’intermédiaire de services numérique est aujourd’hui fortement controversé. Qu’ils soient chauffeurs, cuisiniers, logeurs ou artistes, le statut des collaborateurs des sociétés de l’économie dite de partage n’est pas clair, variant entre celui d’indépendant et celui d’employé. Depuis quelques temps, un certain nombre d’assurances sociales refusent l’affiliation de ces travailleurs. Ainsi de nombreux indépendants se trouvent dans une zone grise, échappant malgré eux à toute couverture sociale, alors même qu’ils cherchent à s’acquitter des cotisations obligatoires.
    Sans entrer dans le débat sur la qualification des différents contrats de travail, il convient de relever que les assurances sociales n’ont pas pour mission de faire le procès de la numérisation et de ses modèles d’affaire. Par ricochet, c’est pourtant de nombreux statuts d’indépendant qui sont mis en danger, y-compris des personnes qui officiaient dans leur domaine depuis fort longtemps.
    Le Conseil fédéral estime-t-il admissible que l’AVS, la SUVA ou d’autres assurances sociales refusent d’assurer des travailleurs indépendants dès lors qu’ils collaborent avec des sociétés de l’économique numérique ?
    Le gouvernement a-t-il étudié des solutions pour clarifier la situation de ces personnes ?

  • Application de l'article sur l'immigration de masse

    Application de l'article sur l'immigration de masse

    Extrait de mon intervention au plénum.

    Le Conseil national a suivi la commission des institutions politiques (CIP) dont je fais partie, après de nombreuses séances de travail, et a enfin adopté un bon projet pour appliquer l’initiative du 9 février, conforme à la libre circulation des personnes et qui doit permettre de limiter l’immigration là où c’est nécessaire, par région et par branche, sans casser la machine.
    Des mesures pour assurer la priorité des travailleurs suisses, une obligation d’annoncer les postes aux ORP, une forte restriction du droit aux prestations de chômage pour les ressortissants de l’UE, des quotas pour tous les ressortissants hors-UE, des mesures de correction comme des quotas au besoin moyennant l’accord des comités mixtes Suisse-UE; tout cela pourra permettre de répondre à la volonté populaire sans gâcher nos relations avec notre premier partenaire économique.

    Avant même de voir l’effet de ces mesures, les initiants estiment que ce n’est pas assez, qu’il aurait fallu aller plus loin. Soyons clair: aller plus loin, c’est violer l’accord de libre circulation des personnes, et donc l’ensemble des bilatérales. Un accord, soit on le respecte, soit on le dénonce.
    Or, ce sont les mêmes initiants qui ont déclaré tout l’été être favorable à ces accords et, surtout, n’ont jamais proposé de dénoncer la libre circulation des personnes. Dont acte.
    Le Tribunal fédéral a d’ailleurs, le 26 novembre dernier, confirmé qu’il n’appliquerait pas un projet qui viole les accords conclus. Voter un texte plus sévère, sans dénoncer les bilatérales, aurait été voter un texte inappliqué.
    Nous avons proposé une solution, nécessaire, pour que notre pays puisse enfin avancer sur ce dossier, et dépasser les slogans.
    J’ai eu le plaisir d’être le rapporteur du groupe libéral-radical, avec mon collègue argovien Matthias Samuel Jauslin.

    Les points essentiels à retenir.

    • Des quotas stricts pour les ressortissants hors UE/AELE.
    • Un système en trois étages pour les Européens, avec une préférence indigène systématique appliquée aux collectivités, une possibilité d’imposer les employeurs de passer par les ORP pour embaucher et, en dernier recours, des quotas à fixer par le comité paritaire Suisse-UE.
    • Des mesures de restriction du droit d’accès aux prestations sociales pour les étrangers (chômage et aide sociale) pour rendre la Suisse moins attractive.
    • La possibilité désormais de ratifier la libre-circulation avec la Croatie, le maintien de nos relations avec l’UE et la continuation du programme de recherche Horizon 2020.
    • Aucune porte n’est fermée pour l’avenir et, suivant le résultat des prochaines négociations, notamment avec le Brexit, la possibilité de renforcer encore ces mesures.

    Sur le sujet:

    Par ailleurs, le Tessin a adopté une initiative populaire qui prévoit l’application de la préférence indigène. Il s’avère que cette initiative outrepasse le droit fédéral sur plusieurs points, bien que certaine mesures peuvent s’appliquer dans l’esprit du projet adopté par le Conseil national.

  • Familles recomposées: quelle solution pour un droit des successions ab intestat moderne ?

    Familles recomposées: quelle solution pour un droit des successions ab intestat moderne ?

    Actualités

    Mon postulat, combattu, a été accepté par le Conseil national le 15 mars 2017 par 89 voix contre 83 et est transmis au Conseil fédéral pour exécution !

    Notre droit des successions, appliqué aux familles recomposées, a des conséquences souvent inattendues lorsque les intéressés n’ont pas prévus de solution dérogeant aux règles légales. C’est principalement le cas des familles où entrent en concurrence des enfants issus d’un premier lit avec un nouveau conjoint, sans lien de parenté, ou des familles connaissant des demi-frères et soeurs. La part successoral des uns peut alors être du multiple des autres, selon l’ordre chronologique du décès des parents.
    Tandis que, depuis le début du XXIème siècle, plus du tiers des mariage sont des remariages, il s’impose de réfléchir à une solution plus satisfaisante pour ces nombreux cas et éviter une véritable loterie macabre au sein des familles recomposées.
    Le Matin Dimanche, du 20 juin 2016 a exploré la question et a notamment publié le schéma ci-après, qui expose quelques exemples de ces situations problématiques.
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    Explications en vidéo, par le PLR Suisse, sur Facebook:
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    Postulat déposé le 9 juin 2016 au Conseil national. 
    Le Conseil fédéral est chargé d’élaborer un rapport présentant les possibilités de modification du Code civil pour remédier aux conséquences peu équitables du droit des successions ab intestat à l’égard des enfants issus de familles recomposées.
    Développement
    Le nombre de familles recomposées en Suisse a cru sensiblement au cours des décennies passées: depuis le début du siècle, en moyenne un tiers des mariages sont des remariages, contre environ 15 pour cent en 1970. Cette évolution a des conséquences importantes sur l’autorité parentale et l’éducation, mais aussi sur les questions successorales.
    Le droit des successions du Code civil a été pensé pour la famille « traditionnelle ». Dans une succession ordinaire, les enfants héritent de la moitié en concours avec le conjoint survivant et, à terme, du tout de la succession. Or, dans les familles « recomposées », l’absence de lien de filiation entre les enfants et le conjoint du défunt implique des effets inattendus et souvent méconnus des principaux intéressés. Entre demi-frères et soeurs, les uns peuvent hériter d’un multiple de ce que touchent les autres en provenance du parent commun. L’ordre des décès des époux, qui peut varier de quelques minutes dans certaines situations tragiques, a des conséquences immenses sur la répartition des biens, impliquant une loterie morbide malvenue. Par ailleurs, il peut arriver que des biens de famille finissent dans les mains de parfaits étrangers, par le truchement de mariages successifs.
    Afin de permettre l’élaboration d’une solution adéquate à cette problématique, le Conseil fédéral est chargé d’analyser les différentes solutions possibles, évaluer leurs conséquences et présenter ces résultats dans son prochain Message sur la révision du droit des successions. Il doit au moins discuter les possibilités suivantes: l’application ab intestat de l’usufruit selon l’article 473 CC (libre au testateur de choisir un régime différent); la transformation de la succession du conjoint survivant en une créance légale contre les enfants; le remplacement de la part légal du conjoint survivant par le legs d’entretien; et la création d’un lien successoral entre le conjoint survivant et les enfants en cas d’acceptation de la succession.
    Par rapport à la révision en cours du droit des successions, la présente requête porte sur la situation ab intestat et pourrait constituer une deuxième étape ou être intégrée.