Droit d'asile : les effets pervers et inhumains de l'excessive longueur de la procédure

La famille Cvetkovic devrait se voir expulser du territoire suisse dans les prochaines semaines. Cette situation triste ne créerait cependant pas débat si la procédure menant à la décision n’avait pas duré près de neuf ans. Durant cette période, ce père de famille s’est intégré et a créé une famille avec des enfants scolarisés.
Vu les retards inexplicables et jusqu’ici inexpliqués de la procédure, j’ai accepté de cosigner le postulat urgent du député Pascal Nigro (PDCB) avec Joachim Rausis (PDCB) et Willy Giroud (PLR) pour demander la réouverture du cas. La Suisse dispose d’un droit des étrangers ferme et juste, la lenteur de la procédure ne doit pas le rendre inhumain pour autant.

Le texte du postulat

Les retards inexplicables tout au long de la procédure d’asile ont engendré une situation aux effets pervers et aux conséquences humaines très difficiles pour une famille serbe.
En effet, depuis quelques semaines, tout le Valais et une grande partie de la Suisse ont entendu parler de l’affaire Cvetkovic, du nom de la famille sous le coup d’une décision de renvoi dans son pays d’origine.
Cette affaire n’aurait fait que peu de bruit si la procédure s’était déroulée dans un laps de temps convenable. Ce n’est donc aucunement le bien-fondé de la décision du TAF s’appuyant sur les critères d’asile voulus par le politique et appliqués par l’Office Fédéral des Migrations qui est remis en cause, mais bien la lenteur du processus.
Dans le cas présent, le père de famille est en Suisse depuis près de 9 ans. Il a eu le temps de se marier, de fonder une famille, de tisser des liens forts avec la population locale, d’effectuer un apprentissage de maçon, de voir une grande partie de sa famille recevoir un permis B ou C, voire même la nationalité suisse, et d’assister à l’entrée des classes de sa fille il y a trois semaines.
Travailleur, honnête et bien intégré sont les « défauts » qu’on met en avant pour motiver son renvoi. Fallait-il qu’il ait commis des infractions ou qu’il ne parle pas aussi bien le français pour qu’il puisse rester en Suisse et espérer bénéficier de l’accueil qu’il mérite ?
D’autre part, quel futur et quel déchirement va-t-on imposer à cette famille en la renvoyant dans un pays quasiment inconnu alors qu’une grande partie de ses proches vit en Suisse ?
Peut-on décemment renvoyer à Belgrade (Serbie) des personnes originaires du Kosovo ?
Pourquoi le Valais n’a-t-il pas accordé de permis B à cette famille alors que tous ses autres membres (parents, oncles cousins), arrivés en Suisse dans des conditions analogues, l’ont reçu des autorités de leurs cantons de résidence respectifs.
N’est-il pas envisageable de reconsidérer leur situation sur le plan cantonal et de réexaminer une nouvelle demande de permis B permettant ainsi à la famille Cvetkovic de poursuivre son destin en Suisse, là où sont désormais ses racines?
Conclusions
Afin de corriger les effets néfastes de la lenteur de la procédure d’asile et de démontrer le sens d’accueil et d’humanité de notre canton et des membres de son gouvernement, nous demandons au Conseil d’Etat de réétudier la situation au regard de la longueur de la procédure.

Commentaires

6 réponses à “Droit d'asile : les effets pervers et inhumains de l'excessive longueur de la procédure”

  1. Avatar de Jan G.
    Jan G.

    Bonjour Monsieur Nantermod,
    Je vous souhaite une excellente nouvelle année.

  2. Avatar de Jan G.
    Jan G.

    Bonsoir Mr Nantermod,
    Je n’ai également pas trouvé l’arrêt sur leur site de soutien. Cela étant, le TF vient de rendre un arrêt ou il condamne le TAF pour violation du principe de célérité (durée excessive de la procédure) mais rappelle que cette violation ne saurait entraîner l’octroi d’un droit de séjour ou l’asile. 😉
    http://jumpcgi.bger.ch/cgi-bin/JumpCGI?id=15.10.2012_1C_195/2012
    N’est-ce pas un rappel salutaire que les organes d’un Etat se doivent d’appliquer les décisions de justice, même si celle-ci met du temps à juger ou que ces décisions d’expulsion concernent des enfants si mignons ou un père de famille si travailleur ?
    ou ne faudrait-il alors pas que les politiciens introduisent une base légale expresse (un peu comme la prescription – tant décriée par ailleurs – au pénal ?) ?
    Ma pensée ? il est particulièrement insatisfaisant que cette famille obtienne un « réexamen » de leur affaire pour le simple fait d’avoir eu la « chance » d’intéresser les médias/le politique, tandis que de nombreuses autres familles vivent probablement le même sort et ont soit eu la malchance de ne pas intéresser les médias/le politique soit ont décidé de se plier à une décision judiciaire malgré leurs difficultés personnelles… En outre, le signal donné à la communauté concernée est désastreuse, puisqu’elle accrédite la thèse que « si l’on s’accroche, la Suisse cèdera tôt ou tard et les papiers tomberont » qu’importe les décisions administratives, judiciaires et autres… D’ailleurs qu’est devenu le « héros » du film la Forteresse renvoyé à grands frais en Suède (ou peu imaginer pire comme destination 😉 ) ou les « expulsés » de « vol spécial » ? ne sont-ils précisément pas tous restés ou revenus en Suisse (par un moyen ou un autre ?).
    Ma solution pour le cas de cette famille ? La décision d’expulsion aurait produit tous ses effets s’ils étaient retournés – le cas échéant avec une aide au retour – en Serbie ou au Kosovo. Depuis là, ils auraient pu déposer une demande d’autorisation de séjour standard, comme l’ensemble de leurs compatriotes qui sont restés au pays malgré leurs propres difficultés, que le canton du Valais aurait pu soutenir si l’employeur en avait fait la demande (l’art. 14 LAsi ne s’y opposant plus). L’état de droit aurait été préservé, la décision administrative et de justice aurait été appliquée et cette famille aurait obtenu un permis de séjour (ordinaire) et non une mesure de grâce (ou « humanitaire ») pour des raisons politiques. Etait-ce vraiment si contraire aux droits de l’Homme ou effroyable de leur demander cela ? Fallait-il vraiment une action politique de soutien ? 🙂

  3. Avatar de Philippe Nantermod
    Philippe Nantermod

    Bonjour !
    J’ai eu dans mes mains les arrêts du TAF et celui du TF. La famille avait obtenu gain de cause dans la procédure à un moment donné et celle-ci a été retransmise à l’ODM. Selon mes sources, les TAF a pris entre 2 et 4 ans pour rendre chacun de ses deux jugements, alors qu’aucune mesure d’instruction n’était nécessaire.
    Vous avez raison en ce qui concerne le refus d’une justice expéditive. Ici il s’agit cependant plutôt de laisser-aller du côté des tribunaux.
    La protection de l’asile est temporaire, oui et non. Une fois que l’asile vous est accordé, vous bénéficiez d’un permis de séjour (B) qui peut déboucher sur un permis d’établissement (C) et même sur une naturalisation. L’asile est un motif qui permet d’accéder à un statut stable, au même titre que les accords de libre circulation des personnes.
    Le problème vient de ces situations où l’on laisse les personnes avec des permis provisoires en laissant couler des années avant de prendre une décision sur le fond.
    Je n’affirme pas qu’en quatre ans on prend racine, et je m’oppose à ce qu’on joue avec les règles démocratiques votées par le peuple. Mais dans un cas particulier comme celui-ci, où les autorités judiciaires ont manifestement pêché par manque de diligence, on ne saurait faire porter toutes les conséquences à l’administré.
    Si je retrouve les arrêts, je vous les mettrai en lien avec plaisir.
    Très cordialement.
    Ph. Nantermod
    PS : excusez mon retard dans ma réponse, j’ai été un peu débordé ces derniers jours.

  4. Avatar de Jan G.
    Jan G.

    Petit ajout.
    Soutenez-vous également votre co-postulant lorsqu’il déclare : « La décision de renvoi rendue par le Tribunal administratif fédéral est proprement intolérable »
    http://www.facebook.com/notes/pour-que-la-famille-cvetkovic-puisse-rester-en-suisse/une-lettre-une-r%C3%A9ponse-lespoir-est-la/269831169786320
    🙂
    J’avoue que je suis d’autant plus curieux de lire l’arrêt du Tribunal fédéral dans ces circonstances…

  5. Avatar de Jan G.
    Jan G.

    Est-ce que vous auriez le lien vers la décision du Tribunal fédéral ? La presse a précisé qu’ils avaient usé de toutes les voies de recours… pourriez-vous alors mentionner la référence de cet arrêt ? lequel nous donnera certainement des explications sur la longueur de cette procédure ?
    🙂
    Sinon, je ne comprends pas qu’on puisse défendre que l’écoulement du temps conduise à une régularisation (j’écris sur ce point, pas sur le cas particulier de cette famille dont j’ignore par ailleurs tout). Bien sûr que dans un monde idéal, l’UDC a sans doute raison d’exiger comme vous des procédures liquidées en quelques jours. Dans un Etat de droit toutefois, les procédures prennent du temps et la bonne foi exige précisément du justiciable qui s’est mis sous la protection de l’Etat qu’il ne tire aucun argument du seul écoulement du temps lié à un examen sérieux de sa demande d’asile. Il s’agit d’une jurisprudence constante du Tribunal fédéral et de la cour européenne des droits de l’homme et je trouve dommage qu’on en vienne à en limiter – par des arguments politiques – son effectivité. Autre serait la situation si le canton du Valais avait renoncé à exécuter cette mesure de renvoi pendant de nombreuses années (ce que fait par ailleurs nos voisins vaudois ou genevois)…
    Le droit d’asile a d’ailleurs été basé entièrement sur ce principe. La protection est en effet « temporaire », le temps que la persécution cesse. Pour prendre un exemple d’actualité, je suis fier que la Suisse a accueilli des membres d’Ennahda pendant le temps qu’ils étaient persécutés en Tunisie et malgré les quelques troubles – relativement impoartants – que certains de leurs membres ont créé en Suisse. Aujourd’hui, par contre, je soutiens entièrement l’ODM qui réexamine l’ensemble des cas et prononce des retraits d’asile avec ordre de quitter la Suisse, malgré un séjour dans notre pays de parfois plusieurs dizaines d’années, pour tous ceux qui ne bénéficient pas d’une autorisation de séjour cantonale … :o) Faudrait-il introduire une limite temporelle ? 🙂
    Que souhaitez-vous en outre ? une sorte de droit du sol (en 5 ans, on prend racine ?) qui voudrait que la Suisse renonce à l’expulsion de toute personne qui aurait eu la chance de pouvoir scolariser son enfant ? bien sûr qu’une expulsion est un déracinement, probablement un traitement dégradant, mais il s’agit d’un « mal » nécessaire, non ? (vous n’y croyez plus ?)
    En définitive, vous savez, les textes en matière de migration ne s’adresse pas qu’aux délinquants et la gentille petite famille – dont les enfants sont si sympathiques – peut également voir débarquer la police masquée à 6h’ du matin si elle n’obtempère pas aux décisions administratives… le refuser, c’est tomber dans les excès de l’ »exception vaudoise », non ? 🙂
    J. G.

  6. Avatar de Fernand Clément
    Fernand Clément

    bravo et quand bien même je ne les connais pas j’espère de tout coeur qu’ils pourront rester et vivre une vie normale

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