Discours prononcé le 13 mai 2012 au Festival des fanfares radicales démocratiques du Centre, à Riddes, organisé par la fanfare d’Isérables.
Qu’est-ce qui mesure 5.2 millions de kilomètres de long, 6 centimètres de large et 0.1 mm d’épaisseur ? En billets de dix francs alignés, c’est la dette grecque. C’est 14 fois la distance de la terre à la lune.
La dette française, elle, couvre une distance 5 fois plus longue. 70 fois la distance de la terre à la lune. Sans bruit, cette dette s’accroît à une vitesse qui lui interdirait de circuler sur nos autoroutes. Sur l’année écoulée, toujours en additionnant des billets de dix francs, la dette française a grossi encore à une vitesse de 146 kilomètres à l’heure.
Monsieur le Conseiller national,
Monsieur le Conseiller d’Etat,
Madame la vice-présidente du Grand Conseil,
Madame, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs les autorités,
Chers amis musiciennes et musiciens,
Mesdames et Messieurs,
Voilà 36 ans que notre voisin n’a pas bouclé un exercice financier sur un bénéfice. Plus d’un tiers de siècle à perdre de l’argent.
Les socio-démocrates de tous bords ont réussi à tromper leur monde. A laisser croire qu’un Etat ne pouvant faire faillite, ils laissent penser qu’ils ne rencontreront jamais de problèmes financiers. La politique des caisses pleines, pleines de quittances. Seulement voilà, à trop emprunter, on finit par trembler lorsque vos créanciers frappent à la porte.
D’aucun ont affirmé que la crise que nous connaissions était la crise du libéralisme, la fin d’un modèle. C’est faux, c’est un mensonge. La crise que nous connaissons est celle des fausses promesses de la social-démocratie. La crise de l’idée que nous pouvons offrir des retraites à 55 ans sans jamais les payer. La crise de ceux qui oublient que les collectivités aussi ont une colonne passive dans leur bilan.
Gargarisés par le rejet de l’affreux monde de la finance qui, soi dit en passant, a jusqu’ici garanti les politiques dispendieuses des Etats, un nombre grandissant d’européens choisissent sans aucun courage de dire NON à l’austérité. C’est bien connu, quand on dépense plus que l’on ne gagne, il ne sert à rien de chercher à faire des économies.
Hier il y avait les banques, demain il y aura la planche à billet. Peu importe l’Histoire, peu importe l’inflation, peu importe le chômage, rien n’est assez beau pour satisfaire les promesses inaccessibles de politiciens en mal d’élection.
Les Français, les Grecs et la plupart européens n’ont pas gagné leur niveau de vie. Ils l’ont emprunté. Et plutôt que de choisir la rigueur pour contredire leurs mauvaises habitudes, ils préfèrent s’enfoncer encore. Derrière leurs pactes de croissance, il n’y a que la volonté de charger un peu plus la barque, quitte à couler le navire.
Et nous dans tout ça ? Nous avons fait l’inverse. Alors que nos partenaires financiers s’endettaient et s’endettaient, nos ministres des finances fédéraux et cantonaux ont tenu le cap, au point que notre endettement a diminué drastiquement ces dix dernières années. Merz, Villiger : autre chose que des capitaines de pédalo. Nous avons rejeté le miroir aux alouettes, avec le frein à l’endettement, et, la dernière fois, en refusant six semaines de vacances, chose que nos voisins français seraient bien incapables de comprendre.
Et pourtant, nous, Suisses, Valaisans, sommes menacés directement par la folie dépensière de nos voisins. Si, demain, les économies européennes sont à terre, nous serons les premiers à en souffrir, à commencer par la force de notre monnaie et notre dépendance commerciale.
Nous nous sommes montrés jusqu’ici conciliant. Nous, Suisses, n’avons pas joué la carte solitaire, mais solidaire. Nous avons accepté de nombreuses concessions. Des milliards prêtés au FMI à l’abandon du secret bancaire, la Suisse a joué, à son échelle, le pompier de service.
Mais, à un moment qui est peut-être arrivé, il est temps pour nous aussi de dire « ça suffit ». Nous ne pouvons accepter de revenir sur des valeurs qui sont ancrée dans notre histoire et notre tradition, comme la distinction entre fraude et évasion fiscale, si nos voisins ne font aucun effort. Nous ne saurons injecter encore des milliards de francs de nos impôts dans le Fonds monétaire international si ce n’est que dans le but d’augmenter encore un peu le poids d’Etats tentaculaires.
Par le jeu de la mondialisation, il est vrai que notre destin n’est pas entièrement dans nos mains. Nous n’avons toutefois pas perdu notre souveraineté, notre droit de refuser le dictat imposé par une poignée de dirigeants qui s’imaginent déjà puiser dans nos ressources pour assouvir leurs soifs incommensurables de dépenses.
Nous devons le faire pour la Suisse, pour les Suisses et pour notre avenir. Bonne fête maman !
Catégorie : Autres
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Crise de la dette européenne, crise pour la Suisse
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Les médicaments brevetés doivent aussi pouvoir être importés !
Lors du débat de 2008 sur les importations parallèles, les Chambres fédérales ont suivi un compromis démocrate-chrétien, contre l’avis du PLR, pour instaurer une exception en faveur des médicaments brevetés. Selon les partisans de cette solution, l’industrie pharmaceutique suisse avait besoin de cette dérogation pour garantir une présence forte en Suisse dans le domaine de la recherche et le maintien de postes de travail qualifiés. Le temps a donné tort aux opposants du libre-échange.
Les médicaments en Suisse coûtent cher, trop cher. Plusieurs études montrent que les assurés paient des prix surfaits pour des produits bon marché à l’étranger, augmentant ainsi les coûts de la santé. Les importations parallèles demandées par le PLR devaient permettre une baisse des tarifs des médicaments et ainsi une diminution des primes de l’assurance obligatoire des soins.
Lors des débats sur le sujet, une fronde menée par le PDC a obtenu l’exclusion des médicaments brevetés des importations parallèles. Selon les partisans de l’exception, l’industrie pharmaceutique pouvait, grâce aux prix pratiqués en Suisse, garantir la présence de centres de recherche importants et le maintien d’emplois à haute valeur ajoutée.
Ces derniers mois, la menace de fermeture du site de Novartis à Prangins (VD) et l’annonce hier de la fin des activités de Merck Serono à Genève montrent cruellement l’ineptie des théories des adversaires du libre-échange. Non seulement les Suisses ont payé durant des années des médicaments à un prix totalement surfait, mais, de surcroît, cela n’a nullement empêché les géants de la pharmaceutique d’organiser leurs activités sans tenir compte des intérêts de la Suisse.
Fidèles aux idées libérales-radicales, les jlrs invitent les autorités fédérales à revenir sur leur décision et à abolir en urgence l’exception aux importations parallèles pour les médicaments brevetés. Cette pratique n’apporte strictement rien à l’emploi en Suisse, alors qu’elle implique des hausses continues des coûts de la santé. Le comité des jlrs est actuellement en discussion avec ses élus fédéraux pour déposer une intervention parlementaire dans ce sens lors de la session de juin 2012. -
Prix unique du livre : vive les cartels !
La loi sur la réglementation du prix du livre (LPL) sera soumise en votation populaire le 11 mars prochain. Le PLR, l’UDC, le PBD, les Vert’libéraux et une grande partie du PDC recommandent le NON à un projet mal conçu et qui risque de créer un dangereux précédent.
La distribution du livre souffre, comme bien d’autres domaines, de cartels verticaux. Une poignée d’importateurs, presque tous propriétés d’éditeurs étrangers, disposent de l’exclusivité de la distribution des ouvrages en Suisse et asphyxient le marché suisse avec des prix scandaleusement élevés, cela depuis des années. Le groupe Lagardère est sans aucun doute la firme la plus puissante puisqu’elle détient Hachette (éditeur), l’Office du livre de Fribourg et Diffulivre (distributeurs et diffuseurs) et même Payot et Naville (détaillant).
Que prévoit la LPL ? De donner aux importateurs le droit de fixer non seulement le prix d’achat des livres, mais désormais aussi le prix de vente final, appliqué à toute commercialisation en Suisse. Finis les achats bon marché sur Internet, terminés les rabais étudiants ! Les importations parallèles, possibles notamment grâce à Amazon, permettent aujourd’hui de mettre un peu de pression sur ce cartel d’importateurs et d’acquérir des ouvrages à un prix correct. Avec la loi, ce sera terminé. La Suisse pourra à nouveau devenir le paradis des sociétés étrangères avides de profiter du fameux pouvoir d’achat helvète.
Pour mieux faire passer la pilule, les partisans de la réforme affirment qu’en fixant un prix équivalent partout, les petites librairies indépendantes pourront enfin bénéficier de conditions équitables pour se battre face à la concurrence des grandes enseignes. En d’autres termes, à prix égal, les consommateurs reviendront naturellement auprès des petits commerces locaux.
Rien n’est plus faux. Là où le prix unique du livre est appliqué, le commerce de détail se meurt face à l’obligation de vendre des produits à des tarifs compressés sans jamais avoir la possibilité de les adapter. En France, à prix parfaitement égal, la part de marché des librairies indépendantes a perdu près du tiers de sa valeur en quinze ans. On y prévoit qu’environ 1’000 petits commerces sur les 2’500 qu’en connaît notre voisin, vont disparaître dans les cinq prochaines années.
Voilà plusieurs années que la COMCO mène une enquête contre ce quarteron d’importateurs et s’apprêtait à frapper un grand coup (comme en Suisse alémanique en 2007). Comme par hasard, des importateurs au demeurant peu favorables à l’intervention de l’Etat, soutiennent aujourd’hui cette loi d’un autre âge : forcément, la COMCO ne saurait intervenir contre un cartel consacré par la loi. Au passage, ils se débarrasseraient de la concurrence sur les prix d’Internet.
Vincent Martenet l’a affirmé à « Forum » du 19 février 2011 : en cas de NON, la COMCO sera dans les starting blocks pour agir enfin contre des sociétés qui ont trop longtemps profité de leur position dominante pour encaisser une dîme auprès des lecteurs suisses.
Ce qui se passe pour le livre est d’ailleurs tout à fait comparable à ce que nous connaissons dans d’autres domaines d’importation et la LPL pourrait bien donner de mauvaises idées à certains. Pour lutter contre un cartel, assurer des prix corrects et ne pas couler les petites librairies, les référendaires vous invitent à glisser un NON sec et sonnant dans l’urne.
Publié dans le journal de l’USAM -
Un NON au prix unique du livre, c’est un NON au statu quo
Communiqué de presse du 3 mars 2012
Le prix unique du livre vise à ancrer dans la loi la rente de situation de quelques cartels verticaux. Alors que les récents développements technologiques et les déclarations de la COMCO laissent apparaître une forme d’ouverture pour les lecteurs et les librairies indépendantes, l’acceptation du prix unique figerait durablement une situation que tout le monde critique. En réalité, adopter le prix unique reviendrait à pérenniser le statu quo.
Partisans et opposants à la LPL sont unanimes : la situation actuelle du marché du livre n’est pas tenable. Une poignée d’importateurs contrôlent actuellement la distribution d’ouvrages en Suisse romande et imposent une politique tarifaire inadmissible, tant pour le lecteur que pour le détaillant.
Depuis quelques années, une concurrence nouvelle est apparue : les achats en-ligne, notamment via Amazon. La pression exercée par ces importations directes a poussé l’année passée les diffuseurs à adapter légèrement leurs tarifs à la baisse face à la cherté du franc suisse. Parallèlement, la Commission fédérale de la concurrence (COMCO) a ouvert une enquête contre les pratiques cartellaires des distributeurs, tous en mains étrangères.
Interrogé sur la RSR le 19 février 2012, Vincent Martenet, président de la COMCO, a affirmé qu’en cas de NON, l’autorité se trouverait dans les « starting-blocks » pour agir contre les pratiques abusives des importateurs. A long terme, la pression d’Amazon et des quelques librairies qui contournent le système de cartel mis en place permettra de créer enfin une vraie concurrence dans le secteur du livre, pour le plus grand bien des libraires indépendants et des lecteurs.
Contrairement aux affirmations erronées des partisans de la LPL, la COMCO ne pourrait agir contre le cartel des importateurs en cas de oui. La Commission ne peut en effet, en application de la Loi sur les cartels, n’agir que contre les accords illicites. Accepter le prix unique revient indéniablement à légitimer les pratiques actuelles et exclure l’action de l’autorité de la concurrence. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que la quasi-totalité des importateurs s’engagent en faveur de la loi.
Dire oui à la LPL, c’est renforcer le statu quo en bétonnant un quarteron d’importateurs abuseurs. Au contraire, dire NON à la LPL, c’est rejeter une situation de monopole et inviter la COMCO à agir enfin pour un marché libre, en faveur des libraires, des lecteurs et de la culture. -
Résidences secondaires: lettre à mes Confédérés
Mes Chers Confédérés,
Le 11 mars 2012, nous voterons une initiative populaire exigeant que la part communale de résidences secondaires ne dépasse pas 20% de la totalité des logements.
Pour nous, Valaisans, le tourisme ne constitue pas qu’un loisir, mais une véritable industrie. La branche assure directement le tiers de nos emplois. Malgré plusieurs tentatives, nous avons constaté que le « tourisme doux » ne constituait pas une solution miracle pour faire vivre des vallées entières. Le tourisme a besoin d’infrastructures, de logements et, aussi, d’une clientèle de propriétaires de résidences secondaires.
Contrairement à l’image véhiculée par la propagande nous dépeignant comme de bons crétins bourrus à mulette, nous n’avons pas attendu Franz Weber pour comprendre la nécessité de disposer de lits « chauds », à savoir des logements occupés un maximum en saison. Nous mettons en place d’importantes mesures en la matière, comme le montrent les exemples des quotas instaurés à Crans-Montana, à Anzère ou encore à Champéry. Notre Conseil d’Etat, particulièrement concerné, intervient régulièrement pour éviter le mitage du territoire et de nouvelles règles sont déjà en cours d’élaboration.
Oui, comme les Grisons et l’Oberland, nous vivons du tourisme. Est-ce condamnable ? Pourquoi construire quatre résidences principales pour une secondaire dans des villages de quelques centaines d’habitants qui accueillent des milliers de clients en haute saison ? On n’impose pourtant pas à Novartis de n’exporter que 20% de sa production. Sauf à considérer que nos villages de montagne doivent rester des lieux sans débouchés économiques pour leurs habitants, on ne peut imposer de telles cautèles à une branche qui souffre déjà beaucoup d’un franc fort et d’une concurrence étrangère toujours moins limitée dans son développement.
Avec son initiative, Franz Weber nous monte les uns contre les autres. Not in my backyard : certains aimeraient que l’on freine la prolifération de la construction mais, tant qu’à faire, autant l’imposer à quelques cantons minoritaires. Les zones villas mitent pourtant davantage le territoire que quelques chalets au centre de Verbier, mais on n’en parle pas.
Nos milieux touristiques n’ont pas toujours tout fait juste, c’est vrai. Mais qui peut se targuer de n’avoir jamais commis d’erreur ? Aujourd’hui, nos communes d’altitude ont saisi l’ampleur du problème et prennent de vraies mesures pour limiter l’augmentation des résidences secondaires, tout en assurant la pérennité de l’économie. Si demain une telle initiative devait passer, c’est la cohésion nationale qui serait menacée, en ne permettant pas à chacun de disposer des mêmes chances de développement économique.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à rejeter un projet qui veut faire porter à quelques uns la conscience environnementale de tous et je vous prie de recevoir, Mes Chers Confédérés, mes plus cordiales salutations.Philippe Nantermod
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Pour survivre, la librairie doit se réinventer
La loi sur le prix unique du livre soumise à votation le 11 mars prochain, devrait, selon ses partisans, permettre aux petites librairies de faire face à la concurrence des grandes, des supermarchés et du commerce électronique.
Leur argument est à priori convaincant : en proposant des prix « cassés » de l’ordre de – 20%, les grandes surfaces siphonneraient la clientèle des indépendants. En établissant une égalité des tarifs, les clients des grands commerces retourneraient ainsi naturellement vers les petites librairies dont le service est forcément meilleur.
Il n’en est rien. Si ce raisonnement tenait, les petites librairies devraient voir leur part de marché augmenter là où le prix est unique, c’est à dire identique dans tous les points de vente. Or, en France, la part de marché des librairies s’établissait à 33.2% en 1994 pour reculer à 24.4% en 2007. Durant la même période, les grandes surfaces (type Leclerc) et les grandes surfaces spécialisées (type FNAC) ont vu leur part de marché cumulée passer de 25% à 42.6%. Ajoutons à cela l’arrivée d’Internet (7.9% en 2007) et on constate que, malgré des prix strictement égaux, le client préfère le monde « froid » de la grande distribution à celui sympathique et pittoresque de la librairie de quartier[1].
Aussi surprenant que soit ce constat puisse paraitre, il s’explique notamment par une modification profonde des habitudes des consommateurs. Les partisans de la LPL affirment que ce que la petite librairie offre en plus, c’est le service. Que grâce à elle, la concurrence ne s’exercera plus sous l’angle du prix, mais sous celui de la qualité du service : l’intimité du libraire, le conseil, le climat chaleureux ou le contact humain. Le service de la grande distribution est nié, voire méprisé. Cette approche est manifestement fausse. La grande distribution offre en réalité un type de service qui plaît de plus en plus.
Je ne cherche pas ici à porter un jugement de valeur sur ces services. Je n’ai ni les compétences, ni l’autorité pour distinguer ce qui est culturellement bon de ce qui ne l’est pas. Je cherche simplement à comprendre pourquoi le prix unique ne renforce pas la librairie.
Contrairement à une idée reçue, l’anonymat des grands magasins constitue pour beaucoup un vrai plus : l’achat d’un livre est considéré comme un acte éminemment individuel. L’absence de contact humain éloigne le regard approbateur ou désapprobateur du vendeur. Le client n’a aucune gêne à passer à la FNAC sans ne rien acheter, le vendeur du supermarché ne juge pas à vos goûts. Dans une grande librairie ou une grande surface, le lecteur n’est emprunté ni à l’idée de payer CHF 20.- avec une carte de crédit, ni à ramener un ouvrage qui ne lui plaît finalement pas.
Le stock est un immense atout des grandes librairies face aux petites. Les consommateurs ont acquis une habitude de disposer immédiatement de tout, tout de suite. Les fameux « nous n’avons pas en stock, mais nous pouvons commander » représente à mes yeux un vrai obstacle à la consommation. Grâce à Internet, je peux aussi commander un livre, sans avoir à repasser par le petit commerce. Le temps gagné, je le passe à lire.
La diversité des produits culturels proposés constitue encore une force importante de la grande distribution. Lors d’un passage à la FNAC, j’acquiers à la fois un film, un billet de concert, un jeu vidéo et un livre. Même si cette approche donne l’image d’un fourre-tout culturel sans intérêt, le client s’y retrouve et s’y est habitué.
On peut encore citer les avantages géographiques (places de parc), la standardisation de la présentation des produits, la livraison gratuite à domicile ou la fidélisation du client par des actions marketing fortes.
Comment le lecteur choisit son livre ? Un sondage Ipsos/Livre-Hebdo de novembre 2005 a montré que 59% des lecteurs ne savent pas ce qu’ils vont acheter en entrant dans un point de vente. Leur choix se fait grâce à la couverture et au résumé pour 45% des lecteurs alors que le conseil du libraire n’est déterminant que dans 13% des cas[2]. Finalement, l’expertise présentée comme l’argument tueur de l’indépendant n’est pas aussi fort qu’il peut paraître de prime abord.
Ces éléments permettent d’expliquer en partie pourquoi à prix égal, le consommateur français préfère toujours plus les grandes surfaces aux petites librairies indépendantes. Le dumping sur les prix n’y existant plus, force est de constater que les habitudes de consommation ont fondamentalement changé. Vu les expériences étrangères, la librairie doit se réinventer si elle veut survivre, le nivellement des prix ne lui permettra a priori pas de récupérer ses clients perdus. Dans le pire des cas, la LPL empêchera même libraire de monétiser la valeur de son service offert à une clientèle particulière : un livre à CHF 20.-, c’est un livre à CHF 20.-, pas plus. Avec le prix unique, que vous l’ayez acheté à la Migros entre deux boîtes de petits poids ou auprès d’un libraire qui vous a consacré trente minutes de conseil n’y changera rien.
On peut considérer ce constat malheureux. On peut critiquer ces habitudes, regretter le client d’antan. N’en demeure pas moins que le libraire doit vendre des livres au lecteur de 2012, pas à celui de 1970.
L’approche du problème par les partisans de la LPL me fait singulièrement penser à celle des acteurs de la musique au début des années 2000. Persuadés que le client ne cherchait sur Internet qu’à acquérir de la musique gratuitement, ils ont tenté par un arsenal législatif et judiciaire de démolir le partage de fichiers, convaincu que les internautes finiraient bien par retourner chez leur disquaire. Il s’est avéré avec le temps que les consommateurs étaient prêts à payer pour disposer de contenu, d’où les succès d’iTunes et de Spotify. Même le cas Megaupload montre l’abîme qui existe entre les attentes du producteur de contenu et celles du consommateur : des clients du monde entier ont déboursé des centaines de millions de francs pour disposer d’un service de mauvaise qualité, souvent incomplet et fourni par une société à moitié mafieuse.
Au risque de vivre le psychodrame de Napster et de Megaupload sous une forme différente, les éditeurs, diffuseurs, distributeurs et libraires feraient bien de comprendre que le monde a changé et de s’y adapter avant qu’il n’en soit trop tard.
[1] Rapport Gaymard, Annexe 5, Notes Statistiques, 2008, p. 8
[2] http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2011/11/18/la-fin-de-la-librairie-2e-partie-pourquoi-nous-sommes-nous-detournes-des-librairies/ -
Livre, la guerre des prix ? C'est faux !
Les partisans du prix unique du livre affirment que la nouvelle régulation permettra aux petits libraires de survivre face à la menace des grandes surfaces. A les suivre, Ex Libris (Migros) et compagnie proposeraient des bestsellers à prix cassés pour attirer le client sans lui proposer une offre conséquente, et donc tuer la diversité culturelle. Naturellement, les libraires indépendants seraient incapables de s’aligner sur les prix des géants et souffriraient d’une concurrence déloyale axée uniquement sur quelques ouvrages à prix cassés.
Il est facile de comprendre le mécanisme qui ferait mourir les petits commerces. On peut lire sur le site internet des partisans, que « des dizaines de librairies indépendantes ont dû fermer leur porte, devant l’impossibilité de faire face à quelques grandes chaînes cassant les prix des bestsellers » (Mathias Reynard) et évoquer le « le mammouth du discount des best-sellers Ex Libris » (Jean Zermatten). Lors des différents débats auxquels j’ai eu l’occasion de m’exprimer, j’ai entendu à plusieurs reprises que le prix unique permettrait enfin aux petits d’offrir des bestsellers aux mêmes conditions que les grandes surfaces.
Bref, tout le monde répète que Migros casse les prix, mais quelqu’un a-t-il vérifié ? Je me suis pris au jeu. Sur le site d’Ex Libris, la librairie du géant orange, on trouve deux livres « nouveautés » en une et, sur la page « livres », on découvre les huit meilleures ventes. Il s’agit là des fameux bestsellers sur lesquels les gros pratiquent des prix de discounters pour tuer les indépendants. J’ai ainsi comparé les prix de ces dix ouvrages avec ceux de Payot et de la librairie La Fontaine, dont la directrice m’a fait l’honneur d’un Face à Face dans le Matin du 25 janvier. Voici les résultats.Livre Ex Libris Payot Librairie la Fontaine Différence Une bonne raison de se tuer, Philippe Besson CHF 34.90 CHF 35.60 CHF 35.60 -CHF 0.70 Brigitte Bardot, plein la vue, Marie-Dominique Lelièvre CHF 34.90 CHF 35.00 CHF 35.00 -CHF 0.10 Betty, Arnaldur Indriadson CHF 28.90 CHF 28.80 CHF 28.80 CHF 0.10 La femme au mirroir, Eric-Emmanuel Schmitt CHF 38.90 CHF 39.30 CHF 39.30 -CHF 0.40 Remède Mortel, Harlan Coben CHF 34.90 CHF 35.00 CHF 35.00 -CHF 0.10 Le Turquetto, Metin Arditi CHF 30.90 CHF 31.40 CHF 31.40 -CHF 0.50 Le ravissement de Britney Spears, Jean Rolin CHF 28.90 CHF 28.70 CHF 28.70 CHF 0.20 Avant d’aller dormir, Seve J. Watson CHF 37.90 CHF 38.30 CHF 38.30 -CHF 0.40 Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, Jonas Jonasson CHF 37.90 CHF 38.30 CHF 38.30 -CHF 0.40 Désolations, David Vann CHF 37.90 CHF 38.00 CHF 38.00 -CHF 0.10 Total CHF 346.00 CHF 348.40 CHF 348.40 -CHF 2.40 On constate donc qu’il n’y a quasiment pas de discount. Parmi ces bestsellers, deux sont plus avantageux auprès du petit libraire. Si j’achetais les dix ouvrages, je ferais une économie totale de 2 francs 40 sur 346 francs en achetant à la Migros plutôt que chez mon libraire de quartier. Quel discount ! En moyenne, la grande surface est meilleure marché de 24 centimes, soit 0.7%, alors que la nouvelle loi permettrait des rabais jusqu’à 5%. A Noël 2011, je m’étais prêté au même jeu avec la regrettée librairie les Yeux Fertiles et j’étais arrivé aux mêmes résultats.
Qu’en conclure ? En Suisse romande, il n’y a pas de guerre des prix entre les indépendants, les grandes librairies et les grandes surfaces. Le prix unique du livre vise à uniformiser le prix de vente final des ouvrages entre les détaillants. Chez nous, on vit déjà une situation proche du prix unique du livre, avec les surcoûts que l’on connaît. Accepter la LPL, c’est renforcer une situation qui péjore déjà les lecteurs. Encore une bonne raison de dire NON le 11 mars 2012.
Sources (état au 27 janvier 2012):
Ex Libris: www.exlibris.ch
Payot: www.payot.ch
Librairies La Fontaine: www.lelivre.ch
Dans le tableau, la colonne « différence » correspond au prix Ex Libris moins le prix La Fontaine. -
Non au prix unique le 11 mars 2012
Les jeunes libéraux-radicaux suisses ont lancé le référendum contre le prix unique du livre qui sera soumis en votation le 11 mars 2012.
Par ce référendum, nous nous engageons contre une loi dépassée avant d’entrer en vigueur, néfaste pour le lecteurs, les libraires et les auteurs. Les grands gagnants de la loi seront les importateurs qui bénéficient déjà d’une situation de monopole.
Pour de plus amples informations:
– Tous mes articles concernant le prix unique du livre.
– Le site internet des opposants au prix unique du livre
– La loi qui sera soumise à votation
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Stop au diktat des importateurs : Payot ouvre la voie
Communiqué de presse du 16 décembre 2011
Les importateurs de livres usent et abusent de leur position dominante en Suisse. Par sa décision de s’approvisionner directement auprès des éditeurs étrangers en contournant le réseau de diffusion, Payot montre la voie pour soutenir à la fois les libraires suisses et les consommateurs.
Les libraires suisses souffrent de la mainmise d’une poignée d’importateurs qui font la pluie et le beau temps sur le marché du livre. Le prix d’achat pratiqué en Suisse met en péril le petit commerce et réduit, ainsi, le tissu de librairies dont le rôle dans la diversité culturelle n’est plus à démontrer.
Payot a décidé de mettre une vraie pression sur ces importateurs, en les contournant simplement par le mécanisme des importations parallèles. Ainsi, son prix d’achat sera enfin juste, et le prix de vente au consommateur pourra baisser, ce sans mettre en danger la marge nécessaire à la survie du détaillant.
Pour résoudre le problème du livre, il est aujourd’hui clair que les petits libraires doivent s’unir pour augmenter encore la pression sur les importateurs cartellisés. D’autre part, la COMCO doit prendre ses responsabilités et dégeler son enquête sur le livre. Ce cartel des importateurs doit disparaître au plus vite !
Cette solution privée et concurrentielle rend totalement inutile la loi sur le prix réglementé du livre, pour ne pas dire contreproductive. L’article 4 de la loi prévoit que « L’importateur ou l’éditeur détermine le prix de vente final des livres qu’il a édités ou importés ». Si le peuple devait adopter ce texte, les consommateurs ne pourraient ainsi plus bénéficier de la baisse des prix annoncée par Payot et le cartel des importateurs serait cimenté pour de bon dans la loi.
Pour le livre, pour les consommateurs, pour la culture et pour les libraires, il est essentiel de rejeter une loi obsolète avant même son passage en votation populaire. -
L’élection du Conseil fédéral, ce cirque infernal
Il y a quelques jours, le Matin s’indignait des propos de la Conseillère nationale Gaby Huber qui affirmait que l’élection du Conseil fédéral s’appuyait avant tout sur la force des partis, la compétence étant une question accessoire. Certes, dite ainsi, la chose peut paraître de prime abord abrupte, mais relève du principe même de démocratie.
Gaby Huber a raison. La compétence prime lorsqu’on élit un Chef de Service ou un fonctionnaire, elle est secondaire lorsqu’il s’agit d’élire un ministre. Le nier revient à renoncer aux fondements de la démocratie représentative. D’ailleurs, il est certain que les dirigeant arabes « dégagés » cette année s’estimaient tous très compétents, la démocratie n’en a pourtant pas tenu compte.
Cette notion subjective de compétence a une valeur qui varie au gré des mois. Ceux qui, la bouche en cœur, tressent aujourd’hui des lauriers à EWS, éjectaient il y a une année la candidate PLR la plus compétente afin de placer mon parti dans une situation inconfortable à la veille des élections.
La réélection du Conseil fédéral devient un cirque insupportable. Jusqu’ici, une formule magique accordait aux trois premiers partis deux sièges et un à la quatrième force politique. Cette solution, sans être parfaite, a au moins le mérite de la clarté et d’une certaine légitimité démocratique. Maintenir le siège d’EWS et laisser un siège PLR à l’UDC aboutirait indéniablement à un gouvernement incohérent. Comment justifierait-on alors que le PBD profite d’une place à l’exécutif alors que les Verts, pourtant plus forts, resteraient sur la touche ?
Le Parlement peut décider de sortir de la formule magique, et désigner un gouvernement de coalition. De gauche, du centre, de droite, peu importe, ce serait un choix assumé par les parlementaires, créant ainsi une dualité majorité – opposition que la Suisse n’a plus connue depuis des décennies. Je ne sais pas si l’efficacité gouvernementale en sortirait gagnante, mais cela correspondrait à une certaine interprétation du choix populaire.
Actuellement, de nombreux parlementaires, peut-être une majorité, considèrent l’élection du Conseil fédéral comme sept désignations indépendantes l’une de l’autre. Le choix de tel ou tel ne dépend pas de la cohérence du groupe ou de la volonté populaire, mais de la possibilité de placer le ou les siens à la fonction suprême. Il en ressortira un gouvernement décousu, sans aucune assise parlementaire ou légitimité populaire.
Je crois sincèrement que la solution viendra d’une élection du Conseil fédéral par le peuple. Les scrutins cantonaux ont déjà montré qu’il était possible d’élire un gouvernement au suffrage universel et de bénéficier par la même occasion d’un vrai débat de fond. Entre une grande discussion nationale sur des thèmes et des personnes et l’épicerie parlementaire actuelle, mon choix est fait.
Publié dans le Confédéré du 11 novembre 2011