Auteur/autrice : Philippe Nantermod

  • Vaccin COVID-19: le fiasco suisse se précise

    Vaccin COVID-19: le fiasco suisse se précise

    Le programme de vaccination en Suisse est un fiasco. Du début à la fin. Il ne sert à rien de se voiler la face: les promesses de l’OFSP, des cantons et des task force sur notre formidable plan étaient simplement à côté de la plaque.

    A commencer par l’approvisionnement en vaccins. Il est maintenant connu qu’alors que d’autres pays négociaient des doses en quantité dans des délais rapides, nous organisions ici des conférences de presse pour vanter un plan compliqué de vaccination en six étapes. En Suisse, on se réjouissait des prochains pictogrammes. Ailleurs, on sortait le chéquier pour mettre le prix et assurer des vaccins pour tout le monde avant la Saint-Glinglin. Israël a dépensé une dizaine de dollars de plus par dose et par citoyen pour assurer d’être les premiers. Pour une somme très raisonnable au regard du coût des confinements, nous aurions pu en faire autant…

    Ensuite, le programme de vaccination lui-même. Le 22 décembre, Swissmedic annonce à grands fracas l’autorisation du premier vaccin.

    C’est d’abord la stupeur chez les gouvernements cantonaux qui ne s’attendaient absolument pas à une telle nouvelle. Nous pouvons évidemment regretter le peu de coordination entre l’autorité d’homologation et les organes cantonaux. Un coup de fil quelques jours avant, histoire de se préparer, aurait été la moindre des choses. Mais passons.

    Parlons plutôt de la vaccination « pour de vrai ». Celle qu’on nous vantait dans les conférences de presse. Le 22 décembre, nous avions 107´000 doses disponibles. Ce n’est pas énorme, mais les a-t-on au moins utilisées ? Impossible à dire avec certitude: l’OFSP ne juge pas nécessaire de communiquer ce genre d’informations, si bien que la Suisse fait partie des pays désespérément gris sur les cartes internationales, indiquant un frustrant « no data available ».

    Toutefois, à lire les annonces fracassantes promettant une dizaine de vaccinations par-ci, par-là, tout laisse à penser que la Suisse ne fait pas beaucoup mieux que la France et ses bientôt cinq cents vaccinés. Bref, en dehors des effets d’annonce, il y a fort à parier qu’en deux semaines, la Suisse n’a pas sorti beaucoup de vaccins des super congélateurs de l’armée.

    Franchement, c’est honteux. Les arguments pour justifier cette (dés)organisation sont désolants. Il paraît qu’il est très compliqué d’obtenir le consentement éclairé des pensionnaires d’EMS, ou de leur famille. Ah, la belle excuse. Si seulement nous avions su avant décembre qu’une pandémie frappait le monde et qu’un vaccin se préparait, il aurait été possible d’anticiper cette étape ! Caramba, encore raté.

    Et puis il y a cette logistique insurmontable. Une conseillère d’Etat m’a surnommé « Yaka Nantermod » pour m’être plaint des lenteurs de l’administration. Cette même administration qui impose à tous les restaurants d’ouvrir, fermer, confiner, protéger, sous 24 heures, a été tout simplement incapable de préparer la logistique de vaccination pour un produit dont les caractéristiques sont connues depuis octobre, période a laquelle 40’000 personnes ont été vaccinées en phase de test.

    Mais là où nous avons échoué, là où nous avons des excuses, d’autres ont agi. Preuve s’il en faut que c’est possible. Israël a déjà vacciné plus de 10% de sa population. Dans dix jours, tous ses citoyens âgés de plus de 60 ans auront reçu une dose. En Grand-Bretagne, plus d’un million de personnes sont vaccinées.

    Ici, nous organiserons encore des débats ethico-politique pour camoufler le naufrage de notre plan de vaccination, en préparant un troisième confinement qui coûtera encore une fois une blind à notre économie.

    Ce retard et cette impréparation s’inscrit dans une lignée d’échecs. Après les stocks de masques fantômes, après SwisscovidApp qui ne fonctionne pas, après le traçage dépassé dès qu’il fut mis en œuvre, après la coordination inexistante des fermetures de la deuxième vague. Mais sachant que le vaccin est notre porte de sortie de crise, cet échec est le plus cinglant et le moins excusable.

  • Vaccin : « y’a pas le feu au lac »

    Vaccin : « y’a pas le feu au lac »

    Voilà, la lumière n’est plus au bout d’un tunnel sans fin. Elle est là. Chez votre pharmacien. Dans un frigo. Swissmedic a autorisé un vaccin le 19 décembre. 2020 se termine en beauté, avec le remède contre le maudit virus qui nous a pourri toute l’année. On dirait un conte de fée.

    Et… non. Bien sûr, le vaccin est là, disponible, en Suisse. Il est autorisé, depuis maintenant quelques jours. Mais pourtant, à l’heure où j’écris ces lignes, pas une seule personne n’est encore vaccinée. On attend. Je ne sais pas quoi, mais on attend. Et il paraît qu’il faudra attendre encore plusieurs jours, même des semaines.

    Le vaccin, ce n’est pourtant pas vraiment la chose la plus inattendue de l’année. On en rêvait déjà avant le premier malade en février au Tessin. Depuis des mois, on suit les aventures palpitantes de Pfizer, Moderna, Astrazeneca ou du sulfureux Sputnik V. Leurs tests, leurs réussites, leurs échecs. On parle compare leurs pourcents d’efficacité. Le nombre de cobayes. On s’en réjouit comme d’un cadeau de Noël avant l’heure.

    Mais au moment où le vaccin arrive, les autorités feignent la surprise. On va se presser à la Bernoise. Les centres de vaccination vont être mis en place. C’est-à-dire qu’ils ne le sont pas déjà. Comme si, ces derniers mois, il y avait beaucoup de choses plus importantes à préparer que notre vaccination.

    Bref, selon notre catégorie de risque, nous pourrions être vacciné dans les six prochains mois. La gestion de la vaccination par le Conseil fédéral, c’est un peu la même stratégie que ces gens qui achètent des pneus d’hiver à Noël et qui les installent à Pâques.

    Cela dit, ce programme colle assez bien avec l’ambiance générale. Il paraît que seulement 35% de la population veut se faire immuniser contre le COVID-19. On peut s’inquiéter que, face à la statistique macabre des 6’000 morts, la majorité prête encore une oreille attentive aux délires complotistes des antivax. On préfère probablement porter un masque, fermer les restaurants et dépenser des milliards de francs qui seront remboursés par nos enfants, pour le plaisir de regarder mourir à petit feu nos PME

    « Ecoutez la science ». C’était le message des militants du climat l’année dernière. Elle est là, la science. Cette technique extraordinaire qui produit en moins d’une année, une dizaine de vaccins différents contre une nouvelle maladie. Et que fait-on de cette science ? Lors d’un échange avec les autorités fédérales, j’ai compris que nous comptions davantage sur le retour du printemps que sur le vaccin pour sortir de la crise sanitaire.

    Notre Suisse, pays aux deux écoles polytechniques classées dans les meilleures du monde, siège de Novartis, de Roche et de Lonza, terre aux 28 prix Nobel, attend le beau temps. Peut-être espère-t-on un vaccin homéopathique ? Une cure au Reiki et aux huiles essentielles ?

    Mon cœur bat pour les commerçants. Pour les restaurateurs. Les bistrotiers. Tous ces indépendants qui restent pendus aux décisions de presse du Conseil fédéral qui, avec une régularité de métronome, ouvre, ferme, rouvre, plexiglase, distancie. Les ordres suivent les contre-ordres. Ce qui était une évidence hier devient une infraction aujourd’hui. Ce monde de fou qui rappelle Full Metal Jacket, avec un officier-instructeur qui vous hurle des ordres incohérents à tout bout de champ.

    Avec l’arrivée des vaccins et le peu d’empressement du Conseil fédéral de vacciner la population, on pourrait croire que le véritable plan contre le coronavirus, c’était de laisser disparaître les gens et l’économie, plutôt que de promouvoir avec énergie et sérieux la seule solution technique et médicale qui vaille : celle de la science.

  • 2020, la pire année de l’histoire?

    2020, la pire année de l’histoire?

    C’est la une du «Time» de début décembre: 2020, biffée d’une grande croix rouge. On ne peut cependant sérieusement considérer que l’humanité n’a pas traversé d’épreuve plus difficile que la présente pandémie.

    Le Time ne mâche pas ses mots. 2020, ce n’est ni plus, ni moins que la pire année de l’histoire. C’est ainsi que sont présentés les bientôt 365 jours qui viennent de nous épuiser à coups de deuils, de souffrances, de masques, d’ordres, de contre-ordres, de confinement, de réouverture et de mille gels hydroalcooliques.

    De là à nommer 2020 l’année diluvienne, il y a un pas que je ne franchirai pas. Et même si le prestigieux magazine américain corrige un peu le titre en expliquant dans le texte que l’année est la pire «pour la majorité des gens encore en vie», on est encore loin du compte.

    Sans minimiser les drames de cette année de malheur, l’humanité a malheureusement connu des périodes plus difficiles. Si l’on s’engage dans le concours des horreurs, le virus du pangolin ne pèsera pas lourd face aux grandes pestes, aux deux guerres mondiales, à Gengis Khan ou à la guerre de Vendée.

    Et si l’on s’en tient à nos contemporains, la vie ne vaut-elle pas mieux d’être vécue à New York en 2020 qu’à Sarajevo en 1995, à Bucarest en 1988 ou à Alep en 2013? Naturellement, si vous faites partie de la population mondiale installée dans le bloc occidental et, dans cette zone, dans un pays qui n’a connu ni dictature, ni communisme, ni crise économique (ou les trois ensemble, qui se marient trop souvent) au cours du dernier siècle, la probabilité existe que 2020 soit clairement l’année la plus pourrie de votre existence. En moyenne, bien entendu: les destins individuels s’accordent assez peu avec ces généralités de magazine.

    Mais ne prenons pas nos projections occidentales pour des réalités universelles. Quinze pour cent des habitants de notre planète vivent dans nos contrées hyper-développées. Il y a de bonnes raisons de penser que plus de trois quarts des habitants du monde considèrent 2020 comme une année compliquée, mais probablement pas encore comme l’apocalypse.

    La titraille du Time joue du réflexe égocentrique occidental. Celui qui nous pousse à croire à divers degrés que nos préoccupations sont partagées universellement. Nos valeurs absolues. Comme si tout ce qui existait avant n’existait pas. Comme si tout ce qui se passait ailleurs comptait pour beurre.

    J’imagine que c’est un réflexe humain, qui n’en reste pas moins faux. On ne rend pas hommage aux victimes de la pandémie en minimisant les autres drames humains.

  • Entreprises responsables: la surprenante et nette victoire des opposants

    Entreprises responsables: la surprenante et nette victoire des opposants

    Avec deux tiers de cantons opposés, l’initiative a largement échoué en votation populaire. Les appels à réformer le système résonnent comme les regrets de mauvais joueurs qui n’acceptent pas les règles une fois la partie terminée.

    Bien sûr, il faudra compter avec ces 50,7%. Le contre-projet déjà adopté en est la première expression. On reconnaîtra aussi la patte de cette très courte majorité populaire dans les futures évolutions du droit de la responsabilité des entreprises.

    Mais ne nous leurrons pas: avec seulement un tiers des cantons favorables, l’initiative s’est pris un vrai bouillon. Il s’en est même fallu de peu que la majorité du peuple ne soit pas non plus atteinte, c’est dire.

    Cette votation rappelle les élections américaines. Là où les sondages nationaux sont commentés naïvement, tandis que les enjeux véritables se jouent dans les cantons. Comme si l’on s’intéressait aux kilomètres parcourus par les joueurs de football, en ignorant sciemment le score du match.
    Des airs de Trump

    Dimanche, certains partisans avaient des airs de Donald Trump, avec son ridicule «I WON, BY A LOT». On a pu entendre l’indignation des élites de gauche face à l’existence de petits cantons alémaniques. Presque une hérésie antidémocratique. Pour la présidente des Jeunes socialistes, la double majorité appartient aux poubelles de l’Histoire. Roger Nordmann trompetait sa volonté de réformer le système en bazardant la majorité des cantons. Et même peut-être la remplacer par une majorité des villes. De gauche, bien entendu.

    La règle n’a pourtant rien d’insolite. Réviser une Constitution, c’est laborieux. Chez nous, comme ailleurs. La plupart des démocraties modernes ont mis sous toit de tels mécanismes de check and balances, de pouvoirs et de contre-pouvoirs, pour empêcher que des majorités hasardeuses n’aboutissent à des renversements définitifs du fonctionnement du pays.
    Des exemples ailleurs

    Aux Etats-Unis, il faut trois quarts des Etats pour adopter un amendement à la Constitution fédérale. L’Allemagne prévoit une majorité aux deux tiers. Beaucoup exigent l’approbation des deux Chambres, à des majorités qualifiées, puis un vote populaire. Sans parler de ceux qui exigent encore l’adhésion du roi.

    Notre initiative populaire vise à changer la Constitution. La modifier impose quelques formalités particulières qui rendent l’exercice moins accessible aux forces trop révolutionnaires. A l’inverse, le référendum permet de combattre une loi. Et là, les régions les plus peuplées sont avantagées pour contrecarrer les projets portés par les deux Chambres fédérales. C’est un de ces équilibres dont nous avons le secret et qui a fait ses preuves. Dimanche encore une fois.

  • Initiatives responsables : la grande mission du Bien

    Initiatives responsables : la grande mission du Bien

    Dans dix jours, la Suisse deviendra peut-être la nation de la moralisation de la politique et de la justice. Avec pour mission d’imposer ses valeurs au monde entier, par la force des tribunaux. Parce que forcément, nos valeurs le justifient.

    Bien sûr que l’initiative contre les entreprises prétendument irresponsables est néocoloniale. Les contorsions des initiants n’y changeront rien. Et ils feraient mieux de l’assumer pleinement, ma foi. Le texte vise à faire appliquer une échelle de valeur, la nôtre, urbi et orbi. Cette échelle de valeur à laquelle j’adhère, mais qui n’implique pourtant pas nécessairement de vouloir l’imposer sur cinq continents par la force de nos tribunaux.

    Avec cette initiative, le camp du Bien s’engage dans une vraie mission. Pas étonnant que les Églises soient de la partie. Elles ont toujours été aux premières loges pour évangéliser un Sud qui n’avait pas trouvé le vrai dieu hier, à qui il manque notre « humanisme » aujourd’hui.

    En 1945, lors de la fondation des Nations Unies, on a pourtant introduit ce principe émancipateur : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce droit de chacun de choisir son régime politique et de décider des règles applicables dans sa propre société. Un droit donné même à la Bolivie, au Nigeria ou à la Namibie (pour reprendre les exemples des initiants), de décider souverainement des comportements punissables sur leur territoire. De constituer leurs propres tribunaux. D’appliquer leur loi, pour ce qui se passe chez eux.

    Au nom d’une conception toute coloniale des droits de l’Homme, l’initiative sur les entreprises responsables bat ce principe en brèche, pour lui substituer la règle de la primauté de l’appréciation occidentale et helvétique des droits humains. Nos priorités. Notre vision des normes environnementales. Les préoccupations des Suisses en 2020 se substitueront à celles des citoyens du reste du monde qui n’ont naturellement pas compris ce qui était bon pour eux. Avec ce regard paternaliste et convaincu que ces pauvres pays sont incapables d’organiser eux-mêmes une justice digne de ce nom, alors que nous avons – c’est bien connu – atteint la perfection en termes d’efficacité et d’équité en la matière.

    La Suisse est d’ordinaire si sensible sur ces questions de souveraineté. A fleur de peau, chaque fois qu’un voisin a l’outrecuidance de nous faire la leçon. De nous donner ne serait-ce qu’un conseil. Notre droit exclut de soumettre aux tribunaux étrangers les actes en Suisse des entreprises étrangères. Mais, bourrés d’incohérences, et comme tout moralisateur qui se respecte, nous appliquerons aux autres ce que refusons catégoriquement pour nous.

  • Les cailloux d’Italie

    Les cailloux d’Italie

    Tandis que des manifestants bloquent une carrière dans la campagne vaudoise, les camions amènent des milliers de tonnes de roche d’Italie en Suisse pour réaliser les ouvrages que la population et l’environnement attendent. Petit rappel des contradictions politiques de notre monde.

    C’est le chantier du siècle en Valais. En Suisse peut-être. La troisième correction Rhône, c’est notre plus grand projet contre les crues. Il protégera environ 100’000 personnes. Quand bien même je n’avais pas dix ans, je me souviens bien de ces images glaçantes de Brigue sous la boue, en 1993. C’est aussi une entreprise de renaturation, de compensations écologiques rendues à la nature.

    Pour réaliser « R3 », il faudra déplacer des montagnes. Pour de vrai. Les travaux nécessiteront environ 1,7 million de mètres cube de blocs d’enrochement. Bout à bout, c’est 25’000 camions.

    Oui mais voilà. La Suisse n’a pas de richesses naturelles, on le sait. Elle n’en a tellement pas, qu’elle n’aurait pas de cailloux. La preuve : la Suisse importe aujourd’hui des roches. D’Italie et de France. Et pas qu’un peu. Presqu’une tonne sur deux est importée. Pour le Rhône, cela représente presque douze mille camions qui traverseront les Alpes depuis la péninsule, pour nous livrer des rochers. Et on ne parle pas de marbre de carrare, mais d’un bon vieux lapis vulgaris, un caillou vulgaire.

    Imaginez maintenant nos autoroutes pleines des semi-remorques transportant la pierre nécessaire aux grands projets. Corriger le Rhône c’est une paille. Il y a tous les autres ouvrages de protection. Là où l’on prône la densification, il faudra des places, des souterrains, des logements exigés à coups d’initiatives populaires. Les kilomètres de route à faire et à refaire. Les ouvrages des CFF. Les hôpitaux que chaque région réclame. Les écoles que l’on veut modernes et sûres. On a beau aimer le bois, il en faudra quand même du béton.

    Ce gravier, il suffirait pourtant de le prendre ici, chez nous. Il existe, sous nos pieds. La Suisse n’a qu’à se baisser pour ramasser ses propres cailloux, plutôt que les faire venir du bout du monde.

    Pourtant, à chaque fois qu’une carrière pourrait être ouverte ou étendue, les oppositions et les recours pleuvent. Ceux qui se battent pour une écologie radicale sont souvent en première ligne. Comme ces zadistes d’Eclépens qui s’enchaînent aux arbres pour empêcher qu’Holcim creuse la terre. Qui expliquent que l’on ne veut pas de ça chez nous. Parce que personne ne veut de pierre dans son jardin. Et c’est ainsi que, pour protéger la nature, on construira la Suisse de demain avec les cailloux d’Italie.

  • Rabais négociés : pour une vraie mise en concurrence des fournisseurs de prestation dans l’assurance-maladie.

    Rabais négociés : pour une vraie mise en concurrence des fournisseurs de prestation dans l’assurance-maladie.

    Dans le cadre de la révision de la LAMal, j’ai proposé et obtenu une majorité pour un nouvel instrument pour réduire les coûts : un mécanisme d’encouragement aux rabais.

    Ce mécanisme incite les assureurs à mettre en concurrence les fournisseurs de prestations (pharmas, fournisseurs de matériel médical, cliniques, laboratoires, etc.) pour obtenir des prix meilleurs que ceux qui sont fixés dans les conventions et tarifs publics.

    En pratique, l’assureur pourra utiliser librement un quart du rabais négocié. Les trois-quarts restants seront obligatoirement en faveur de l’assuré.

    En détail

    Avec la LAMal, les prix des prestations sont fixés par des conventions tarifaires ou par des tarifs publics. Par exemple, le Tarmed définit le coût des consultations médicales ambulatoires, le DRG celui des prestations hospitalières. La Confédération fixe, d’entente avec les fournisseurs, le prix des médicaments ou des appareils médicaux.

    Ces prix indicatifs constituent le maximum à rembourser par l’assurance. Celle-ci peut tout à fait s’entendre avec un fournisseur de prestation pour payer un prix inférieur. Malheureusement, cette possibilité n’est pas ou peu utilisée.

    Pourquoi ? L’assurance n’a pas de ressources pour le faire : chaque franc économisé n’est en réalité pas dépensé et ne saurait être ajouté aux dépenses de l’assurance. En pratique, si une assurance consacre des ressources pour négocier des tarifs à la baisse, elle verra ses frais administratifs augmenter pour des prestations en diminution, ce qui la pénalise. Par ailleurs, l’assurance ayant l’obligation de restituer l’intégralité des excédents, elle ne peut bénéficier du moindre centime économisé : il n’y a aucun incitatif à chercher de telles économies.

    Le modèle proposé change le système. En pouvant utiliser librement un quart des économies négociées, les assurances disposeront enfin des moyens pour entamer de telles négociations. Elles seront aussi réellement incitées à les ouvrir.

    Les assurés bénéficieront de leur côté, pour chaque franc en faveur de l’assurance, de trois francs pour eux. Une solution win-win évidente.

    Questions – réponses

    Est-ce qu’avec cette proposition, les prestations seront moins bonnes ?
    En pratique, les prestations qui pourraient faire l’objet de négociations sont celles qui sont très standardisées : imagerie médicale, analyses, appareils et matériel médical, médicaments. La qualité de ces prestations n’est pas surveillée par l’assurance, mais par les autorités en matière médicale et les homologations. Il n’y a aucune raison que la qualité soit impactée d’une manière ou d’une autre. 

    L’assurance-maladie pourra réaliser un bénéfice. C’est la fin du système social ?
    Le 25% n’est pas un bénéfice pour l’assureur, mais un montant à sa libre disposition. Ce montant pourra être utilisé d’abord pour financer les ressources nécessaires à la réalisation de ces économies (négociation, mise en place des circuits d’approvisionnement, etc.). Il pourra aussi être partagé avec l’assuré pour l’encourager à choisir le partenaire avec lequel la négociation a été menée, ou avec le partenaire lui-même.

    Il n’est pas totalement exclu que certaines assurances puissent réaliser un bénéfice sur cette part, c’est vrai. Mais aujourd’hui, les assurances ne sont pour la plupart pas organisées pour réaliser du bénéfice, celui-ci finirait tout de même en réserves.

    • Toutefois, quand bien des assurances s’organisaient pour réaliser un bénéfice, il faut se rappeler qu’il ne pourrait être réalisé qu’à condition que l’assuré touche trois fois plus.
    • L’interdiction de faire du bénéfice n’a jamais empêché jusqu’ici l’augmentation des primes d’assurance-maladie. Il est absurde de s’interdire une mesure qui pourrait créer de vraies économies en faveur de l’assuré au nom d’un principe qui n’a jamais fait ses preuves.
    • Le projet de loi prévoit des garde-fous : l’OFSP peut limiter les montants librement disponibles par l’assurance en cas d’abus.
    • Pour pouvoir bénéficier du montant à libre disposition, l’assurance doit prouver l’économie, ce qui impose une totale transparence.

    En résumé, cette proposition introduira un vrai incitatif à faire baisser les prix, ce qui bénéficiera avant tout aux assurés payeurs de prime. Une mesure concrète et simple en faveur des assurés !

    Cette solution poussera les assurances à maintenir des prix publics chers pour négocier des tarifs à la baisse ?
    Cette hypothèse paraît peu probable. Les conventions tarifaires ne sont pas fixées unilatéralement par les assurances, mais sont négociées. Par ailleurs, elles sont le fruit de négociations entre les fédérations d’assureurs, pas des assurances elles-mêmes. Enfin, les conventions tarifaires sont surveillées par l’OFSP qui pourra refuser des conventions abusives dans une telle situation.

    Il faut aussi souligner que les domaines les plus standardisés, donc les plus concernés par la mesure, ne sont pas régis par des conventions, mais par des tarifs fixés uniquement par la Confédération (matériel médical et médicaments notamment).

  • Médicaments génériques : permettre les importations parallèles pour réduire leur prix

    Médicaments génériques : permettre les importations parallèles pour réduire leur prix

    En session spéciale d’octobre, le Conseil national a intégré dans la LAMal ma proposition pour permettre les importations parallèles de médicaments génériques,  élément central de mon projet électoral de 2019.  Par 128 voix contre 53 et 4 abstentions, une large majorité du Conseil national a contredit l’avis du Conseil fédéral et le lobby des distributeurs.

    Ma proposition

    Concrètement, sous le terme d’importations parallèles, on entend l’importation de produits achetés à l’étranger à un prix plus avantageux, qui peuvent, de facto, être vendus moins chers sur le marché indigène. L’importateur dit parallèle contourne le distributeur officiel et se trouve ainsi en concurrence avec le fabricant du produit ou son distributeur « officiel », ce qui renforce logiquement la concurrence sur le marché. Dans l’Espace économique européen, les importations parallèles de produits sont en principe autorisées. 

    Si ma proposition passe encore les Etats, cette règle s’étendra désormais aux médicaments génériques.

    Aujourd’hui, deux chicanes administratives empêchent les importations parallèles : la nécessité de réautoriser chaque produit par Swissmedic et l’obligation de fournir les médicaments dans des emballages dans les trois langues nationales.  

    Mon projet vise à supprimer ces embûche administrative, sans supprimer la sécurité des patients.

    • Les médicaments autorisés proviennent de l’EEE et sont déjà homologués pour le marché européen, il est inutile de procéder à une deuxième et coûteuse homologation ; si des craintes devaient apparaître de sécurité avec un médicament, le Conseil fédéral garde naturellement le droit d’en interdire l’importation en tout temps. 
    • L’obligation de reconditionner des médicaments dans les trois langues nationales est désuète à l’heure où le compendium est téléchargeable en-ligne ou sur des applications ou pourrait être fourni contre une petite rémunération par le pharmacien, cela dans la langue du patient. 

    En pratique, l’autorisation d’importer directement des médicaments génériques :

    • renforce la concurrence dans le domaine des génériques et permet aux Suisses de bénéficier des prix européens en la matière, avec des économies moyennes de 50% sur les médicaments génériques ;
    • permet ainsi de réduire les primes de l’assurance-maladie ;
    • garantit l’approvisionnement en médicaments du pays en multipliant les sources d’approvisionnement.

    Le montant des primes d’assurance maladie est un grand défi pour notre pays. Les citoyens n’arrivent plus à faire face à la croissance permanente de leurs primes d’assurance, d’autant plus en cette période de crise mondiale. C’est le pouvoir d’achat des ménages qui est en jeu. 

    Toute proposition allant de ce sens doit être soutenue au-delà des dogmes politiques. Parfois, les solutions les plus aisées ne sont pas exploitées. En effet, le simple fait de mettre les acteurs du marché en concurrence, souvent critiqué à tort, peut faire baisser de manière considérable les prix. 

    Le Conseil national abonde dans ce sens. La balle est désormais dans le camp du Conseil des Etats qui doit confirmer la position de la chambre du peuple.

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  • Multinationales responsables : le retour vers l’impérialisme juridique

    Multinationales responsables : le retour vers l’impérialisme juridique

    L’égalité devant la loi figure parmi les principes fondateurs des démocraties modernes. Ce principe veut que toute personne soit soumise aux mêmes règles, quelle que soit ses origines, son sexe, son âge.

    Il n’en a pas toujours été ainsi. Après la chute de l’Empire romain, sous les dynasties mérovingiennes et carolingiennes, entre Clovis et Charlemagne, on n’appliquait pas du tout ce principe d’égalité, on s’en doute. Mais pas seulement au nom d’une féodalité barbare.

    A ces époques-là, c’est le principe de la « personnalité des lois » qui prévalait. Au moment de vous juger, on se demandait quelle règle vous appliquer. Un peu comme si le Code civil variait en fonction de notre langue ou de notre origine.

    Une modernité bienvenue a balayé ce système archaïque pour imposer la « territorialité du droit ». Le développement du concept de souveraineté, puis celui d’Etat-nation, a rendu indispensable que chaque pays, chaque gouvernement, démocratique ou non, puisse décider du corpus législatif applicable sur son territoire. Une avancée majeure en faveur de l’égalité et de la sécurité juridique.

    Depuis quelques années, quelques pays, souvent écrasés par le poids insupportable de leur dette publique, détricotent petit à petit ce principe essentiel. Cela a commencé avec nos amis Américains qui estiment que leurs citoyens doivent leur payer des impôts, où qu’ils résident.

    D’autres développements, plus récents, font craindre que les Etats modernes, mus par le sentiment de porter des valeurs universellement reconnues, cherchent à faire appliquer leurs règles urbi et orbi, sans trop s’inquiéter d’opinions locales divergentes.

    L’initiative sur les multinationales responsable est de cette catégorie. Elle part bien entendu d’un acte de bonne volonté. Aucun citoyen suisse qui partage quelque peu les valeurs communes de notre société ne peut adhérer aux actions parfois révoltantes de certaines entreprises à l’étranger. Mais le défaut de cette initiative figure dans ce détail, qui n’en est pas un : l’étranger. Avec cette initiative, deux sociétés, en tout point comparables, pour des faits parfaitement similaires, réalisés au même endroit, se verront appliquer des règles différentes selon qu’elles ont leur propriétaire en Suisse ou ailleurs.

    Cette application personnelle du droit peut vous sembler innocente. Peut-être même souhaitable puisqu’elle tend à l’application de concepts que nous jugeons tous relever du bien contre le mal.

    Mais que répondrons-nous alors à d’autres Etats, sous d’autres latitudes, qui eux-aussi veulent faire appliquer leurs valeurs ? Que dirons-nous à l’université du Caire qui appelle à une règle punissant en tout lieu le blasphème contre la religion musulmane ? Que ferons-nous le jour où un Tribunal français condamnera Sanofi à Viège, sous prétexte que notre droit du travail est famélique au regard du pléthorique code du travail français, ses grèves sans limite et son étriquée semaine de 35 heures ? Qu’aurons-nous à rétorquer à un gouvernement islamiste qui punira une citoyenne pour n’avoir pas porté le voile lors d’un voyage en Suisse ?

    On ne peut que condamner des entreprises qui emploient des enfants, polluent des rivières ou volent des terres. Si ces actes se déroulent chez nous, c’est à nous de les juger. S’ils ont lieu à l’étranger, dans d’autres pays souverains, c’est à eux de régler la question. L’application universelle par la contrainte de nos valeurs constitue un aventureux impérialisme juridique qui nous ferait reculer de plusieurs siècles.

  • Le coronavirus et la cuillère en argent

    Le coronavirus et la cuillère en argent

    Le désastre économique de la pandémie se traduit de manière très concrète pour les petits indépendants, les PME et les employés du privé. Dans ce contexte, les plaintes de certains syndicats de la fonction publique sonnent particulièrement faux.

    Deux mille vingt, annus horribilis, c’est maintenant connu. Il n’y a rien de bien original à considérer que l’année qui a vu s’abattre sur notre monde la pandémie de covid est à ranger dans la catégorie de celles que l’on aurait volontiers évitées.

    D’abord, il y a les victimes, pour lesquelles cette année pourrie sera la dernière. Quoi qu’en disent les complotistes de tout poil pour qui le virus est un mauvais gag inspiré par Bill Gates, leur nombre dépasse amplement le million. Cela sans parler des rescapés: tous n’en reviennent pas la fleur au fusil.

    Et puis, bien entendu, il y a le volet économique de la crise. Un désastre qui ne connaît pas beaucoup de comparaisons. Un compatriote sur huit bénéficie des fameuses RHT, la réduction de l’horaire de travail. Le mot pudique pour dire chômage technique. Le taux de sans-emplois, lui, a augmenté de moitié. A leurs côtés, on trouve ces nombreux indépendants, chauffeurs de taxi, professionnels de l’événementiel, hôteliers, qui se retrouvent parfois sans aucun revenu, passant entre les mailles d’un filet social que le Conseil fédéral a tenté, tant bien que mal, de bricoler en milieu de pandémie. Sans oublier ces entreprises, petites et moyennes, des exploitations liquidées ou précipitées vers une faillite attendue. C’est parfois le travail de toute une vie qui se trouve laminé.

    Face à ces drames humains, j’ai été frappé ces derniers jours par une certaine indécence. Celle de ces professeurs d’université qui se disent à bout de forces un mois après la rentrée. Ou de leurs étudiants, éreintés à la seule idée de suivre assis leurs cours en ligne. Et, surtout, de ces manifestants de la fonction publique genevoise, vent debout contre une proposition de loi qui mènerait à réduire leur revenu d’un malheureux pour cent.

    On ne demande à personne de se réjouir d’une baisse de salaire ou d’une péjoration de ses conditions de travail. Mais au temps où l’ensemble de la société se serre la ceinture face à un cataclysme sanitaire et économique, au moment où les employés du secteur privé espèrent avoir encore un travail à Noël, les plaintes, cuillère en argent dans la bouche, d’une partie de la fonction publique qui bénéficie d’une complète sécurité de l’emploi, confinent à la grossièreté.