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Initiatives responsables : la grande mission du Bien

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Initiatives responsables : la grande mission du Bien

Dans dix jours, la Suisse deviendra peut-être la nation de la moralisation de la politique et de la justice. Avec pour mission d’imposer ses valeurs au monde entier, par la force des tribunaux. Parce que forcément, nos valeurs le justifient.

Bien sûr que l’initiative contre les entreprises prétendument irresponsables est néocoloniale. Les contorsions des initiants n’y changeront rien. Et ils feraient mieux de l’assumer pleinement, ma foi. Le texte vise à faire appliquer une échelle de valeur, la nôtre, urbi et orbi. Cette échelle de valeur à laquelle j’adhère, mais qui n’implique pourtant pas nécessairement de vouloir l’imposer sur cinq continents par la force de nos tribunaux.

Avec cette initiative, le camp du Bien s’engage dans une vraie mission. Pas étonnant que les Églises soient de la partie. Elles ont toujours été aux premières loges pour évangéliser un Sud qui n’avait pas trouvé le vrai dieu hier, à qui il manque notre « humanisme » aujourd’hui.

En 1945, lors de la fondation des Nations Unies, on a pourtant introduit ce principe émancipateur : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce droit de chacun de choisir son régime politique et de décider des règles applicables dans sa propre société. Un droit donné même à la Bolivie, au Nigeria ou à la Namibie (pour reprendre les exemples des initiants), de décider souverainement des comportements punissables sur leur territoire. De constituer leurs propres tribunaux. D’appliquer leur loi, pour ce qui se passe chez eux.

Au nom d’une conception toute coloniale des droits de l’Homme, l’initiative sur les entreprises responsables bat ce principe en brèche, pour lui substituer la règle de la primauté de l’appréciation occidentale et helvétique des droits humains. Nos priorités. Notre vision des normes environnementales. Les préoccupations des Suisses en 2020 se substitueront à celles des citoyens du reste du monde qui n’ont naturellement pas compris ce qui était bon pour eux. Avec ce regard paternaliste et convaincu que ces pauvres pays sont incapables d’organiser eux-mêmes une justice digne de ce nom, alors que nous avons – c’est bien connu – atteint la perfection en termes d’efficacité et d’équité en la matière.

La Suisse est d’ordinaire si sensible sur ces questions de souveraineté. A fleur de peau, chaque fois qu’un voisin a l’outrecuidance de nous faire la leçon. De nous donner ne serait-ce qu’un conseil. Notre droit exclut de soumettre aux tribunaux étrangers les actes en Suisse des entreprises étrangères. Mais, bourrés d’incohérences, et comme tout moralisateur qui se respecte, nous appliquerons aux autres ce que refusons catégoriquement pour nous.

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