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Don d’organe : le devoir de choisir

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Don d’organe : le devoir de choisir

A l’heure où j’écris ces lignes, en Suisse, plus de 1000 personnes attendent un cœur, un poumon, un foie, un rein. En 2009, 67 personnes sont mortes dans notre pays faute d’avoir pu bénéficier d’une transplantation. La Suisse est le deuxième plus mauvais élève en la matière. Des familles entières sont dans l’attente insupportable d’une bonne nouvelle qui, malheureusement, ne vient que trop rarement. La pénurie d’organes disponibles provoque dans le monde un des trafics les plus ignobles qui existe et donne encore une occasion à certains de nos semblables de rabaisser un peu plus la dignité humaine.
C’est pourtant facile d’être donneur. Prendre une carte. Pourtant, par paresse, par manque de temps, par oubli, nombreux sont ceux qui n’ont pas encore franchi le pas alors qu’ils ne s’y opposent pas. Chacun est libre de disposer de son corps, c’est un fait. Chacun a le droit d’être donneur ou de ne pas l’être. Mais s’il n’existe heureusement pas de devoir de donner, face à la pénurie, il y a un devoir de choisir : on est donneur ou on ne l’est pas. Si je peux concevoir que l’on puisse être réticent à faire don de ses propres organes, j’ai plus de peine à imaginer que l’on puisse être réticent à choisir.
Les moyens politiques existent pourtant pour augmenter sensiblement le nombre de donneurs. On pourrait, par exemple, inscrire sur les permis de conduire la volonté de son titulaire. En poussant la réflexion plus loin, le Conseiller national Felix Gutzwiller propose une idée plus radicale: le consentement implicite. Plutôt que de disposer d’une carte de donneur, ceux qui ne veulent pas laisser prélever leurs organes devraient signer une carte de non-donneur. Cette proposition, aussi simple que le système actuel aurait l’immense avantage de sauver un maximum de vies. Personne ne serait forcé de participer à la survie de pères et mères de famille, il suffirait de faire connaître sa volonté d’y échapper. A contrario, celui qui ne s’y oppose pas serait réputé accepter. Je ne doute pas que cette proposition choque plus d’un, mais je suis persuadé que les mêmes qui s’offusquent pourraient changer d’avis s’ils devaient compter aujourd’hui sur un don.
En attendant une percée politique, à quelques jours de Noël, toute personne qui ne s’y oppose pas peut se faire à lui-même et à toute la société un cadeau aussi gratuit qu’utile: prendre une carte de donneur. Un cadeau qui fera peut-être, dans des circonstances malheureuses, le bonheur d’une famille en attente d’un organe. Et qui sait, cette famille pourrait être celle de chacun d’entre nous.
Publié dans le Nouvelliste, le 9 décembre 2010

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