Publié dans le Temps, le 22 octobre 2018
D’ordinaire disposés à toutes les compromissions sur l’autel de la lutte contre la fraude fiscale, la gauche s’est désormais lancée dans un numéro d’équilibrisme qui consiste à faire croire que les mesures prises contre l’escroquerie aux assurances sociales seraient forcément disproportionnées et injuste. Deux poids, deux mesures.
« Les fraudeurs fiscaux n’ont pas besoin de protection ». C’était le titre d’un communiqué du parti socialiste. En 2015, les camarades s’enthousiasmaient pour l’échange automatique d’informations entre les banques et le fisc.
La belle affaire. Permettre enfin aux percepteurs de lutter contre la fraude en dehors de toute décision. Les bonnes vieilles fishing expedition. Sans besoin du moindre soupçon. Accéder directement à votre compte en banque. C’était pour la bonne cause, on ne s’embarrassait pas des procédures.
On ne les a pas beaucoup entendu prôner le respect de la présomption d’innocence lorsqu’ils ont voté des accords d’échange automatique de renseignement, par dizaines. Quand il fut décidé de livrer pieds et poings liés des listes de citoyens russes, turcs ou brésiliens à leurs sympathiques régimes.
Je me souviens les avoir vus dérouler le tapis rouge pour le brigand Falciani. A l’époque où il faisait la tournée des trésors publics européens, mendiant la vente sous le manteau de ses cédéroms de données volées à des Etats aux abois, plus enclins à marcher sur leurs propres principes que de s’imposer une petite politique de rigueur budgétaire.
Ah, ils étaient beaux ceux qui vous expliquaient le poing tendu qu’il n’y aurait pas de pitié pour les fraudeurs du fisc. Qu’on les ferait raquer jusqu’au dernier centime. On ne demandait pourtant pas la lune. Simplement une ou deux garanties de procédure. Des investigations individuelles, fondées sur quelque chose de concret. Mais pour le bien, l’impôt, rien n’était assez incisif.
Et badaboum, voilà que l’on parle de fraude aux assurances sociales. Les mêmes qui vous bassinaient de leur morale fiscale sont devenus les jusqu’au-boutistes de la sphère privée. Affirmant que la lutte contre la fraude est, par essence, une violation des droits fondamentaux. Qu’un soupçon ne suffit pas à enquêter. Que même les procédures ciblées et limitées nous rappellent les « heures les plus sombres ». Que l’on ne peut quand même pas photographier des gens en pleine rue sans tomber dans l’autoritarisme.
Big brother arrive ! On n’en peut plus des comparaisons avec 1984. Tricheurs de tous les pays, unissez-vous. Et puisque l’on en est à Georges Orwell, disons-le : tous les fraudeurs sont égaux. Mais certains le sont plus que d’autres.
Assurances sociales: pour la gauche, certains fraudeurs sont plus égaux que d’autres

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