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Déductions fiscales: la famille traditionnelle en question

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Déductions fiscales: la famille traditionnelle en question

Les déductions fiscales permettent de transcrire une réalité économique sur la déclaration d’impôt ou, au contraire, de comptabiliser un élément virtuel à des fins incitatives. La dépense d’acquisition du revenu, soit le franc investi pour générer le suivant, est la première de ces réalités économiques. En toute logique, le parlement fédéral a reconnu récemment que les frais de gardes des enfants constituaient une dépense d’acquisition du revenu déductible : quand deux parents travaillent, il faut bien trouver à garder ses enfants quelques heures par jour.
Certains demandent aujourd’hui que cette déduction soit aussi accordée aux parents qui font le choix de garder eux-mêmes leurs enfants. Idée sympathique qui sent l’égalitarisme à plein nez, mais difficilement justifiable.
La déduction forfaitaire proposée de 10’000 frs. par an ne correspondant par définition à aucune dépense concrète, elle doit certainement être conçue comme une mesure incitative. Mais incitative de quoi ? Est-ce un moyen de favoriser le modèle familial « traditionnel » : maman aux fourneaux et papa au boulot ?
Je tire mon chapeau à ces femmes qui se sacrifient pour leurs enfants. Il n’est cependant pas forcément de bon augure que trop de citoyens abandonnent toute velléité de carrière professionnelle au nom de la famille. Non que je conspue la famille, mais plutôt que je me méfie des visions nostalgiques qui aboutissent à vivre dans un monde chimérique.
Cette soif de famille traditionnelle repose sur une vision moralisatrice et dogmatique de notre société. Quand 50% des mariages ont pour finalité le divorce, il est irresponsable d’encourager les mères de famille à se déconnecter du marché du travail. Celui qui abandonne sa carrière pendant les dix à quinze ans que prend l’éducation d’une petite famille contribuera certes à élever la nouvelle génération, mais se marginalisera complètement des exigences de l’économie. Sachant combien il est périlleux de se reconvertir après une longue activité au sein d’une même entreprise, on imagine les difficultés d’une réinsertion après 15 ans à élever des enfants.
Pousser les femmes à rester à la maison revient à les condamner à se retrouver un jour démunies face à un marché du travail en perpétuelle évolution. C’est condamner une partie des citoyennes divorcées à la précarité. Parallèlement, c’est la situation des pères qui prend aussi un coup : le droit civil veut que les époux séparés s’entraident, même après le mariage. Et quand on sait que deux ménages coûtent fatalement plus cher qu’un…
Cette déduction fiscale proposée ne valorise en rien le travail des mères de famille. Dix mille francs l’an, c’est encore moins bien payé qu’avocat stagiaire ! Belle valorisation du travail de nos mères qui ne comptent jamais leurs heures. Cette défiscalisation forfaitaire n’apporte aucune valeur ajoutée à l’expérience d’une mère pour retrouver un emploi en cas de coup dur. Elle ne fait qu’encourager les familles à adopter un modèle qui a fait ses preuves dans une autre société, celle qui prévalait avant la guerre, quand on comptait une poignée de divorces par année en Valais. Non que le modèle traditionnel soit désuet, mais qu’il n’est plus adapté à la moitié de nos familles. Encore faudrait-il savoir quelle moitié.

Commentaires

7 Comments

  1. Bonjour Philippe,
    Merci pour votre réponse.
    La modification serait donc la suivante :
    Al. 4 Les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants doivent bénéficier d’une déduction fiscale au moins égale à celle accordée aux parents qui confient la garde de leurs enfants à des tiers.
    Donc si j’ai bien compris, cette initiative ne s’adresse pas uniquement aux parents à 100 % à la maison. Finalement, les parents « à temps partiel » y trouverait aussi leur compte. Du coup, il est même possible d’imaginer que ce genre d’initiative encouragerait le temps partiel pour des femmes occupant actuellement un poste à plein temps. Cela déboucherait donc sur la création de nouveaux postes et la possibilité à plus de gens d’occuper un poste à temps partiel.
    Vous rendez-vous compte que votre position est injuste pour les familles traditionnelles ? Pourquoi devraient-elles payer plus d’impôts alors qu’il est déjà fort probable que leur revenu soit inférieur à celui d’un couple en emploi ? Finalement, il ne s’agit pas de leur donner de l’argent, mais d’éviter de leur en prendre, ce qui n’est pas du tout la même chose.
    Je reste étonnée que vous n’encouragiez pas un tout petit peu (c’est quand même pas grand chose !) les familles traditionnelles, vous qui semblez en avoir bénéficié. En ne tenant compte que des « tristes réalités » de l’après- divorce, vous oubliez les « tristes réalités » de familles qui éclatent par faute de temps à accorder à chacun.
    Vous choisissez de privilégier un idéal d’insertion professionnelle de tout le monde, au détriment de ce qui pourrait rendre de nombreuses familles plus heureuses.
    Si jeune et déjà cynique, comme c’est dommage !
    Cordialement,
    Dominique

  2. Merci pour votre réponse Philippe, je pense quand même qu’il serait dommage de refuser une aide à une famille dont l’épouse souhaiterait rester auprès de ses enfants.
    A ce que j’ai pu lire plus haut, vous avez eu vous-même, comme moi, la chance d’avoir une mère présente.
    Je souhaite offrir cela à mes enfants et j’espère avoir toutes les aides possibles pour le faire.
    Il existe beaucoup d’études à domiciles ou par internet, l’école-club migros et autres qui offrent aux femmes désirant rester « dans le coup » au niveau professionnel.
    Il y a beaucoup de manière de ne pas être totalement coupées du monde professionnel, même en ne gardant pas un emploi à 20 ou 30%… Surtout que ces places sont très difficiles à trouver.
    La solution miracle n’existe jamais… Mais pourquoi couper une aide? Uniquement pour ne pas « influencer » les femmes à rester à la maison?
    C’est dommage…
    Bien à vous,
    Marie

  3. Cher Philippe,
    J’ai lu avec plaisir votre article, non que j’adhère à votre opinion mais votre plume est excellente et très agréable à lire.
    En tant qu’égocentrique de première classe, je vais parler de mon exemple. Jeune femme de 26 ans, avec une situation professionnelle de qualité, un bon CV et un avenir professionnel presque assuré, mon rêve est pourtant d’être mère au foyer.
    Je ne dis pas que nous devons, pour reprendre vos mots, pousser les femmes à rester à la maison, mais leur laisser le choix et les aider si tel est leur choix.
    Je ne pense pas non plus qu’une déduction fiscale pousse vraiment les femmes dans ce sens.
    Si vous demandez à votre mère ou à vos amies qui souhaitent élever leurs enfants sans travailler à côté, vous apprendrez certainement que nous ne le faisons pas pour le salaire ni pour les déductions… Mon rêve est de pouvoir élever mes enfants, de ne manquer ni leurs premiers pas ni leur premier mot, d’être là pour eux comme ma maman l’a été.
    Et si aujourd’hui on nous propose une aide, aussi minime soit-elle, je dis merci, merci pour moi et pour toutes celles qui souhaitent élever leurs enfants et quitter le monde professionnel.
    Là n’est que mon opinion.
    Merci pour vos articles et au plaisir de vous lire!
    Marie

    • Bonjour Marie,
      Merci beaucoup pour votre commentaire.
      Je comprends tout à fait votre aspiration à être proche de vos enfants. Je vois seulement certains danger à long terme pour les mères de familles qui abandonnent leur carrière professionnelle, et qui finissent par s’en mordre les doigts.
      La mesure d’origine, à savoir la déduction pour le frais de garde, a pour objectif de pousser les couples à trouver des formules où les deux peuvent travailler. Je ne parle pas de solutions de carriéristes. L’idée n’est pas d’empêcher les mères de faire un break, mais de les pousser à ne pas se déconnecter complètement, avec des jobs à temps partiel notamment.
      Bon, chacun fait comme il veut, mais je vois tellement de couples qui divorcent pour se retrouver dans la précarité parce que Mme ne trouve plus rien 15 ans après être sortie de la vie active que je me dis que c’est bien destructeur comme modèle de nos jours.
      Au plaisir de rediscuter avec vous, meilleures salutations,
      Philippe Nantermod

  4. Vous avez raison Philippe, il serait dommage d’empêcher les gens de faire carrière en leur offrant un semblant de choix. Car évidemment, 10’000 francs de déductions fiscales (1’000 francs d’impôts économisés ?) inciterait n’importe qui à abandonner son emploi pour se consacrer à sa famille. Surtout les gens qui sont profondément attirés par une carrière professionnelle.
    On assiste actuellement à une montée des taux de divorces, de chômage, de suicides, de dépressions et de plein d’autres taux tout aussi réjouissants qui peuvent éventuellement donner à penser que l’on ne va pas nécessairement dans la bonne direction (ou alors j’ai rien compris).
    Certes, les conditions « environnementales » (socio-écono-écolo-démographo-loto-etc.) ont beaucoup changé en 50 ans et rendent la comparaison avec « avant » douteuse.
    Il semble toutefois que l’Homme ne change pas tant que ça dans ses comportements fondamentaux. Ainsi, la famille « traditionnelle » est un système d’économie domestique basé sur des différences de compétences et d’aptitudes entre les sexes qui n’a effectivement pas beaucoup évolué avec le temps.
    Mais n’ayez crainte, Philippe, c’est certain, nous ne reviendrons pas en arrière. La femme peut maintenant mener une carrière si elle le désire, et elle ne va pas renoncer à ce droit. Mais pourquoi donc fustiger la famille « traditionnelle » ? Certaines personnes se fichent comme d’une guigne de faire carrière, sans nuire pour autant au système économique (le favorisant même en achetant des couches-culottes et des iPod à leur progéniture). Actuellement, de nombreux couples préfèrent éduquer leurs enfants eux-mêmes (incroyable !), en partageant les tâches « à l’ancienne ». Certains tiennent même les comptes de leur économie domestique, car oui, le nombre d’heures passées à s’occuper d’un foyer et des enfants est quantifiable. Une mère ne « compte pas ses heures » ? Et bien une personne très engagée dans sa carrière non plus, et pourtant elle facturera un nombre d’heures précis et recevra un salaire.
    Certains couples équilibrent le salaire « virtuel » du conjoint à la maison avec le salaire apporté au ménage par celui qui travaille. Cela permet entre autre à la mère de famille de se sentir non plus esclave de la famille, mais associée à son mari (pour que lui puisse travailler). Cela vous paraît mesquin ? Les couples qui pratiquent cela assurent avoir une plus grande paix dans le ménage, les choses étant claires !
    A part ça, Philippe, j’admire votre cohérence avec les lignes du PLR : économie et initiative personnelle par-dessus tout. Je regrette simplement qu’un futur avocat se fiche autant de la justice.
    S’il vous plaît, ne sombrez pas dans l’égoïsme et l’avarice sous prétexte que c’est « votre argent que vous avez gagné avec la sueur de votre front » (enfin, pour le moment, je vous soupçonne d’avoir un crédit, ou alors des parents riches).
    Vous avez décidé de ne pas en tenir compte, mais vous savez pertinemment que les êtres vivants sont interdépendants. S’il existe une réalité, c’est celle-là. Avoir de la gratitude et prendre en compte les besoins de gens moins chanceux ou suivant une trajectoire de vie différente de la votre ne vous fera pas de tort, bien au contraire.
    Pour conclure, une phrase que j’aime beaucoup (cadeau !) : « le communisme, c’est la justice sans la liberté et le capitalisme, c’est la liberté sans la justice »(P. Bruckner). Reste le funambulisme. Je vous sens une réelle capacité dans ce domaine !
    Bien amicalement, et au plaisir de vous croiser en ville de Sion,
    Dominique

    • Chère Dominique,
      Merci beaucoup pour votre message et je me fais un plaisir d’y répondre.
      Je suis personnellement très touché par ces femmes qui s’investissent et qui laissent leur carrière de côté pour élever leurs enfants. Je ne doute pas de la qualité de l’éducation qui en résulte, puisque j’ai personnellement eu la chance d’avoir ma mère à la maison durant toute mon enfance et je n’ai pas l’impression d’en être ressorti idiot.
      Les 10’000 francs de déduction proposés ne vont évidemment pas vous faire démissionner une cadre UBS aux aspirations carriéristes, mais peut être suffisamment important pour encourager à préférer un 100% à la maison plutôt qu’un 50%, 60% ou 80% comme c’est le cas aujourd’hui.
      Nous vivons dans une société dans laquelle un mariage sur deux finit en divorce. Je ne veux pas dire si c’est un mal ou un bien, chaque personne qui divorce ayant ses bonnes raisons, et je préfère cette société où l’on reconnaît que l’éternité, c’est parfois un peu trop long.
      Tout cela pour en revenir au coeur de ma question: que faire des 50% des femmes qui divorcent, si on les encourage, ou les soutient dans la démarche de rester à la maison pour élever leurs enfants. Elles se retrouvent sans rien, sur un marché du travail qui n’a souvent pas de place à leur proposer, ou alors vraiment des places de troisième catégorie. Par ricochet, ce sont les maris, qui se retrouvent avec des contributions d’entretien énormes et vivotent malgré un job à plein temps.
      Je n’invente rien, ce sont des situations que je constate au quotidien dans ma profession d’avocat-stagiaire.
      Tout ça pour dire que je ne pense pas qu’il soit aussi prioritaire et bénéfique de prendre des mesures dont le but est de « ne pas péjorer » les familles qui font le choix du modèle traditionnel. Ce modèle me paraît inadapté, voire dangereux dans pas mal de situations…
      Bonne journée, au plaisir de vous recroiser dans les rues de Sion 🙂
      Philippe Nantermod

  5. Bonsoir Philippe,
    Merci pour votre billet. Je comprend votre soucis de trouver des solutions à ce monde si compliqué par tous ces concepts, ces idéaux, ces idées, ces systèmes, ces réglementations, ces limitations, etc…
    A mon humble avis, nous aurions beaucoup plus à gagner de travailler pour que le mariage reprenne tous son sens et que, morale et droiture imbibent chaque personne.
    Que les épouses puissent vivre en parfaite sécurité auprès de leurs époux. Que les vertus inhérentes à une humanité noble et digne regagnent le coeur des gens et s’intègrent jusqu’au coeur de la société.
    Cela fait aussi partie de l’histoire qu’il faut connaître et donc enseigner. Mais, je ne crois pas beaucoup aux vertus de la connaissance livresque, trop souvent dogmatique, mais je crois en l’exemple.
    Personnellement, j’exigerais des personnalités politiques qu’elles soient exemplaires sur le plan morale, éthique et de dignité, de majesté.
    Je veux des gens probes, honnêtes, sincères et justes.
    Des gens qui s’investissent pour remettre au goût du jour les valeurs morales. A tel point que tous le monde n’aimerait que s’identifier à cet exemple, parce qu’il vient d’en haut, parce qu’il est sincère, parce qu’il est vrai !
    Que les femmes puissent se comporter comme des mères et non comme des carriéristes affairées et stressées par nécessité, par mode ou par simple envie de ne plus ressembler à une femme, parce que l’image que l’homme en fait est une image condescendante.
    Que les hommes se comportent comme des hommes et non comme des porcs, des ânes, des pies ou des singes.
    Des hommes responsables, dignes, qui prennent leurs responsabilités, protègent et respectent leurs épouses et élèvent main dans la main avec celles-ci et ce, dans un parfait équilibre dans leur union, leurs enfants afin que ceux-ci mûrissent dans la douce quiétude d’un foyer rempli d’amour, de respect et de paix.
    Que l’esprit maternelle gouverne le pays et apporte son sens de l’équité, de la justice, de l’économie et du partage à la société.
    Assez de système ! L’être humain fait partie intégrante de la nature. Si celui-ci pouvait se gouverner par un système, ça ce saurait depuis le temps qu’on essaie tout et n’importe quoi. Un coup à gauche, un coup à droite, un coup pour coup…
    Quand est-ce que cela va-t-il arriver ? Quand est-ce que l’homme réclamera avec bon sens, du bon sens pour lui-même ?
    Qui va politiquement révolutionner la politique en Suisse et apporter un souffle nouveau pour changer l’air vicié de la lourde atmosphère politique qui plane sur notre pays ?
    Qui va enfin mettre la charrue derrière les boeufs et tracer dans notre terre, un sillon fertile pour planter à nouveaux les jalons éternels d’une vie pratique, simple et collective ?
    (je voulais faire court, voilà en partie mon prochain billet de mon blog 🙂 )
    Avec mes plus chaleureuses salutations, je vous souhaites un agréable week-end,
    Serjirao


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