Impôt fédéral direct et TVA: le grand «reset» du 4 mars

Dans sept semaines, le peuple aura l’occasion de supprimer l’impôt fédéral direct et la TVA, liquidant d’un coup l’essentiel de la Confédération elle-même. Une cure d’austérité massive contre laquelle aucun plan B n’est prévu, pour changer.

Accrochez-vous, 2018 sera sport. Les 349 prochains jours seront placés sous le signe du reset: UE, «No Billag», prévoyance vieillesse. Et surtout, le «régime financier 2021». Cette votation du 4 mars sera l’occasion d’appliquer le pire régime minceur à la Confédération. Il suffirait de refuser l’objet dont presque personne ne parle pour que, d’un coup, l’impôt fédéral direct et la TVA disparaissent. Si l’on joue les Neinsager le 4 mars, on tire vraiment la prise. Rien à voir avec cette bagatelle de «No Billag». D’un coup, on liquide les deux tiers des revenus de la Confédération.

Tout cela vient d’un esprit superstitieux qui nous habite. Plutôt que de décider une fois pour toutes que les citoyens paient des taxes, les Helvètes préfèrent reconduire régulièrement l’impôt. La dernière fois que les contribuables se sont infligé pareille saignée fiscale, c’était en novembre 2004. Remarquez que 26% de la population avait quand même dit non, dont la majorité du canton de Zoug. Quels romantiques, ces Zougois…

On tire la prise…

Bref. Si l’on joue les Neinsager le 4 mars, on tire vraiment la prise. Rien à voir avec cette bagatelle de «No Billag». D’un coup, on liquide les deux tiers des revenus de la Confédération. On rend aux citoyens 50 milliards chaque année. On résout le problème de la RIE III. Sur le ring de la concurrence fiscale, Trump est KO.

Il y a évidemment quelques inconvénients, une certaine idée de la cure d’austérité pour la Confédération. Exit les dépenses pour l’agriculture et la formation. L’Office de l’environnement, les transports publics et l’aide au développement, c’est fini. On pourrait juste se payer une «minarchie»: un Etat qui assure le minimum syndical. Trois pouvoirs, une petite armée et quelques services de base. Les routes, les douanes et la régie fédérale des alcools resteraient autofinancées, on est sauvés.

Les «CF» et les «EP»

Comme toujours, il n’y a pas de plan B. Il faut dire qu’un refus serait un chouïa extrême, à tel point que le parlement a adopté l’objet à l’unanimité. Pourtant, débarrassés de la capacité de nuisance de l’administration fédérale, les 26 cantons prendraient le pouvoir, leur destin bien en main. On supprimerait le «F» des CFF et des EPF, et on recommencerait de zéro. Le vrai reset.

C’est ainsi que la Suisse connaît son petit frisson, tous les quinze ans, ses rêves d’un Grand Soir confédéral, le retour à 1847. Et si l’on ne se jette pas dans le vide en mars, rien n’est perdu: on remet le couvert en 2035. D’ici là, bonne année.

Quel avenir pour la SSR après la redevance?

Hier, l’initiative «No Billag» a été repoussée dans un débat-fleuve, mi-discussion de café du commerce sur l’appartenance politique des journalistes, mi-étalage de lieux communs sur le ciment de la Suisse, Willensnation devenue «télénation».

Le soutien politique symbolise la cohésion de ce pays qu’aurait construite le média de service public. Tous se rangent derrière la SSR et la majorité des téléspectateurs et des cantons repousseront l’initiative, au nom de tout ce qui fait la Suisse.

Un goût d’inachevé

La liquidation de «No Billag» laisse un goût d’inachevé. Jusqu’au-boutiste, l’initiative paraît peu applicable en plus d’être très violente à l’égard du service public. Malgré tout, elle soulève des questions auxquelles il faudra un jour répondre, à moins de laisser le marché s’en occuper seul.

Les générations actives et leurs représentants au Parlement sont encore les enfants de la télévision, les chaînes publiques constituent notre référentiel médiatique. Malgré nous, les bouleversements technologiques démolissent une à une les évidences d’il y a quelques années.

«Digital natives»

Signe de ces changements, les études foisonnent sur le rapport aux médias des «digital natives», cette génération post-téléviseur qui ne fait rien comme la précédente. Sans jeter tout le produit à la poubelle, on ne peut pas ignorer que les nouveaux consommateurs ne regardent pas la télévision – s’ils la regardent – comme ceux d’avant. Et cela ne signifie encore pas que la Suisse va disparaître.

Face aux centaines de chaînes disponibles, aux offres de films et de programmes sportifs à la demande et au développement des médias électroniques, la redevance obligatoire et forfaitaire paraît désuète pour financer durablement le service public. Dans un monde où chaque citoyen consomme les médias d’une manière propre, il est de moins en moins imaginable que les uns imposent aux autres des habitudes toujours moins communes.

Devoir d’anticipation

En rejetant toute discussion sur un autre modèle que le tout à la redevance, le parlement et la SSR manquent à leur devoir d’anticipation. Je crains le moment où une majorité adoptera une loi qui lui dicte la bonne méthode de consommer des informations, du divertissement, du sport. Ce jour-là, il sera malheureusement trop tard pour réagir. Comme l’industrie musicale voulait nous renvoyer chez les disquaires à coups de procédures judiciaires, les élus rêvent encore que la redevance nous maintiendra devant le téléviseur.