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Une fiscalité inique

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Une fiscalité inique

En bon politicien, il faut reconnaître que nos adversaires mènent parfois des combats d’une grande justesse. Ce n’est pas tous les jours que je défend une idée du Parti Socialiste, mais, cette fois-ci, je dois admettre que la gauche a totalement raison de se battre contre la sous enchère fiscale menée en Suisse centrale.

Certes, la concurrence entre cantons est en général une excellente chose, par exemple en matière de promotion économique. Fiscalement, elle est aussi intéressante et permet une régulation des taux d’imposition : grâce à elle, on ne recourt pas systématiquement aux hausses d’impôts pour couvrir le déficit étatique. Mais certains petits cantons ne parviennent pas à développer une économie fondée sur la création de richesse et la compétitivité et préfèrent se contenter de ramasser à la pelle les très riches contribuables des grandes villes voisines, grâce à une mesure fiscale inique, contraire à toutes les valeurs qui font notre pays.

L’impôt dégressif est probablement la mesure fiscale la plus scandaleuse que je connaisse. Celui qui gagne 120’000 francs par ans travaille jusqu’au mois de mai uniquement pour payer ses impôts, celui qui gagne 500’000 sera libéré de ses obligations fiscales en mars. Appliqué dans quelques petits cantons, cette fiscalité est contraire à tous les principes qui font la bonne cohésion sociale et a pour unique but de « piquer » les très riches contribuables des grands cantons.
La Suisse s’est aussi construite sur une idée de partage des richesses et de solidarité entre les régions riches et les régions moins favorisées pour offrir des perspectives de développement à tous. Un canton comme Zurich a des frais de fonctionnement gigantesque, offre des infrastructures aux entreprises novatrices, à la population de toute la Suisse centrale, et contribue d’une manière gigantesque à la péréquation financière qui aide les cantons moins biens munis. Ces dépenses ont des effets : Zurich est une des locomotives économique du pays. Comment pouvons-nous imaginer que cette formule, où Zurich qui porte le poids d’une lourde dette, donne plusieurs centaines de millions de francs par an aux cantons défavorisés, accepte à long terme de voir de petits cantons se contenter de récupérer les gros contribuables zurichois comme seule mesure de développement économique ? Je ne parle pas ici d’incitations fiscales pour essayer d’attirer de nouvelles entreprises, mesures qui seraient bénéfique à tous sur le long terme, mais le calcul est froid et ne va que dans un sens : quand on habite la Goldküste, on peut facilement déménager à 20 minutes de la plus grande ville du pays, voir ses impôts diminuer par deux et néanmoins passer sa vie à Zurich. Les premiers à perdre, facile, c’est la classe moyenne zurichoise qui devra bien voir ses impôts augmenter pour combler le trou causé par le départ de Ospel & Co. La ville perd mais paie, le petit canton gagne sans créer une seul emploi et sans contribuer du tout à la croissance du pays.

Les clowneries de Joseph Zysiadis à Obwald ne doivent pas nous faire oublier qu’une bonne entente entre les cantons est la garantie d’une Suisse qui fonctionne. Des coups bas, en dessous de la ceinture, sont tout le contraire d’un Etat durable et prospère. Le débat avait déjà existé avec les accords fiscaux destiné à déplacer les contribuables dans le pays. Le résultat en a été la loi sur l’harmonisation fiscale qui exclut ces accords avec des ressortissants Suisse. Le système fiscal dégressif n’est pas un système fiscal compétitif, il ne s’agit que d’un moyen de contourner la loi sur l’harmonisation fiscale : ne concernant que les très riches contribuables et négligeant complètement la classe moyenne, ce système n’est en tous cas pas le reflet d’une bonne gestion de l’Etat et des deniers publics. Attirer les contribuables étranger ne nécessite nullement un impôt dégressif : les arrangements fiscaux règlent déjà la question. Si ces cantons veulent être attractifs sur le plan fiscal, qu’ils baissent les impôts, mais ceux de tous, pas seulement ceux des multi millionnaires !
En tant que radical, soucieux de garantir la pérennité des institutions de notre pays et une bonne cohésion nationale, je ne peux que m’opposer à de tels système fiscaux et soutenir l’initiative « pour des impôts équitables ». La Suisse vaut mieux qu’un paradis fiscal.

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