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Ce que le peuple fait, seul le peuple peut le défaire

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Ce que le peuple fait, seul le peuple peut le défaire

Mercredi 23 juin 2010, le Conseil de l’Europe a demandé à la Suisse de suspendre l’application de l’initiative sur les minarets. Cette décision serait assez anodine si les représentants qu’y compte la Suisse n’avaient pas eux aussi voté en faveur de cette résolution. Ces députés, issus et élus par le Conseil national, représentent l’Etat, ses institutions et surtout la population. C’est surprenant, mais les cinq représentants de la Suisse au Conseil de l’Europe, des socialistes aux UDC, ont soutenu un texte demandant de suspendre une décision du peuple.
Mais qu’est-ce qui a bien pu leur passer par la tête ? J’ai été déçu le 29 novembre 2009, très déçu. Je m’attendais à un rejet massif, à un vote clair en faveur de la liberté religieuse et de l’égalité de traitement. Il n’en a rien été et j’ai perdu avec la minorité. Il est temps d’admettre que le fameux vote n’était pas qu’une question de droit des constructions, mais mettait en exergue des craintes enfouies au plus profonds de la conscience collective.
Il n’est pas de la compétence de cinq Conseillers nationaux de jouer la courroie de transmission des positions helvétiques de cette manière. Je suis effaré de voir à quel point nos représentants au Conseil de l’Europe n’ont pas saisi ce qui s’est passé le fameux 29 novembre 2009. Non, ce n’était pas un vote entaché d’irrégularités, ni un coup de gueule spontané. Ce que le vote sur les minarets montre est bien plus conséquemment ancré dans l’opinion publique. Un vote non contraignant d’une autorité internationale n’y changera rien, et les multiples interventions déposées par la suite dans les pays européens le montrent bien : le concept même de laïcité a radicalement changé sur le continent.
Nos cinq représentants au Conseil de l’Europe ont la mémoire courte : ce sont les mêmes qui ont estimé l’initiative valide et l’ont soumise au peuple. Ils ont ensuite un peu oublié de mener une campagne, persuadés comme je l’étais que jamais, au grand jamais, le peuple helvète pourrait prendre une décision pareille.
Et pourtant le peuple a voté. Le vote sur les minarets n’était pas un gag, ce n’était pas un sondage d’opinion. Non, il est bien réel. Le peuple a pris une décision et a voulu insérer un article – sans doute extrémiste – dans notre Constitution. Les élites politiques, élues par ce peuple, doivent l’accepter et le respecter, ou alors demander au peuple de modifier à nouveau la Constitution, en récoltant les signatures ou des voix au Parlement. En droit, on appelle cela le parallélisme des formes : ce que le peuple fait, seul le peuple peut le défaire.
Nos cinq représentants du Conseil de l’Europe laissent entendre que la démocratie peut non seulement fonctionner sans le peuple, mais, pire, contre lui. Par ce genre de comportement, ces élus ne font qu’accentuer le clash entre une classe politique et une classe populaire, distinction qui se renforce malheureusement au fil des ans, au fil des gestes de défiance de parts et d’autres. Chers parlementaires, vous ne vous en êtes peut-être pas rendu compte, mais il y a une majorité en Suisse qui considère que nous avons un problème avec l’Islam. Que ce problème soit irrationnel, exagéré ou contraire au droit de l’homme n’y changera rien. Ce sentiment restera toujours bien présent tant que l’on n’aura pas admis qu’un problème, même uniquement dans l’esprit des citoyens, reste un problème. Le nier ne fera jamais que le renforcer.
Cette position montre que notre démocratie a du plomb dans l’aile. Pas parce que le peuple a pris une position qui n’est certainement pas la plus réfléchie que nous n’ayons jamais prise, mais parce que certains élus oublient l’essence même de la démocratie : la souveraineté populaire.

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