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Et pourquoi pas une élection par le peuple ?

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Et pourquoi pas une élection par le peuple ?

Le lapin sorti d’un chapeau. C’est définitivement la plus jolie manière d’illustrer la campagne de l’été.
Nombreux sont les ‘’observateurs’’ qui enjoignent l’Assemblée fédérale à choisir une personnalité compétente, à transcender ce vieux concept éculé de parti ou de région linguistique. Qui peut donc affirmer Urs Schwaller davantage compétent que Martine Brunschwig-Graf ? Christophe Darbellay serait moins qualifié que Didier Burkhalter ou que Luc Recordon ? Celui qui peut se targuer de figurer sur la liste des « conseilfédéralisables » doit forcément se montrer compétent. Hormis Elisabeth Tessier, nul ne peut prédire les qualités futures d’homme d’Etat de l’un ou de l’autre.
Avec un gouvernement de concordance comme le nôtre, la question du parti – et par extension de l’origine géographique – est essentielle. Le deuxième siège libéral-radical est légitime, tout comme pourrait l’être, à condition de changer de système, un siège Vert. Il n’existe par contre aucune justification pour un deuxième PDC. Il n’y a pas de raison valable pour qu’un parti à 14.4% dispose de plus de sièges qu’un parti à 17.5%.
L’élection du Conseil fédéral par l’Assemblée fédérale avait jusqu’ici l’avantage de la stabilité. Les Parlementaires, protégés par le secret de leur vote, se plaçaient au dessus de la mêlée et choisissaient après mûre réflexion. Aujourd’hui, on se croirait sur eBay. Chacun y va de sa petite revendication : les socialistes aimeraient un libéral communard, les PDB demandent en échange de leurs misérables six voix le soutien de tout un groupe en 2011. « T’auras mes voix si tu me donnes les tiennes » est devenu notre modèle institutionnel.
Comme nous avons pu l’observer avec l’élection de Ueli Maurer, la désignation du Conseil fédéral se joue dans un mouchoir de poche, pour une ou deux voix. Et pas entre deux prétendants issus du même bord, mais entre deux courants politiques différents. Ce système électoral qui garantissait jusqu’ici la stabilité assure désormais les gros titres de la presse et l’incertitude la plus complète sur l’évolution de la composition gouvernementale. C’est un vrai changement de système. D’une cohésion réfléchie, on est passé à une loterie.
Une élection du Conseil fédéral par le peuple aurait aujourd’hui l’avantage de la stabilité. L’ordre de représentation des partis lors des élections fédérales est stable depuis 1995 : UDC – PS – PLR – PDC. La composition du gouvernement a depuis par contre déjà changé deux fois et on nous promet encore de nouveaux bouleversements dans les mois à venir.
Sans parler de l’attrait politique. Je parie que l’élection du Conseil fédéral par le peuple serait l’occasion de mettre en avant un programme national comme les élections fédérales actuelles ne le permettent malheureusement pas et de donner des visages marquants aux idées politiques.
Quant au mode de scrutin, des solutions permettent de respecter les régions et la force des partis. Rappelons qu’au moins trois gouvernements cantonaux élus par le peuple présentent une diversité linguistique et culturelle.  La question n’est pas extrémiste. La majorité des nations élisent leur gouvernement, la question a sa légitimité, chez nous aussi.

Commentaires

2 Comments

  1. Je pense que les mieux placés pour juger les compétences des candidats, sont ceux qui les côtoient dans leur travail. Ces pairs sont élus par le peuple, nous leur déléguons par conséquent certaines tâches, dont celle d’élire nos Conseillers fédéraux. Si les parlementaires ne peuvent savoir si tel candidat est meilleur que l’autre, comment le peuple le saurait ?
    Comme tu le dis justement, les questions du parti et de l’origine linguistique sont essentielles. Les élus la respectent car il en va aussi de leur légitimité. L’élection par l’Assemblée garanti donc plus que la seule stabilité politique.
    Les tractations en coulisse ne peuvent pas être assimilées à une vente aux enchères sur eBay. Elles ne sont pas un phénomène récent et remplissent la fonction d’arriver à une solution de compromis et le compromis est lui aussi garant de stabilité. Les tractations c’est la démocratie, la mise en place du consensus. En élisant les Conseillers fédéraux, les parlementaires s’engagent aussi à collaborer avec eux. Qu’en serait-il de Conseillers fédéraux « parachutés », sans aucune légitimité parlementaire ? Ils n’auraient plus de poids, de reconnaissance et seraient déstabilisés au premier vent contraire.
    Si les élections fédérales font les gros titres de la presse pendant les quelques semaines, voire quelques mois, précédant une élection, je trouve que c’est tant mieux ! C’est un signe que la politique intéresse les citoyens et c’est très sain. Maintenant, une élection par le peuple monopoliserait les gros titres pendant bien plus longtemps. Pas besoin d’aller regarder très loin autour de nous pour voir que les campagnes présidentielles font ressortir ce qu’il y a de pire en politique : la personnalisation et les phrases choc. Je préfère savoir que mes Conseillers fédéraux n’ont pas le sens de la formule mais qu’ils s’engagent vraiment pour la chose publique, qu’ils ont la capacité à fonctionner au sein d’un collège. En plus, nous ne devrions pas élire un, mais sept « présidents », j’ose à peine imaginer à quoi ressembleraient nos périodes de campagne.
    En France, on s’en sort encore avec une élection faussement ouverte où finalement, la campagne est monopolisée par deux partis et par conséquent deux grands programmes nationaux, si tant est qu’ils arrivent à s’accorder entre eux. En Suisse, est-ce que ce serait aux candidats eux-mêmes de façonner un grand programme national ? Non, cette tâche continuerait – à juste titre – d’être assurée par les partis et donc on en reviendrait au même point puisque dans le système actuel, les partis désignent les candidats qui selon eux possèdent les compétences pour remplir la fonction et qui représentent au mieux leurs intérêts et défendent leurs idées.

    • Alors voilà ma réponse qui se faisait attendre…
      En ce qui concerne la question de savoir qui connaît le mieux les candidats, je souligne que les Conseillers fédéraux ne sont pas forcément issus de l’Assemblée fédérale. MCR était Conseillère d’Etat auparavant, par exemple. Il n’est donc pas dit que les « grands électeurs » connaissent aussi bien que cela les candidats.
      Quant à dire si le peuple les connaît mieux que le Parlement, je pense que c’est surtout la machine des partis politiques qui permet de faire un premier tri des compétences, et, à des rares exceptions prêt le peuple tranche.
      Les tractations de coulisse ne sont pas du tout une garantie de stabilité à mon sens. Si on se met d’accord entre deux partis antagonistes pour échanger des voix et créer une majorité artificielle, on ne fait que fragiliser le système. Les tractations doivent se faire, naturellement, c’est l’art du consensus, mais sur la place public, pas dans les petits salons de l’hôtel Bellevue. Les Conseillers fédéraux parachutés ne le seraient pas: on imagine mal le PLR choisir un candidat issu de nulle part, pour une raison évidente de chances de victoires.
      Les candidats en Suisse font la une des médias non pas sur un programme politique (c’est le système qui le veut), mais sur des questions de parités, de stabilité, et d’autres futilités. En France, l’élection présidentielle est à mon avis un moment de grande politique. On y choisit un modèle de société. Celui qui a suivi la dernière campagne présidentielle française, et notamment le célèbre débat télévisé du deuxième tour, ne peut pas affirmer décemment que les Français n’ont pas l’occasion de s’exprimer clairement en politique. La campagne n’est pas monopolisée par deux partis, il y a deux tours, et un processus complexe de sélection des candidats. En Suisse, les candidats sont désignés par de petits comités, avalisés par un groupe parlementaire à huis clôt et élu un mercredi matin.
      Quant à savoir à quoi ressemblerait la campagne, il suffit de regarder ce qui se passe dans les cantons. Je n’ai pas l’impression que l’élection du Conseil d’Etat fonctionne mal, plutôt le contraire d’ailleurs. On y voit des programme clairs et un choix de société nous est proposé. Un mauvais se fait éjecter, un bon se fait élire. Je trouve le système assez satisfaisant…
      Je rappelle pour finir que beaucoup de pays qui nous entoure connaît l’élection directe (ou presque, style Allemagne) du chef du gouvernement sans que cela ne fasse de ces Etats des anarchie…


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