Les cadavres de la Méditerranée sont aussi les nôtres

Ma chronique du Confédéré du 4 septembre 2015. 
Je plaide coupable. Coupable de n’avoir pas réagi assez fermement à ceux qui réclament à tort et à travers une politique d’asile toujours plus restrictive, au mépris du principe du non-refoulement. Coupable d’avoir parfois cédé aux sirènes de ceux qui confondent « réfugiés » et « abus ». Coupable de n’avoir vu que les problèmes dans les centres de requérants d’asile, et jamais les solutions qu’ils constituaient.
La tragédie qui se déroule sur les plages de la Méditerranée, aux frontières de Schengen ou sur les routes du continent ne doit pas nous faire oublier qu’en démocratie, la responsabilité des politiques publiques nous appartient à tous.
Aujourd’hui, ces politiques portent leurs fruits, pourris. Les accords de Dublin devaient garantir un régime équitable pour tous les réfugiés, octroyant la possibilité de s’inscrire et de bénéficier d’une procédure juste aboutissant soit à une admission, soit à un renvoi. A la place, on érige des barrières de barbelés, on laisse couler des bateaux et mourir des gens à l’arrière des camions.
Tous ne trouveront pas l’asile sur notre continent, c’est un fait. Mais ce n’est pas une raison pour accepter qu’un destin aussi macabre puisse se produire sous nos fenêtres. On pleure évidemment ces enfants syriens morts sur les plages. J’estime pour ma part que les jeunes hommes qui fuient la misère ne méritent pas non plus la fin funeste qu’on leur connaît.
Alors que le Liban accueille plus d’un million et demi de réfugiés, soit plus du quart de sa population, les partisans d’une politique d’asile encore plus ferme argumentent à coup d’anecdotes qui méritent toutes une réponse, mais qui ne justifient en rien un tour de vis supplémentaire dans une politique déjà trop restrictive. Il y a 122 Erythréens à Lucerne ? Et bien nous devrons nous y faire, j’en ai bien peur.
Il n’est pas question de recevoir toute la misère du monde comme on peut l’entendre. Mais d’accepter que toutes ces femmes et tous ces hommes bénéficient au minimum du droit d’être entendu avant d’être expulsés dans un lieu sûr, plutôt qu’être envoyés par le fond sans avoir voix au chapitre.
Pour y parvenir, il est grand temps que les pays européens assument enfin pleinement leur rôle en créant un véritable espace commun de l’asile, où les migrants sont enregistrés, répartis par quotas avant d’être soumis à une procédure juste, plutôt que d’être voués à la vie – ou à la mort – clandestine. Et cette responsabilité ne dépend pas de notre proximité avec la Méditerranée. Aucune raison morale n’impose à l’Italie d’admettre davantage de requérants que la Belgique ou l’Irlande, et la Suisse a aussi son rôle à jouer. Il en va de notre humanité.

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