Une étude du CHUV montre que trois jeunes sur quatre ont une consommation d’au moins six doses d’alcool, au moins une fois par mois. Cette consommation correspond à un taux d’alcoolémie de un pour mille, soit un « risky single occasion drinking » (RSOD).
Alors les médias s’enflamment, alors on cherche des solutions, on propose d’augmenter le prix de l’alcool, on s’offusque, on se plaint pour la jeunesse. Et qui sont les premiers à déplorer et à juger cette état de fait désastreux ? Les jeunes eux-mêmes, à en croire mes collègues sur les ondes de la radio romande…
Je prends la défense des fêtards dont je suis un excellent représentant.En d’autres termes, cette étude démontre que 75% des jeunes de plus de 19 ans font la fête au moins une fois par mois. Qu’on soit clair : boire excessivement est mal et je ne saurais conseiller recommander à mes congénères la beuverie comme art de vie. Mais six doses d’alcool sur une soirée qui s’étend parfois sur dix à douze heures, cela ne me paraît pas être une surconsommation digne des pires passages de l’Apocalypse. Je fais même partie de cette population d’abominables jeunes hommes qui préfèrent passer le samedi soir à fêter tout et n’importe quoi avec des amis plutôt qu’à visionner en boucle les émissions de Bernard Pivot.
Pire ! On apprend dans cette étude que la surconsommation d’alcool a des effets désastreux comme des accidents de la route, des comportements violents, des comas éthyliques, des suicides. On a enfin découvert que boire de l’alcool peut vous rendre saoul. J’en profite pour souligner une petite erreur dans l’étude : jusqu’à preuve du contraire, c’est la conduite d’un véhicule qui provoque les accidents de la route, pas la consommation d’alcool. Ce raisonnement me fait un peu penser à ceux qui prétendent que porter des minijupes augmente le nombre de viols. Un juriste parlerait de causalité naturelle sans causalité adéquate.
8% des jeunes de 19 ans prétendent avoir consommé en une soirée plus de 30 doses d’alcool. Cela correspond à 9 litres de bière. J’aimerais rencontrer ces jeunes à l’estomac extensible. Même avec beaucoup de volonté, j’aurais de la peine à descendre plus de 36 quarts Henniez dans la même soirée, alors de la bière, c’est dire ! Je crois surtout que ces pauvres jeunes ne savent plus compter après le 10ème verre.
Il y a un pourtant un « hips » dans cette histoire. L’étude ne fait état d’aucune évolution. Rien ne nous prouve que les jeunes étaient plus sage il y a dix, vingt ou trente ans. Normal, à l’époque, les auteurs de l’étude étaient sans doute de jeunes étudiants en médecine, fêtards comme la plupart de leurs collègues. Qu’ils se rassurent : nous reprenons le flambeau. L’étude ne montre pas non plus que le phénomène qu’elle met en lumière constitue un problème de santé publique. Je crois dur comme fer qu’il est normal, à 19 ans, de faire la fête, et même parfois de manière excessive. Notre génération n’est pas pire que celle de mes parents. Je ne pense pas que nous soyons plus fainéants, buveurs ou fumeurs que ceux qui ont fait mai 68, la disco ou la révolution punk. Notre génération est la victime des sociologues et des statisticiens. Je pense d’ailleurs que davantage que le nombre de jeunes buveurs, c’est la quantité d’études subventionnées qui a explosé.
Les auteurs de l’étude s’alarment d’un résultat qu’ils considèrent comme massif et grave. Je me demande bien quel esprit protestant a bien pu croire que la majorité des jeunes qui sortaient en boîte buvaient du sirop grenadine. J’attends l’étude 2009 qui nous apprendra sans doute que 80% des jeunes ont la gueule de bois de 1er janvier au réveil…
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