Skip to content

Prix unique du livre : vive les cartels !

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Prix unique du livre : vive les cartels !

La loi sur la réglementation du prix du livre (LPL) sera soumise en votation populaire le 11 mars prochain. Le PLR, l’UDC, le PBD, les Vert’libéraux et une grande partie du PDC recommandent le NON à un projet mal conçu et qui risque de créer un dangereux précédent.
La distribution du livre souffre, comme bien d’autres domaines, de cartels verticaux. Une poignée d’importateurs, presque tous propriétés d’éditeurs étrangers, disposent de l’exclusivité de la distribution des ouvrages en Suisse et asphyxient le marché suisse avec des prix scandaleusement élevés, cela depuis des années. Le groupe Lagardère est sans aucun doute la firme la plus puissante puisqu’elle détient Hachette (éditeur), l’Office du livre de Fribourg et Diffulivre (distributeurs et diffuseurs) et même Payot et Naville (détaillant).
Que prévoit la LPL ? De donner aux importateurs le droit de fixer non seulement le prix d’achat des livres, mais désormais aussi le prix de vente final, appliqué à toute commercialisation en Suisse. Finis les achats bon marché sur Internet, terminés les rabais étudiants ! Les importations parallèles, possibles notamment grâce à Amazon, permettent aujourd’hui de mettre un peu de pression sur ce cartel d’importateurs et d’acquérir des ouvrages à un prix correct. Avec la loi, ce sera terminé. La Suisse pourra à nouveau devenir le paradis des sociétés étrangères avides de profiter du fameux pouvoir d’achat helvète.
Pour mieux faire passer la pilule, les partisans de la réforme affirment qu’en fixant un prix équivalent partout, les petites librairies indépendantes pourront enfin bénéficier de conditions équitables pour se battre face à la concurrence des grandes enseignes. En d’autres termes, à prix égal, les consommateurs reviendront naturellement auprès des petits commerces locaux.
Rien n’est plus faux. Là où le prix unique du livre est appliqué, le commerce de détail se meurt face à l’obligation de vendre des produits à des tarifs compressés sans jamais avoir la possibilité de les adapter. En France, à prix parfaitement égal, la part de marché des librairies indépendantes a perdu près du tiers de sa valeur en quinze ans. On y prévoit qu’environ 1’000 petits commerces sur les 2’500 qu’en connaît notre voisin, vont disparaître dans les cinq prochaines années.
Voilà plusieurs années que la COMCO mène une enquête contre ce quarteron d’importateurs et s’apprêtait à frapper un grand coup (comme en Suisse alémanique en 2007). Comme par hasard, des importateurs au demeurant peu favorables à l’intervention de l’Etat, soutiennent aujourd’hui cette loi d’un autre âge : forcément, la COMCO ne saurait intervenir contre un cartel consacré par la loi. Au passage, ils se débarrasseraient de la concurrence sur les prix d’Internet.
Vincent Martenet l’a affirmé à « Forum » du 19 février 2011 : en cas de NON, la COMCO sera dans les starting blocks pour agir enfin contre des sociétés qui ont trop longtemps profité de leur position dominante pour encaisser une dîme auprès des lecteurs suisses.
Ce qui se passe pour le livre est d’ailleurs tout à fait comparable à ce que nous connaissons dans d’autres domaines d’importation et la LPL pourrait bien donner de mauvaises idées à certains. Pour lutter contre un cartel, assurer des prix corrects et ne pas couler les petites librairies, les référendaires vous invitent à glisser un NON sec et sonnant dans l’urne.
Publié dans le journal de l’USAM

Commentaires

No comment yet, add your voice below!


Add a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *