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La LRTV, ou pourquoi je ne crois pas à la magie

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

La LRTV, ou pourquoi je ne crois pas à la magie

A suivre les partisans de la nouvelle LRTV, on pourrait croire à une révision magique : elle permettrait de baisser la redevance, d’augmenter les moyens des radios et TV régionales, de diminuer les charges de presque toutes les entreprises, d’améliorer la formation, de mieux lutter contre les tricheurs, tout en maintenant les moyens actuels de la SSR.
Bon sang, mais pourquoi avoir tant attendu pour adopter cette loi ? Une loi si magique qu’elle permet de payer moins d’un côté, pour avoir plus à la fin ! C’est la multiplication des pains…
Allons-nous payer moins ?
La facture de Billag diminuera de 60 francs, c’est vrai. Mais cela signifie-t-il que nous paierons moins ?
Principalement, la différence sera prise en charge à hauteur de 200 millions de francs par les entreprises. Or, il est absurde de croire que ce que paient les entreprises, nous ne le payons pas. Nous le payons, mais sans toujours nous en rendre compte. Quand une entreprise voit ses charges augmenter, on les retrouve dans les prix, dans les salaires, ou dans les dividendes. D’une manière ou d’une autre, ce sont les mêmes ménages, en bout de chaîne, qui paieront.
Alors nous aurons peut-être l’impression de payer moins, mais cela reste une impression. Si l’on veut payer moins, il faut diminuer globalement le montant qui finit dans la poche du percepteur, le reste n’est que de la magie, et, comme on le sait avec la magie, il y a toujours un truc. La vérité, c’est que l’on paiera au moins la même chose, mais que l’on aura mis un doigt dans un engrenage, celui qui consiste à cacher les coûts réels.
Soutenir les radio/TV régionales ? J’ai toujours été favorable à la concurrence et je me réjouis que le Conseil fédéral se montre sensible au sort des radios et TV régionales. Avec la loi actuelle, 4% de la redevance revient aux privés, tandis qu’avec la nouvelle loi, ce montant devra être fixé par le gouvernement et pourrait augmenter, ce qui n’est pas garanti. On peut toutefois se réjouir que le Conseil fédéral, a posteriori, a annoncé que les économies qui pourraient être réalisées sur les contrôles seront distribuées aux radios et TV régionales, à hauteur de 30 millions de francs.
Toutefois, il n’existe aucun lien entre les économies réalisées sur Billag et le soutien aux radio/TV privées. Soit on estime que ces dernières méritent une plus grande part de la redevance, et le on leur accorde avec ou sans la nouvelle loi, soit on laisse la répartition actuelle.
Le transfert tel qu’il est prévu revient à promettre à des dizaines de médias des millions de francs en cas d’acceptation d’un objet en votation populaire, transfert qui n’est à proprement parler pas prévu dans la loi. Chacun appelle ce transfert comme il le veut, j’estime pour ma part que cela revient à s’acheter les faveurs d’une partie de la presse, ce qui manque quelque peu de délicatesse dans une démocratie, on en conviendra.
La vraie question que l’on devrait se poser, est la suivante. Est-il normal, en 2015, de payer tous le même montant pour la radio et la télévision ? Accepterait-on de payer au forfait nos factures de téléphone, de train, d’essence, de cinéma ou de restaurant, sans rapport avec notre consommation, sous prétexte que « c’est plus simple » ou que « ça permet de réduire les contrôles » ? A l’heure où même le prix des sacs poubelle doit dépendre de notre production de déchets, il est curieux que personne à Berne ne remette en question ce principe de buffet « all inclusive ».
Le développement des nouvelles technologie permettrait aujourd’hui de facturer différemment l’utilisation des médias selon que l’on passe 5 heures par mois ou 5 heures par jour devant sa télévision, ce qui n’était pas possible à l’époque où notre téléviseur captait les chaînes par la voie hertzienne.
Cette question de fonds, c’est celle de notre rapport aux médias quand Internet offre une véritable liberté de choix, liberté que le Parlement fédéral veut brider, avec une redevance généralisée et obligatoire pour tous, forcément pour notre bien.
Je ne crois pas à la magie, mais je crois à mon libre arbitre et à ma capacité de savoir ce qui est bien pour moi. Je voterai NON à la LRTV.
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Le peuple suisse est attaché au service public, il n’y a aucune raison de l’y enchaîner.
Article publié dans le Confédéré du 23 mai 2015

Le modèle de la redevance Billag atteint ses limites, personne ne le conteste. Lorsqu’il suffit d’un smartphone pour regarder la RTS, lorsque l’on compte des centaines de chaînes différentes, il y a lieu de remettre en question les modèles établis.
La révolution dite « numérique » impose des changements importants dans nos modes de consommation, offrant toujours plus de choix. Et, face à cette liberté, il se trouve toujours plus d’esprits enclins à vouloir décider à notre place.
L’évolution technologique permet de renoncer de faire payer la réelle consommation télévisuelle de tout un chacun. L’autre option, choisie par une majorité du parlement, consiste à forcer tous les ménages à payer le même montant, quelle que soit sa consommation, au nom d’une solidarité pour le moins étrange.
Imaginez un instant appliquer ce modèle aux autres services publiques. Pourquoi n’imposerions-nous pas à chaque citoyen l’obligation d’acquérir un abonnement général des CFF ? Tout le monde voyage, certains resquillent et les contrôleurs coûtent, il est évident que nous gagnerions en efficacité à imposer à tous l’abonnement dont le coût serait réduit. Je prends même le pari qu’il suffirait de quelques années pour que l’on n’imagine même plus que l’on puisse financer les transports publics autrement que par le seul impôt. On peut appliquer le même raisonnement à la téléphonie, au théâtre, aux journaux.
Le peuple suisse est attaché au service public. Il n’y a aucune raison de l’y enchaîner. La liberté de choix appartient à tout individu, et comme il est juste que celui qui prend le train tous les jours paie davantage que celui qui le prend une fois par mois, il en va de même pour la télévision.
Il est désormais possible d’établir des modèles de financement à la demande, en fonction de notre consommation réelle, avec un peu plus de subtilité que le buffet à volonté que nous connaissons aujourd’hui.
A nouveau, l’establishment fait preuve d’une inadaptation crasse face aux nouvelles technologies et d’un manque de confiance complet à l’égard des citoyens dont la liberté n’est bonne qu’à être limitée au nom d’un intérêt public douteux. C’est cette même vision moralisatrice de la société qui pousse des élus à vouloir imposer un prix unique au livre pour lutter contre Amazon, à interdire le téléchargement de musique pour sauver les disquaires ou à chercher à imposer la location de DVD à l’heure où tout un chacun s’intéresse au streaming.
La révision de la LRTV, c’est un grand pas en arrière face aux développements de notre société, et c’est là une bonne raison de la refuser.

Commentaires

1 Comment

  1. Cher Philippe,
    En tant qu’ancienne collaboratrice RTSR, je ne peux qu’approuver totalement vos arguments; je voterai également non à cette nouvelle loi RTV. Ce qui me choque le plus, c’est la propagande mensongère, le fait de prendre le citoyen pour un imbécile, incapable de comprendre qu’on ne peut pas faire plus avec moins ! Et puis c’est résolument un nouvel impôt lequel, une fois installé, sera joyeusement augmenté au gré du producteur.
    Bravo pour votre point de vue – j’espère que la majorité de citoyens se laisseront pas abuser par ces fausses promesses et qu’ils suivront notre raisonnement.
    Amicalement, Christina Hangauer membre PLR Genève


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