En toute franchise

Le système de santé suisse bénéficie d’un double financement : la part solidaire et la part individuelle. Le premier s’appuie sur la collectivité, soit sur des caisses maladies auxquelles l’affiliation est obligatoire. Cette solidarité se concrétise par les primes maladies élevées dont chacun s’acquitte régulièrement. Le second financement s’appelle franchise. Elle est la part des dépenses qui doit être pris en charge par l’individu. En d’autres termes, la part des soins que l’assurée est d’accord et en mesure de prendre seul à sa charge.
Certains estiment être légitimés à « consommer sans compter » dès lors qu’ils paient des primes maladies élevées. Ce raisonnement est faux, voire néfaste : les primes maladies ne paient pas vos soins, mais ceux de tout le monde. Un peu comme si on estimait avoir le droit à des prestations AI sous prétexte que l’on en paie les cotisations.
Analysons le montant de la franchise. Son minimum s’élève à Frs. 300.- par an. Soit Frs. 25.- par mois. Au-delà de ces Frs. 25.- par mois, le système estime que le plus démuni n’est plus capable de s’assumer seul.
A ce rythme-là, ce n’est plus une assurance sociale, c’est de l’assistanat. Vu les salaires helvétiques, vu les dépenses des Suisses, pour un bien aussi important que la santé, Frs. 25.- par mois, soit à peine plus qu’un ticket de cinéma, c’est une blague. On ne peut décemment affirmer que « la santé n’a pas de prix » et refuser de dépenser plus de Frs 25.- par mois pour la sienne.
De ce double financement, il est temps de réduire considérablement la part « solidaire ». Les primes doivent baisser. Et pour cela, les franchises augmenter. Considérablement. La solidarité doit assurer au cancéreux de ne pas être jeté à la rue par l’énormité des coûts de son traitement. Pas à rembourser un traitement, certes cher, mais abordable pour tout un chacun.
Je propose que l’on demande au citoyen d’assumer les 180 premiers francs que coûte sa santé par mois. Cela correspond à une franchise annuelle de Frs. 2’160.-. C’est un minimum qui me paraît acceptable. La formule permettrait de diminuer considérablement les dépenses « bagatelles » pour la collectivité, sans pour autant grever trop considérablement le budget des plus malades et des plus démunis.
Pourquoi ce chiffre ? Il est symbolique. Un bon fumeur et son paquet quotidien dépense plus de Frs. 180.- par mois pour son vice, et ce ne sont pas forcément les plus riches qui fument le plus. Si on peut dépenser une somme pareille pour se détruire la santé, on peut bien imaginer en dépenser à peu près autant pour la soigner.
Quant aux plus démunis, aux plus pauvres de ce pays, qui rament déjà aujourd’hui pour payer les Frs. 25.- de la franchise d’aujourd’hui, les économies réalisées sur le subventionnement des primes devra, comme aujourd’hui, leur être affecté. Parce qu’il n’est quand même pas question de flinguer la solidarité pour autant.