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Le grand réveil de la COMCO

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Le grand réveil de la COMCO

Migros a acquis Denner. Coop a racheté Carrefour. Les cartels démantelés durant les années 1990 ont une fâcheuse tendance à laisser la place à des concentrations d’entreprises que le consommateur observe d’un mauvais œil, et avec raison.
Durant des années, on a pu constater que la Commission fédérale de la concurrence (COMCO) manquait cruellement d’ambition et de volonté d’agir. Le rejet de la fusion Orange – Sunrise reflète peut-être une heureuse inversion de tendance…
Le refus d’autoriser la fusion est réjouissant sous deux angles. Le premier concerne la primauté du politique sur les multinationales. Si le simple péquin dispose du droit d’ouvrir une épicerie ou un salon de coiffure, il ne nous est pas permis d’installer des antennes et de vendre des abonnements de téléphone mobile. En 1998, lors de l’ouverture du marché des télécommunications, l’Office fédéral de la communication (OFCOM) avait décidé souverainement que trois opérateurs se partageraient le marché du GSM et avait mis au concours trois concessions idoines, ni plus, ni moins. Swisscom, Orange et Sunrise (Diax à l’époque) ont fait le choix de se lancer dans la bataille, en connaissant par cœur les règles du jeu.
Il est extrêmement regrettable de constater que l’OFCOM était prêt il y a six mois à laisser sa politique démolie par le choix de deux des trois concurrents. Si Orange et Sunrise ne s’accommodent pas des règlementations de droit public et des décisions de l’organe régulateur, libre à eux de quitter le marché. J’ai été très surpris, pour ne pas dire déçu, de constater que le Département de Leuenberger était prêt à laisser deux multinationales dicter la politique de télécommunications de la Confédération.
Les arguments invoqués par les deux opérateurs me laissent pantois. Outre les prétendues économies d’échelles que les opérateurs pourraient réaliser en fusionnant (qui justifient aussi les plans quinquennaux et les kolkhozes), les deux sociétés invoquent les possibilités d’investissements plus importants en se regroupant. Orange et Sunrise, qui sont tous les deux des géants européens de la télécommunication, se plaignent de ne pas disposer de la masse critique pour procéder à des investissements massifs en Suisse. Est-ce qu’ils se moquent de nous ? J’ai beau retourner le problème dans tous les sens, je n’arrive pas à comprendre comment ces mêmes entreprises parviennent à équiper des anciens pays de l’URSS en quelques mois mais ne peuvent pas consentir aux investissements dans un marché géographiquement petit mais riche et accro aux nouvelles technologies comme la Suisse, de surcroît dans lequel ils peuvent se permettre de pratiquer des tarifs exorbitants en comparaison internationale.
En fusionnant, Orange et Sunrise s’assurent avant tout une « concurrence tranquille » face à Swisscom, impliquant une diminution du coût des investissements et la garantie de ne pas trop bousculer le marché. Nous pouvons aujourd’hui espérer que la COMCO agira avant autant de célérité dans d’autres circonstances, pour éviter que les consommateurs ne soient trop souvent pris dans la tenaille de duopoles que l’on pourrait presque qualifier de nouveau modèle économique helvétique.

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