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Prix unique du livre: interview du Nouvelliste

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Prix unique du livre: interview du Nouvelliste

Interview du Nouvelliste du 10 décembre 2011.
Le prix règlementé du livre est en vigueur dans tous les pays voisins. En France, il a permis de maintenir un réseau de librairies et donc de diffuseurs de culture. Pourquoi la Suisse n’opterait pas le même système?
Le prix unique a été introduit en France il y a trente ans pour lutter contre le bradage des livres. En Suisses, nous vivons la situation exactement inverse. Ici, le prix des livres est trop élevé : il n’est pas rare de payer en francs suisses plus du double du tarif en euros.
La Suisse dispose d’une librairie pour environ 11’000 habitants. La France n’en connaît qu’une pour 24’800 habitants. Malgré son prix unique, notre voisin francophone dispose d’un réseau de librairies plus faible que le nôtre et des commerces y ferment chaque semaine : c’est la preuve que cet instrument est dépassé.
Sans réglementation de prix, les grandes surfaces cassent les prix de certains best-sellers ce qui éloigne les lecteurs des petites librairies. Celles-ci ont tendance à disparaître, ce qui est mauvais pour les éditeurs et les auteurs romands. Que proposez-vous pour aider les librairies à s’en sortir?
Avec ou sans prix unique, les librairies ont de la peine à tourner, on le voit à l’étranger. Les habitudes des consommateurs changent, tous les petits commerces peuvent en dire autant. Croyez-vous vraiment que, sous prétexte que les best-sellers seront vendus quelques francs plus cher, les clients des supermarchés vont se ruer sur les petites librairies ? C’est illusoire. A l’étranger aussi, les libraires voient leurs clients fréquenter les grandes surfaces. Preuve que le prix unique n’y change rien.
Le vrai problème, c’est le monopole des distributeurs qui imposent des tarifs de mercenaires. Les achats sur Internet permettent encore de faire pression sur les prix. Avec la loi, tout le monde devra se plier au dictat qui asphyxie aujourd’hui les libraires. Nous n’aurons plus aucun moyen de pression sur les importateurs étrangers.
Pour aider les libraires et les auteurs, nous avons besoin d’une Commission de la concurrence plus forte pour permettre aux commerces suisses de payer les produits importés au prix juste. Accepter la loi, c’est faire payer au consommateur la mainmise du cartel des importateurs sans sauver les libraires.
Les partisans du prix réglementé estiment que le livre est un bien culturel, ce qui fait qu’il doit être traité de manière différente qu’un produit de consommation standard. Pour vous, le livre est-il un objet comme un autre qui ne mérite pas protection?
Le livre mérite d’être protégé ; l’industrie d’importation, non.
En tant que bien culturel, le livre bénéficie d’un taux de TVA réduit, ce qui représente une économie annuelle de 40 à 50 millions pour la branche. De surcroît, la Confédération participe pour des dizaines de millions de francs à l’édition avec ses Offices, Pro Helvetia ou la Bibliothèque nationale. Tout cela sans compter l’apport des cantons. Au total, on estime que plus de 200 millions de francs sont consacrés annuellement pour le livre. Affirmer que le livre n’est pas soutenu est mensonger.

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