Le 1er juin, le peuple suisse sera invité à se prononcer sur énième initiative issue de milieux proches de l’UDC. Elle réclame que notre gouvernement ne prenne plus position dans le cadre des votations. Concrètement, cela signifie la fin de l’implication du Conseil fédéral dans les médias, des discours, des prises de position. Seule la brochure rouge aussi lue que la feuille des avis officielle sera encore autorisée.
Les arguments sont issus pour l’essentiels de mécontents des résultats des votations populaires. Il est pour certains scandaleux que le peuple accorde presque systématiquement sa confiance dans ses élus ; il faut bien donner du grain à moudre au discours démago sur une soi-disant « classe politique ».
Les arguments du comité d’initiative sont effarants. Le Conseil fédéral est vu comme une instance d’exécution et de direction, les initiants lui contestent tout rôle politique. On se souvient d’ailleurs tous de la finesse et de la retenue dont faisait preuve un proche de ces milieux, évincés il y a quelques mois du gouvernement.
Le Conseil fédéral n’est pas qu’un simple organe administratif. Il est un collège élu par nos représentants, il a un rôle politique à jouer. Je n’attends pas de mon gouvernement une mentalité de fonctionnaire, mais plutôt qu’il prenne des options politiques sur l’avenir de la Suisse. Ces décisions doivent pouvoir être défendues devant le peuple, et souvent contre des projets populaires.
L’initiative populaire n’est pas un instrument anodin : il aboutit à la réforme de notre Constitution. Un petit tour d’horizon dans les pays qui nous entourent nous montre que le droit d’éditer le texte fondamental suite à une votation d’impulsion populaire est presque unique. Doit-on pousser le sonderfall jusqu’à faire de nos élus de simples administrateurs ? On pourrait aussi bien remplacer l’exécutif par une équipe de consultant de Ernst & Young. Les droits fondamentaux fonctionnent précisément parce qu’ils confirment en général les choix de notre gouvernement. Ils garantissent la confiance entre le souverain et le gouvernement, cette même confiance que quelques partis cherchent à saper pour remporter les suffrages des mécontents. Imaginons que le gouvernement ne puisse plus réagir face aux projets proposés par tous les milieux, qu’il ne puisse plus faire valoir sa position… Je ne suis pas persuadé qu’un Conseil fédéral désavoué quatre fois l’an par ses citoyens soit d’une efficacité redoutable ; alors qu’on se plaint de la lenteur du système !
Nos élus ont beau être au service du peuple, ils restent des politiciens, pas des administrateurs.
Lorsque le peuple Suisse est amené à se prononcer sur l’avenir des OGM, sur le nucléaire ou sur l’adhésion du pays à l’Espace économique européen, il est particulièrement utile que les seuls politiciens fédéraux à exercer ce métier à plein temps nous fassent profiter de leur expérience.
Le problème qui se pose est un problème de responsabilité. Est-ce que notre Etat est gouverné par sept fonctionnaires dont le seul rôle se borne à appliquer à la lettre les textes proposés par les partis de tous bords ? Non, on peut exiger des élus du gouvernement qu’ils se lèvent et participent activement au débat. Quitte à perdre. Et d’autant plus sur les projets issus de leur rang : l’initiative vise indistinctement les initiatives et les référendums !
L’initiative « Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale » cherche à accentuer le clivage entre un soi-disant « peuple » et sa « classe politique ». Elle n’est pas digne d’un pays qui connaît des siècles de démocratie directe, elle est une insulte à l’intelligence des citoyens, faisant croire que l’opinion est corrompue par une poignée de dirigeants peu scrupuleux, face à quelques organisations pures et idéales. Cette initiative pue et j’espère que les Suisses suivront encore une fois l’opinion avisée de leurs élus.
Laisser un commentaire