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Négociations franco-suisse : arrêtons les frais

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Négociations franco-suisse : arrêtons les frais

Chronique publiée dans le Nouvelliste du 26 novembre 2013

Feuilleton trop longtemps programmé et repoussé, la convention franco-suisse sur les successions ne passera probablement pas le cap des Chambres fédérales. Pourtant, on apprend que les autorités fédérales se remettent déjà à la table des négociations.
On nous annonce des discussions « croisées », un tiens contre un donné. La lecture des dossiers brûlants montre une asymétrie qui jette le doute sur l’opportunité même d’entamer la discussion.
Contrairement à ce qu’affirme Mme Widmer-Schlumpf, le règlement du passé des désignés fraudeurs du fisc ne sert pas nos intérêts, pas plus que l’adoption de nouvelles règles visant à livrer des données personnelles sur simple demande de Bercy, ni l’introduction de nouvelles dispositions successorales, forcément en faveur de la France.
En réalité, si l’on met de côté la passion toute diplomatique des petits fours, la Suisse n’a aucun intérêt propre à lâcher gratuitement sur des questions aussi centrales que le secret bancaire. Et pour nous y pousser, encore faudrait-il nous offrir des contreparties intéressantes. Or, à ce jour, seul le règlement du différent fiscal sur l’aéroport de Bâle-Mulhouse nous sert. C’est peu. Trop peu pour tout donner en échange.
Certes, rien n’est encore sorti du côté de Berne, on est toutefois en droit de craindre de nouvelles concessions à sens unique, dans le seul but d’adopter des règles plus modernes, plus belles, plus juridiques. Le droit pour le droit, et l’Homme à la poubelle.
Après le rejet de l’EEE, le Conseil fédéral a longuement travaillé à la conclusion des fameux accords bilatéraux. Malgré tous les défauts qu’on pouvait leur trouver, ils étaient équilibrés, offrant aux parties les mêmes droits et devoirs et excluant la reprise automatique du droit étranger. Ces deux paquets d’accords reflètent ce que notre diplomatie fait de mieux.
Les temps ont bien changé. Les négociations ne sont plus dans les mains des affaires étrangères ; elles ont été transmises au département des finances. On entend nos autorités se féliciter d’obtenir le statut d’observateur et de participer aux grands raouts sur la lutte contre l’évasion fiscale, leitmotiv pseudo-moral dont le seul but est de remplir les caisses d’Etats incontinents. Je me fiche de savoir que la Suisse aie voix au chapitre, seule, au milieu des vautours. Peu importe les strapontins qu’on nous concède : quel intérêt d’être l’invité d’un procès dont le jugement est écrit à l’avance ? Comme accusé, ne vaut-il pas mieux se taire que payer très cher le droit à la parole face à un jury déjà convaincu de notre culpabilité ?
Plutôt que défendre les positions Suisses auprès de nos homologues étrangers, les autorités fédérales s’évertuent à nous convaincre du bien-fondé des demandes étrangères. En inversant les rôles, c’est la Suisse qui perd à long terme tout ce qu’elle a mis tant de temps à obtenir.

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