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En attendant l’autocar

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

En attendant l’autocar

Chronique publiée dans le Temps du 27 juin 2017.

Alors que les pays européens libéralisent le marché du transport public, la Suisse attend, temporise, regarde. Et verra finalement encore un nouveau secteur échapper aux entrepreneurs helvètes.
Les pays d’Europe ont libéralisé l’autocar. Le transport public est le théâtre d’une compétition entre les chemins de fer historiques et des entreprises privées qui attirent les clients avec des tarifs hyper avantageux. La Suisse, sonderfall devant l’éternel, se trouve désormais encerclée de pays adeptes du bus. Comble du ridicule, les accords bilatéraux garantissent aux compagnies étrangères le droit d’opérer depuis et vers la Suisse, à condition de ne pas laisser les passagers faire un trajet interne.
Bon marché, l’autocar permet à des citoyens peu fortunés et à des touristes sans demi-tarif de voyager sans se ruiner. D’un point de vue écologique, il apparaît qu’un bus ne pollue pas tellement plus qu’un train régional. En Allemagne, on a constaté que le bilan du point de vue du trafic était positif, sans mettre en danger les chemins de fer nationaux.
Heureusement, face au risque majeur de voir les choses changer, le Conseil fédéral a combattu toute libéralisation. Apprenant que des citoyens peu scrupuleux avaient l’outrecuidance de pratiquer le cabotage en toute illégalité (soit le fait de descendre du bus avant son arrivée), l’Office fédéral des transports s’est mis en tête d’inventer une sanction pour punir ces voyageurs. Passagers dont le seul crime est de ne pas avoir choisi le chemin de fer, devenu hors de prix pour un certain nombre de personnes. Heureux pays celui qui n’a que de petits problèmes.
La semaine dernière, la Commission des Etats a traité ma motion qui propose l’ouverture du marché en Suisse. Libéralisera, libéralisera pas l’autocar ?
Réponse : on temporise. La Commission a suspendu le traitement de l’objet, dans l’attente d’un rapport promis par le gouvernement. Rapport qui, pour la petite histoire, est pris dans les embouteillages administratifs puisque sa publication a déjà été reportée du premier semestre à la fin de l’année.
Pendant que le monde bouge, nous annonçons, nous écrivons, et nous attendons des rapports. Les compagnies étrangères s’implantent en Suisse, acquièrent une clientèle et préparent le terrain d’une libéralisation inévitable. Ce jour-là, les sociétés suisses se retrouveront prises de court par Flixbus (Allemagne) et Ouibus (France), à l’image des taxis qui n’ont pour beaucoup pas su prendre le virage de la numérisation. Et il sera trop tard pour se plaindre.

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