Catégorie : Fiscalité

  • Jeter 99% aux poubelles de l’Histoire

    Jeter 99% aux poubelles de l’Histoire

    Le slogan est fort, le titre est alléchant. 99%, l’initiative des jeunes socialistes claque, peut faire envie : taxer les salauds, les riches capitalistes oisifs qui ne font qu’encaisser le revenu du capital pour alléger la charge des classes laborieuses et exploitées.
    La recette a fait mouche par le passé. C’est avec ce genre de rhétoriques que la guillotine a été la plus prisée ou que l’on a renversé l’empire tsariste pour un empire rouge, pas vraiment plus sympathique.
    Est-il nécessaire de rappeler que le discours caricatural des jeunes socialistes est déconnecté de la réalité de 2021 ? Oui, malheureusement. L’humanité apprenant peu de ses erreurs : près de 110’000 personnes ont signé cette initiative et, selon les sondages, plus de 40% de la population serait actuellement tentée de donner raison à ce projet néo-communiste.
    Même si la formule fait mouche, il n’y a pas de bon ou de mauvais revenu. Opposer le capital et le travail est absurde. Le premier n’est rien d’autre que l’accumulation du produit du second. Il n’y a pas de capital sans travail. Et, pour atteindre le niveau de vie de la civilisation occidentale et le faire perdurer, il n’y a pas de travail bien rémunéré sans une certaine quantité de capital. L’un ne va pas sans l’autre.
    En Suisse, le capital est partout. Ce sont nos deuxièmes piliers. Ce sont nos comptes épargnes. Ce sont nos logements. Ce sont les outils de production des entreprises qui créent des emplois et la prospérité. Toutes ces œuvres du démon avarice, selon les jeunes socialistes, qu’il faudra demain surtaxer pour les détruire à terme. Pour mieux les rendre au travailleur pauvre.
    La Suisse repose sur un modèle hypersocial. Le 1% des plus riches s’acquitte déjà de 40% de l’impôt fédéral direct. Et déjà aujourd’hui, les plus aisés travaillent deux jours sur cinq uniquement pour payer leur facture d’impôts alors que les plus démunis échappent complètement à la fiscalité et sont largement soutenus : un quart de toutes les richesses produites dans notre pays sont consacrées aux dépenses sociales.
    Le projet de jeunes socialistes ne vise pas à mieux redistribuer des richesses qui le sont déjà largement. Ils ne disent rien de l’amélioration concrète que leur initiative pourra apporter aux plus démunis. Non, le projet est d’abattre notre modèle économique et politique pour lui substituer les collectivismes qui, derrière les promesses merveilleuses, n’ont jamais offert que la misère et la désolation. Il est temps de remettre l’initiative 99% à sa juste place, celle des modèles qui l’inspirent : les poubelles de l’Histoire.
  • Impôt minimum sur les sociétés : une stratégie pour maintenir l’attractivité de la Suisse

    Impôt minimum sur les sociétés : une stratégie pour maintenir l’attractivité de la Suisse

    Postulat déposé le 9 juin 2021 au Conseil national

    Le Conseil fédéral est invité à proposer une stratégie face au projet d’imposition minimale sur les sociétés soutenue par les Etats du G7 et initié par l’administration Joe Biden. En particulier, le Conseil fédéral devra analyser les options pour que toute adaptation du taux d’imposition sur le bénéfice soit globalement neutre pour la charge fiscale des entreprises, par exemple par une réduction similaire d’autres impôts, de taxes, de redevances ou de charges sociales.

    Développement

    Les Etats du G7 souhaitent imposer un impôt minimum sur les personnes morales. L’impôt minimum devrait s’élever à 15%, mais l’on parle déjà d’un taux de 21%. L’assiette fiscale n’est pas encore définie. Les Etats seraient contraints de mettre en œuvre cette fiscalité, au risque de laisser les entreprises se voir opposer une double imposition et de nouvelles charges administratives.

    Bien que la méthode soit plus que regrettable et mérite une opposition de principe de la Confédération, il faut admettre qu’il sera très difficile pour la Suisse de résister à une adoption commune de ces nouvelles normes par nos partenaires.

    Face à cette situation et dans un but d’anticipation, il est demandé au Conseil fédéral d’adopter rapidement une stratégie de mise en œuvre de cette imposition minimale qui vise la neutralité des coûts pour les personnes morales sises en Suisse.

    En particulier, il est proposé que pour chaque franc d’impôt supplémentaire prélevé en application de cette mesure de fiscalité minimale, une contribution publique sera réduite d’autant, par exemple sous la forme d’une diminution des impôts, taxes, redevances ou charges sociales. L’objectif est que la charge fiscale des entreprises reste globalement neutre, dans le but de maintenir l’attractivité de la place économique suisse.

     

    Sur le même sujet

    « Faut-il un taux mondial pour l’imposition des entreprises ? », débat sur le Blick avec Mattea Meyer

  • Non à Taxflix !

    Non à Taxflix !

    20.030 Encouragement de la culture pour la période de 2021 à 2024

    2 Loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques (Loi sur le cinéma, LCin).

    Section 2 (art. 24b, 24c, 24d, 24e, 24f)

    Biffer.

    Développement

    Depuis qu’Internet est Internet, l’industrie cinématographique souffre du piratage. Des studios entiers ont disparu sous les assauts d’un fléau qui s’est longtemps expliqué par un manque de compréhension des attentes du public.

    Alors que l’on pouvait craindre un affaiblissement massif de l’offre, la solution est venue de l’innovation : les plateformes de streaming. Des offres de qualité, payantes mais à un prix raisonnable, qui contrent le téléchargement illicite.

    D’une situation de vol généralisé, nous sommes passés à un modèle commercial à succès qui a vu naître de nouvelles maisons de production. Seulement voilà, l’offre n’est pas suisse. Ni même européenne. Elle est principalement américaine.

    Malheureusement, en raison de l’anti-américanisme en vogue dans certains milieux culturels, nous sommes souvent plus prompts à adopter les mauvaises idées de nos voisins qu’à copier les bonnes idées américaines. Cette appréciation est manifeste à la lecture de la révision de la LCin.

    Plutôt que de pousser les cinéastes européens à offrir leur contenu sur des plateformes de streaming performantes, ou du moins à les imiter, « l’innovation » à l’européenne consiste à imposer, limiter, contrôler ce qui a du succès, celles qui fonctionne.

    Le projet de loi veut introduire une taxe de 4% qui frappera toutes les plateformes de streaming en ligne. C’est-à-dire Netflix, Prime Video, HBO, Disney, AppleTV. Le produit de cette taxe servira à financer la culture nationale, sous-entendue celle qui le mérite.

    Comme tous les citoyens, ceux qui sont abonnés à ces plateformes s’acquittent des impôts et de la redevance dont une part non négligeable finance déjà la production nationale. Il n’y a aucune raison valable pour faire payer une deuxième fois aux citoyens qui s’abonnent à ces plateformes plutôt qu’aux autres. Personne n’est coupable de préférer Netflix à la RTS, AppleTV aux cinémas. Ces consommateurs n’ont pas à supporter davantage l’effort culturel national.

    Pour ces raisons, il s’impose de biffer la section 2 de la loi pour que chacun contribue selon les mêmes principes et les mêmes barèmes à la culture nationale.

  • Réduire les émoluments en matière de poursuite et de faillite

    Réduire les émoluments en matière de poursuite et de faillite

    Le Conseil fédéral est prié soit de réduire les montants prévus dans l’ordonnance sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP), soit de permettre aux cantons d’introduire de telles réductions sur leur territoire.

    Motion déposée le 9 mars 2020.

    Les émoluments devront être adaptés à la baisse pour assurer globalement l’équilibre des comptes des offices des poursuites et des faillites et éviter ainsi tout bénéfice excessif.

    Le nombre de procédures de poursuites et de faillites est en constante augmentation, cela dans l’ensemble du pays. En vingt ans, le nombre de poursuites a plus que doublé, les gains en productivité ont été réels et le prix des émoluments n’a pas été globalement revu.

    Suite à l’adoption du postulat 18.3080, il a pu être constaté que dans de nombreux cantons, les émoluments des poursuites et faillites ne respectent plus le principe de couverture des coûts et d’équivalence. Ainsi, la structure tarifaire en vigueur permet de dégager de l’activité de poursuites des bénéfices importants en faveur des collectivités publiques, parfois par dizaines de millions de francs par année Or, ces revenus sont réalisés à charge des créanciers, souvent des PME, qui cherchent légitimement à obtenir le paiement de leurs prestations, soit à charge des débiteurs qui souffrent déjà d’une situation précaire.

    Les principes constitutionnels relatifs à la fiscalité exigent que les émoluments de l’OELP soient réadaptés, soit de manière générale pour l’ensemble du pays, soit en permettant aux cantons qui réalisent des bénéfices trop important de réduire les émoluments, dans l’intérêt des citoyens.

  • RFFA. Quid des patent box pour les PME ?

    RFFA. Quid des patent box pour les PME ?

    Interpellation déposée le 6 décembre 2018

    La loi « réforme fiscale et financement de l’AVS » (PF17 / RFFA) donnera la possibilité aux cantons d’introduire une déduction fiscale supplémentaire jusqu’à 50% pour les dépenses de recherche et de développement des entreprises.
    Si l’on imagine assez facilement que de grandes sociétés actives dans le domaine de la chimie puissent bénéficier de ces déductions, se pose aussi la question des petites et moyennes entreprises. En effet, les entrepreneurs doivent parfois consacrer un nombre important d’heures de travail et des ressources considérables pour développer de nouveaux produits. Cette situation se retrouve dans de nombreuses branches, y-compris dans la construction.
    Cela étant, le Conseil fédéral est prié de répondre aux questions suivantes.

    • Le Conseil fédéral estime-t-il que les « patent box » pourront servir aussi aux petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas de structures juridiquement indépendantes destinées à la recherche et au développement ?
    • Concrètement, a-t-il prévu des directives ou des procédures simplifiées qui permettraient aux PME de profiter aussi de cet intéressement fiscal ?
  • Des émoluments en matière de poursuite et de faillite trop chers?

    Des émoluments en matière de poursuite et de faillite trop chers?

    Postulat déposé le 6 mars 2018 au Conseil national

    Le Conseil fédéral est prié de mener une analyse des émoluments en matière de poursuites et faillites, notamment de vérifier si les principes de couvertures et d’équivalence sont respectés et si une adaptation à la baisse des barèmes est souhaitable.
    De même, l’opportunité de permettre des barèmes cantonaux doit être étudiée.
    Développement
    Dans sa réponse à la motion 17.4092, qui demandait de réduire les émoluments en matière de poursuite et faillite, le Conseil fédéral a proposé de mener une analyse des taux de couverture en matière de poursuites et faillites. Ce postulat charge le conseil fédéral de mener immédiatement cette analyse.
    Certains offices de poursuites sont très rentables pour les cantons alors que d’autres seraient déficitaires. Cette analyse permettra de mettre en lumières les raisons des disparités cantonales difficilement compréhensibles et explicables. Des recommandations pourraient aussi être prises simultanément à une baisse future des émoluments.
    Il apparaît qu’il est à tout le moins possible avec la structure tarifaire actuelle de dégager de l’activité de poursuites des bénéfices importants en faveur des collectivités publiques, moyennant une bonne gestion des offices. Or, ces revenus sont réalisés à charge des créanciers, souvent des PME, qui cherchent légitimement à obtenir le paiement de leurs prestations, soit à charge des débiteurs qui figurent déjà parmi les personnes les plus précaires de notre société.

  • Réduire les émoluments en matière de poursuite et de faillite.

    Réduire les émoluments en matière de poursuite et de faillite.

    Motion déposée le 14 avril 2017 au Conseil national.

    Le Conseil fédéral est prié d’adapter les montants prévus dans l’ordonnance sur les émoluments perçus en application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (OELP). Les émoluments devront être adaptés à la baisse pour assurer globalement l’équilibre des comptes des offices des poursuites et des faillites, et éviter tout bénéfice excessif. Au besoin, des barèmes cantonaux doivent être possibles.
    Développement
    Le nombre de procédures de poursuites et de faillites est en constante augmentation, cela dans l’ensemble du pays. En vingt ans, le nombre de poursuites a plus que doublé, les gains en productivité ont été réels et le prix des émoluments n’a pas été globalement revu.
    A titre d’exemple, les tarifs actuellement pratiqués permettent à de nombreux cantons de réaliser des gains importants grâce aux procédures de poursuites ou de faillites. A titre d’exemple, lors de leurs derniers exercices, les cantons du Valais, de Berne, de Fribourg et de Neuchâtel ont réalisé chacun un bénéfice net situé entre 8 et 15 millions de francs. Parfois, le rapport entre recettes et dépenses peut atteindre un facteur deux.
    Une telle analyse n’est pas toujours aisée. Certains cantons distinguent poursuites et faillites, incluent ces comptes avec d’autres services, ou ne laissent pas apparaître de comptabilité propre à ce domaine.
    Il apparaît qu’il est à tout le moins possible avec la structure tarifaire actuelle de dégager de l’activité de poursuites des bénéfices importants en faveur des collectivités publiques, moyennant une bonne gestion des offices. Or, ces revenus sont réalisés à charge des créanciers, souvent des PME, qui cherchent légitimement à obtenir le paiement de leurs prestations, soit à charge des débiteurs qui figurent déjà parmi les personnes les plus précaires de notre société.
    Le principe de couverture et d’équivalence qui prévaut pour les émoluments exige que l’OELP soit réadaptée pour que de tels bénéfices ne soient plus légion et que ces montants puissent être laissés dans la poche des citoyens. Au besoin, un barème cantonal doit pouvoir être mis en œuvre pour que les citoyens bénéficient des gains de productivité là où ils existent.

  • Une démocratie sous asphyxie

    Une démocratie sous asphyxie

    Publié dans le Temps, le 12 septembre 2017. 

    Le 13 septembre, le Conseil national adoptera une loi de 334 pages, la LSFin/LEFin. Sans traiter du fond, l’on peut s’inquiéter que l’immense majorité des membres du corps législatif n’aura pas eu le temps ne serait-ce que de lire le texte qu’il acceptera, et qui déploiera des effets sur les petits clients de banques.

    Connaissez-vous la LSFin/LEFin, la loi sur les services et sur les établissements financiers ? Personnellement, j’avoue quelques carences en la matière. C’est le genre de projet qui ne figure pas en tête des programmes électoraux. Le Conseil national s’en saisira le 13 septembre prochain, et je ne parviens toujours pas à en comprendre les enjeux et les détails. Tout ce que je peux en dire, c’est que la LSFin/LEFin doit théoriquement protéger le petit client des banques.
    Sans être l’objet majeur de la législature, cette LSFin/LEFin n’en est pas moins un véritable monstre : dans sa version française, le dépliant de la loi s’étend sur 334 pages, auxquels s’ajoute un message du Conseil fédéral de plus 188 pages. Sans image, naturellement. Avec plein de termes techniques financiers, des propositions de minorité qui se jouent sur des subtilités de langage, et des enjeux pour lesquels il faut recourir aux services d’experts pour saisir le commencement de chaque question.
    La LSFin/LEFin n’aura pas sa session spéciale. Elle sera traitée comme un objet parmi des dizaines d’autres, un des treize jours que compte la session d’automne.
    La vérité, crue et moche, c’est que l’immense majorité du Parlement n’aura pas lu la LSFin/LEFin au moment de la voter. Pas par manque de volonté ou de courage, mais parce qu’il est humainement impossible d’absorber trois centaines de pages de législation financière en moins d’un mois si l’on ne s’y consacre pas entièrement et sans être du métier.
    L’adage qui dit que « nul n’est censé ignorer la loi » est un leurre. C’est une fiction. Personne ne connaît toute la législation. Ce qui est toutefois inquiétant, c’est que même ceux qui l’adoptent ne la connaissent pas. Et personne ne s’en émeut.
    Comme le dilemme du prisonnier, voilà celui du parlementaire. Convaincu que votre voisin comprend mieux le problème que vous, il est fort probable que personne au Conseil national n’osera exiger que l’on nous fournisse une loi lisible et compréhensible. Ce serait avouer sa propre incompétence. Et l’on acceptera ce projet, persuadés qu’il est bon, ou du moins acceptable. Comme Gulliver face aux lilliputiens, le pouvoir législatif se retrouve pris au piège d’une administration qui étend son pouvoir subrepticement, par petites touches, en asphyxiant la démocratie.

  • Le réveil (tardif) de l’administration des contributions

    Le réveil (tardif) de l’administration des contributions

    Chronique publiée dans Le Temps du 13 juin 2017.

    En matière de coopération fiscale, la Suisse a consenti à presque toutes les demandes internationales. Nos voisins se sont pourtant pas gênés d’agir par tous les moyens, mêmes légaux. Usage de données volées, menaces de dénonciation de convention, non-application des traités. Ce n’est que très récemment que le fisc suisse semble s’être réveillé et n’accepte plus de collaborer à n’importe quel prix.
    L’ordre des infractions du code pénal permet de comprendre les régimes politiques. La Suisse place en tête les infractions contre l’intégrité physique, le patrimoine, la sphère privée, la liberté, l’intégrité sexuelle. Les premiers chapitres du code soviétique concernaient logiquement les infractions contre l’Etat, la révolution, l’économie planifiée et le gouvernement, la vie des individus occupant une place très subalterne dans la hiérarchie criminelle.
    Cette échelle de valeur s’accompagne des droits de la défense. Si l’infraction contre l’individu est la première combattue, les droits du prévenu sont aussi protégés. Ainsi, l’on se targue d’offrir un procès équitable à toute personne soupçonnée d’un crime.
    Dans ce contexte, le conflit fiscal franco-suisse laisse songeur. La France, ce grand pays aux 43 déficits successifs, est tellement aux abois qu’il en perd toute décence. Dès lors qu’il est question d’argent public, les droits de l’accusé se dissipent au rythme des dévaluations de l’ancien franc. Le contribuable qui a le mauvais goût de disposer d’un compte à l’étranger est traqué par des méthodes auxquelles on n’ose pas recourir pour poursuivre le grand banditisme.
    Lorsque Falciani volait son employeur, l’Etat français jouait les receleurs, avant de dérouler le tapis rouge à ce vulgaire délinquant. Pour mieux (davantage) taxer les successions, les gouvernements de gauche comme de droite ont cherché le passage en force d’une convention inique dont le seul but était de rapatrier des fonds sans rattachement avec le pays.
    Notre soumission aux standards internationaux n’a pas calmé la machine à taxer. En 2016, le parquet français a ouvert une enquête fondée sur des données transmises par la Suisse. Or, ces informations ne devaient expressément pas servir à ce genre de procédure, mais rester dans un cadre purement fiscal. On ratifie une convention, puis on marche dessus au nom du respect du droit.
    Chose rare, Berne a mis les pieds au mur. Pour combien de temps, personne ne peut le dire. Il est temps de fixer les limites de la coopération administrative et fiscale. Admettons que si la fraude fiscale mérite d’être poursuivie, la fin ne justifie pas tous les moyens. A défaut, c’est notre pays qui se rendra complice d’infractions plus graves que celles que les nations tentent maladroitement de combattre.

  • Oui à la protection de la sphère privée

    Oui à la protection de la sphère privée

    Prise de parole à la tribune du Conseil national le 13 décembre 2016 à propos de l’initiative pour la protection de la sphère privée. 

    Certains dragons de vertu exigent l’échange automatique d’informations en matière bancaire, présenté comme le corollaire indispensable de la nouvelle moralité fiscale. On l’a accordé pour les étrangers et on sent qu’il est sur le point de céder en défaveur des Suisses aussi. Dans un certain nombre de cantons on introduit, souvent sans base légale, l’obligation pour les employeurs de livrer le certificat de salaire au fisc.
    L’échange automatique d’informations, c’est un coup de canif dans les garanties procédurales et le début de l’abolition de droits démocratiques essentiels. Veut-on permettre aux administrations fiscales de disposer librement de listes des clients des banques, des montants déposés, sans le moindre soupçon, sans la moindre enquête? C’est pourtant ce vers quoi on se dirige.
    Il n’est pas ici question de protéger les tricheurs. Ceux qui se sont battus contre la loi sur le renseignement ne sauraient aujourd’hui brandir un tel argument. Souvenez-vous du slogan que certains vous ont opposé: on vous a dit que celui qui n’avait rien à cacher n’avait rien à craindre. En est-on sûr?
    Le slogan des partisans du nouvel individu transparent invite à des raccourcis bien dangereux. Les mêmes milieux qui poussent des cris d’orfraie à l’idée de figurer en photo sur Google ne voient pas de problème à ce que les pouvoirs publics disposent, sans la moindre procédure, sans le moindre indice de culpabilité, de toutes les informations concernant la santé financière de leurs citoyens.
    Aujourd’hui le secret bancaire, demain le secret médical. Si l’on n’a rien à cacher, pourquoi alors refuser que les offices de l’assurance-invalidité aient directement accès au dossier des patients auprès de leur médecin? pourquoi l’Etat ne pourrait-il pas simplement lire mon courrier, écouter mes conversations téléphoniques et me filer sans mandat? pourquoi le juge ne pourrait-il pas consulter directement les pièces en mains de l’avocat?
    Avec la loi fédérale sur le renseignement, pour mettre sous écoute un individu soupçonné de terrorisme, il faut non seulement un soupçon, mais aussi l’accord du service de renseignement, du Tribunal administratif fédéral et du Conseil fédéral. Avec cette initiative, et maintenant avec ce contre-projet, il est demandé rien de moins que les contribuables bénéficient des mêmes droits de procédure que les pires criminels, à savoir la présomption d’innocence, le respect de la proportionnalité et la renonciation aux « fishing expeditions ».
    La protection de la sphère privée, même financière, n’est pas absolue. Elle doit pouvoir être levée, contre toutes celles et ceux qui sont soupçonnés de tricher avec leurs impôts. Mais cela ne peut pas se faire de manière abstraite, à l’aveugle et généralisée.
    Permettre aux gouvernements de s’introduire dans notre sphère privée sans qu’une procédure judiciaire et indépendante ne les encadre, c’est livrer pieds et poings liés les citoyens aux pouvoirs publics, sans droit. C’est planter la graine d’une potentielle dérive autoritaire de nos démocraties.
    Cela vaut pour toutes nos données personnelles, y compris financières. Après avoir adopté un certain nombre de normes internationales qui réduisent considérablement la protection de la sphère privée des individus, sans consultation populaire, face aux demandes de plus en plus insistantes de certains milieux d’obtenir un échange automatique d’informations de nos Confédérés, il est temps d’offrir au peuple Suisse l’occasion de s’exprimer clairement sur cette question et d’accepter à tout le moins le contre-projet direct à l’initiative qui nous est proposée.