« Ce serait comme accepter qu’une commune puisse instaurer la peine de mort par décision majoritaire. Et ceci au mépris total du droit fédéral, a lancé la députée écologiste au Grand Conseil bernois Kathy Hänni. »
Cette petite phrase tirée de la conférence de presse des opposants à l’initiative montre bien l’extrémisme dont font preuves ces milieux.
Je tiens à rappeler qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de droit de recours des organisations en matière de peines et que, pourtant, aucune commune n’a encore pu rétablir la peine de mort. Soyez rassurés, chers citoyens, les associations ne font que défendre bec et ongles un privilège accordé en 1966.
Mais bon, vu le tour que prend la campagne, j’imagine volontiers qu’on finira par nous accuser de vouloir déverser des déchets toxiques dans la nature ou de construire une centrale nucléaire dans Lavaux.
La mauvaise foi des défenseurs du droit de recours montre combien il est urgent de le limiter: comment peut-on accepter de laisser des associations d’un extrémisme pareil (j’en veux pour preuve la citation ci-dessus) jouer le rôle de procureur en matière d’environnement. C’est à l’Etat de le faire, un point c’est tout.
Et j’en profiter pour rappeler l’horrible chose que nous proposons:
« Les associations ne doivent pas pouvoir recourir contre des décisions prises par un parlement ou par le peuple »
Quelle horreur, vraiment.
Catégorie : Autres
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Faut pas pousser non plus…
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Pour l'ambiance
Je ne suis pas candidat à la constituante genevoise. Alors je lance ma non-campagne sur YouTube:
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=Ium1Y9FDb2w&hl=fr&fs=1] -
Courrier des lecteurs NF (02.10.2008)
Mme Marie-Thérèse Sangra (WWF Valais) prétend dans un courrier de lecteur que l’initiative sur le droit de recours est mauvaise car elle empêcherait des associations avisées de s’opposer à des Conseils communaux incompétents. Selon elle, la légitimité des associations à recourir est bien plus grande que celle de petites communes à décider. Je prétends le contraire.
Le courrier de Madame Sangra me fait bondir. Hormis les habituelles insultes contre nos autorités élues et sur la capacité du peuple à prendre des décisions, Madame la secrétaire du WWF Valais se permet de critiquer la légitimité des décisions prises par de petites communes. La raison ? Une décision prise par une poignée de personnes ne peut être raisonnable. Je me fais un plaisir de lui retourner ici l’argument.
Savez-vous ce que signifie WWF ? World Wild Foundation. Fondation, le mot est lâché. Pour les non juristes, il faut rappeler qu’une fondation n’est pas une assemblée de membres, mais un capital géré. Elle ne compte donc pas de membres.
Or, ces jours-ci, dans nos rues, on vous propose de devenir membre du WWF. Avant de signer, sachez que vous ne serez jamais membre du WWF, mais simple donateur. Une fondation ne connaît pas d’Assemblée générale, son comité n’est pas élu, n’a pas de comptes à rendre à ses donateurs, seulement à l’autorité de surveillance. Vous ne serez par conséquent jamais appelés à vous prononcer sur la politique du WWF, même en devenant « membre ».
La fondation prend ainsi ses décisions en petit comité, par exemple celle de contester un projet de grande importance. Nos voisins vaudois devront se prononcer le 30 novembre sur leur musée des beaux-arts suite à un référendum initié par la fondation Franz Weber. Est-il normal que le petit comité de cette même fondation puisse contester par recours la décision qui sera prise par des centaines de milliers de personnes ? C’est pourtant ce qui risque bien d’arriver.
La légitimité des associations à s’ériger en surveillant du territoire est en tout cas plus faible que celle des communes même petites. Ces associations n’ont aucun compte à rendre, ne sont pas soumises au principe de transparence ; elles ne remplissent aucune des exigences que l’on est en droit d’attendre d’une collectivité publique. Pourtant, elles accomplissent la mission de ces collectivités. C’est une bonne raison de voter Oui le 30 novembre et redonner aux organisations le rôle qu’elles méritent, soit le même que toutes les autres organisations privées.
Philippe Nantermod, coordinateur romand de la campagne -
L'état de droit n'est pas en danger
Quarante-cinq professeurs de droit public suisse ont pris position contre l’initiative populaire fédérale pour limiter le droit de recours des organisations . Leur opinion est accompagnée d’un argument massue : l’initiative opposerait démocratie et Etat de droit. Selon eux, il conviendrait de la rejeter pour le motif que l’initiative a pour but de permettre à des collectivités de rang inférieur de violer le droit supérieur. Ces accusations sont graves et il convient d’étudier le texte lui-même pour se forger une opinion.
L’initiative demande que les projets approuvés par un parlement élu ou par le peuple d’une commune, d’un canton ou de la Confédération ne puissent plus faire l’objet de recours des organisations de protection de l’environnement. Selon une expertise du professeur de droit Yvo Hangartner, l’initiative est claire et ne souffre aucune interprétation cachée.
Rappelons ici que le droit de recours des organisations est une exception dans l’ordre juridique suisse. Généralement, l’intérêt public n’est pas défendu par des privés, mais par les autorités administratives. Ce système fonctionne dans tous les domaines du droit public, sauf en matière d’aménagement du territoire.
Prenons l’exemple des naturalisations. La naturalisation accordée à une personne qui ne remplit manifestement pas les conditions légales ne pourra pas faire l’objet d’un recours d’une organisation privée, telle que l ASIN. À Emmen, ce n’est pas la LICRA qui a recouru contre la décision populaire, mais ceux dont les droits étaient directement touchés.
Ce système est donc valable dans tous les domaines du droit public, sauf dans celui de l’environnement. Là, non seulement les autorités ont une mission de surveillance, mais quelques organisations privées ont en plus le droit de se substituer à l’autorité supérieure. Ce droit de recours n’est pas une nécessité de l’Etat de droit. Les domaines du droit administratif où aucun droit de recours n’est accordé à des associations ne sombrent pas dans l’anarchie. Le droit est respecté, l’Etat fait son travail.
L’initiative n’oppose pas démocratie et Etat de droit. Contrairement à ce qu’affirment les 45 professeurs de droit, l’initiative ne limite en rien le contrôle des autorités de surveillance. Les décisions prises par les parlements ou par le peuple ne seront pas soustraites à l’examen judiciaire, mais cet examen ne pourra plus être engagé que par des personnes directement concernées et par les autorités supérieures, parmi lesquelles figure l’Office fédéral de l’environnement auquel on peut difficilement reprocher un manque d’impartialité. Les associations, comme tout particulier, conserveront leur droit de dénoncer une situation jugée illégale à l’autorité de surveillance. Toutefois, c’est cette autorité qui décidera de la suite à y donner, un peu comme lorsqu’un procureur décide si une affaire mérite d’être poursuivie ou non.
À l’époque, c’était précisément parce que l’Etat ne pouvait pas remplir cette mission – par manque de compétences et de moyens – que le droit de recours avait été accordé. Aujourd’hui, le droit environnemental s’est considérablement étoffé, les moyens des autorités communales, cantonales et fédérales en matière d’aménagement du territoire et de protection de la nature sont devenus considérables. Il peut être affirmé de bonne foi que les autorités publiques disposent aujourd’hui de nombreux moyens légaux pour reprendre sous leur aile la tâche déléguée aux associations privées il y a plus de quarante ans.
Les doctrinaires de droit feraient bien de réfléchir un peu avant de professer des contrevérités. Le manifeste d’une poignée de professeurs évoque l’harmonie entre la démocratie et l’Etat de droit. Sur ce point, le texte n’est pas contestable. Le seul problème, c’est qu’il ne traite pas de l’initiative qui sera soumise au peuple le 30 novembre. Le droit de recours n’est de loin pas le seul moyen de garantir une bonne application du droit ; pire, il est même une exception dans notre système juridique.
Que le droit de recours des organisations puisse être défendu relève de l’évidence. En revanche, que l’autorité de professeurs soit utilisée de cette manière est inacceptable. Rappelons au passage qu’ils avaient été 70 à co-signer l’appel contre l’initiative sur les naturalisations qu’ils comparent injustement au sujet en question. Ils ne sont plus que 45 aujourd’hui. Un signe que certains ne sont pas prêts à signer n’importe quoi pour des motifs politiques ?
Publié dans Le Temps, le 9 septembre 2008
Christian Luscher et Philippe Nantermod -
Le chevalier vert
Le dernier Batman sur grand écran, voilà de quoi égayer cette fin d’été. Sans être un immense fan du genre, il faut reconnaître que le dernier opus des aventures du super héros est vraiment réussi.
Au-delà des explosions et des effets spéciaux à vous couper le souffle, le film cache une morale amusante. Dans cette histoire, le rôle de Batman est remis en question par la venue d’un nouveau procureur, très populaire et très carré dans ses choix. Un incorruptible. Celui-ci s’engage à nettoyer la ville de la mafia et régler une fois pour toutes le problème de l’insécurité. D’abord sceptique, Batman reconnaît finalement que son temps est passé et que sa ville a intérêt à s’appuyer sur un agent public sans peur et sans reproche. Batman finit même par déclarer «, ‘ je suis le héros dont Gotham avait besoin, il est le héros que Gotham mérite ».
Cette petite phrase m’a tout de suite rappelé une certaine initiative qui sera soumise au peuple et aux cantons le 30 novembre prochain. Vous l’avez deviné, je veux parler de la limitation du droit de recours des organisations. Le rapport avec Batman ne vous saute pas aux yeux ? Et pourtant ! En 1966, le Parlement fédéral avait accordé un droit de recours à 30 associations de protection de l’environnement pour faire appliquer le droit fédéral. Un peu comme aux débuts de Batman, le pays ne disposait pas des compétences et de l’administration pour réaliser les missions qu’il s’était attribuées au travers de sa nouvelle Loi sur la protection de la nature. Dans le film, il en allait de même : Gotham avait besoin d’un super héros pour pallier les carences sécuritaires de l’administration publique. En bref, dans un cas comme dans l’autre, il valait mieux confier des tâches publiques à des privés plutôt que de ne pas les remplir du tout.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Gotham s’est vue dotée d’une police digne de ce nom, avec à sa tête un procureur valeureux, prêt à reprendre en main le travail du super héros. En Suisse, les administrations fédérales et cantonales en matière d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement, des eaux ou des forêts ont vu leur budget annuel cumulé passer de zéro à plus de 5 milliards de francs aujourd’hui. Dans un cas comme dans l’autre, l’administration publique s’est trouvé les moyens d’appliquer sa volonté.
Batman admet que son temps est terminé. Il vaut mieux confier les missions de police à des organismes transparents, surveillés par la puissance publique et soumis à un contrôle digne de ce nom plutôt que de le laisser dans les mains d’un héros obscur aux ailes de chauves-souris. Il serait heureux que les associations de protection de l’environnement reconnaissent que leur mission de super héros est désormais révolue. Plutôt que de défendre bec et ongles un droit d’exception mis en place à une époque où elles étaient les seules à avoir une vraie conscience environnementale, elles devraient se réjouir de constater le chemin parcouru et, enfin, passer la main. Comme Batman. -
Droit de recours: davantage de démocratie et d'emplois
Le droit de recours des organisations n’est accordé qu’à trente associations privées. Il n’est aujourd’hui pas du tout satisfaisant. L’initiative apporte donc les deux améliorations suivantes :
– Pas de recours contre des décisions parlementaires. Lorsqu’un parlement statue, un long travail de consultation a déjà été réalisé avec l’aide de tous les services de l’administration. Cette phase dure de nombreux mois, voire des années. Les questions juridiques et environnementales sont abordées et les associations ont un rôle important à jouer dans ce processus. Les décisions parlementaires sont ensuite soumises au référendum facultatif. Les associations doivent intervenir pendant la phase de préparation, mais pas après un vote démocratique.
– Pas de recours contre des décisions prises par le peuple. Lors d’une votation populaire, les acteurs politiques et les associations mènent campagne et exposent leurs arguments. Le peuple tranche souverainement. Comment justifier que des organisations privées puissent recourir contre des décisions pour lesquelles elles ont pu largement se faire entendre? C’est le rôle des autorités supérieures de contrôler la légalité des décisions prises, pas des associations privées.
Grâce à l’initiative, ces dérives seront supprimées. En revanche, les associations garderont un droit de recours plein et entier contre les décisions prises par un exécutif ou par une administration (décisions non soumises à referendum).
Voter Oui à l’initiative, c’est voter pour l’emploi et pour les PME
– Le droit de recours bloque des milliards de francs d’investissements avec à la clef des milliers de postes de travail. L’initiative limitera ces blocages.
– Notre économie sera renforcée. Les projets de construction pourront être planifiés dans un contexte stable. L’incertitude juridique est un frein majeur aux investissements. Seuls les projets qui bénéficient d’un soutien populaire échapperont aux procédures longues et coûteuses.
Voter Oui à l’initiative, ce n’est pas voter contre la nature : l’initiative n’affaiblit pas la protection de l’environnement, elle simplifie les procédures lorsque les décisions émanent du peuple ou de ses représentants.
L’initiative propose un juste équilibre entre la volonté du peuple et le droit des associations. Les associations garderont pleinement le droit d’agir, mais elles ne pourront plus s’opposer après coup à des décisions démocratiques. C’est pour ces raisons que le Conseil fédéral a soutenu l’initiative devant le Parlement.
Plus d’informations: www.croissance.ch -
La reconstruction
J’ai visité 8 des 12 nouveaux pays membres de l’Union européenne. A part les routes défoncées, on retrouve systématiquement les grands panneaux indiquant les travaux de reconstruction financés par l’UE – et la Suisse. De tous ces pays, la Roumanie est sans doute celui où cette reconstruction est aujourd’hui la plus réussie. Ca sent l’Union, pourrait-on dire. A l’arrivée à la douane, une banderole invite les citoyens à contacter un numéro gratuit pour dénoncer toute opération de corruption. La corruption, la gangrène de l’Europe de l’Est. Visiblement, et selon les derniers rapports de la Commission, les Roumains ne s’en tirent pas trop mal, contrairement aux Bulgares qui ont vu s’envoler 500 millions d’euros de subventions à titre de mesure de rétorsion de Bruxelles.
A Galati, nous découvrons une gare flambant neuve, sans luxe superflu mais bénéficiant du confort moderne auquel tout voyageur devrait pouvoir s’attendre sur sol européen. Les trains sont agréables et neufs, roulent vite et sont non-fumeur.
Tout cela n’est rien en comparaison de Bucarest. La capitale a subit les assauts du « canon à pognon » de l’Europe : la vieille ville est en complète rénovation. Les rues sont pavées, les façades ravalées, l’éclairage public réinstallé. Les désastres de Ceausescu sont petit à petit effacés pour laisser apparaître une des villes les plus charmantes que j’ai eu le plaisir de visiter. Les enseignes occidentales s’étalent sur les terrasses de petits cafés aussi bobos que les coins les plus branchés du Marais parisien, pas un lieu public n’omet d’afficher fièrement son service Wi-Fi. Les travaux sont effectués par des entreprises espagnoles ou allemandes.
Ceux qui prétendent que l’Europe ne sert à rien devraient parcourir ce petit bout de trajet qui va de Kiev à Bucarest. Le point commun des deux Etats réside dans les fonds étrangers distribués pour réhabiliter ces immenses nations. La comparaison s’arrête là. La corruption régnant dans le pays de la révolution Orange se mesure au nombre de « Porsches Cayennes » stationnées à côté de vieilles Lada en décomposition. L’argent s’arrête dans la poche des fonctionnaires et de quelques investisseurs. La population, elle, ne peut que s’étonner des prix prohibitifs proposés dans les bistrots ukrainiens où une pression peut facilement dépasser les 10 francs suisses. Du côté roumain, pas de voitures de luxe, mais des milliers de Renault Logan – véhicule simple mais ô combien pratique. Pas (trop) de restaurants chers, mais un développement qui semble profiter à tous.
D’un côté du Danube, l’argent est investit. De l’autre, il est claqué. Et nul besoin de travailler pour la grande organisation continentale pour s’en apercevoir. Un bref coup d’œil révèle simplement ce qu’une Union forte peut faire dans un demi continent ravagé par cinquante ans de communisme : redonner l’espoir à un peuple martyrisé par un des pires dictateurs du siècle passé. -
La frontière
Avec trois amis, je pars à la découverte de quelques pays de l’Est européen, à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’Union. Aujourd’hui, le passage entre Ukraine et Roumanie.
Les opposants à la libre circulation des personnes ont souvent rappelés que des hordes d’étrangers se pressaient à la frontière extérieure de l’UE pour pénétrer sur notre précieux territoire. Sur place, le constat n’est pas aussi évident.
Odessa, sud de l’Ukraine, le 15 juillet 2008. Trouver sur place un moyen de se rendre en Roumanie relève du parcours du combattant. En dehors de quelques croisières de luxe, rien ne semble ouvrir la route vers le nouveau pays membre de l’Union. A défaut de trouver mieux, nous décidons d’emprunter un minibus jusqu’à Izmail, petite ville au bord du delta du Danube et surtout se situant à la frontière ukraino-roumaine. Six heures de vibrations et de tremblements plus tard, nous débarquons dans une petite gare routière. Trouver un autochtone s’exprimant en anglais, en allemand ou en français relève de la gageure et ce n’est qu’après quelques appels retentissant dans une salle d’attente comble que nous parvenons enfin à communiquer. Enfin, communiquer est un grand mot.
A 5 kilomètres de la frontière extérieure de l’Europe, il paraît quasiment impossible de rejoindre la Roumanie. En désespoir de cause, nous acceptons l’offre d’un taximan qui aurait entendu parler d’un poste frontière plus au nord, à Reni. Le trajet en voiture n’est pas de tout repos : il se résume à la traversée d’un no mens land avec sur notre gauche des kilomètres de barbelés et sur notre droite des steppes marécageuses. Au loin, les montagnes moldaves. Notre chauffeur s’affaire depuis le départ à téléphoner. Nous dépasse alors un van noir, aux vitres teintées. Celui-ci s’arrête 50 mètres devant nous, nous nous garons derrière. Sortent deux personnages baraqués : la peur nous envahit. Après une longue discussion, nous réalisons que ces personnages trafiquent un peu de tout et font taxi de sept en quatorze. 60 euros, c’est le prix proposé pour amener quatre jeunes en Roumanie. Le choix n’en est pas vraiment un, nous nous retrouvons dans ce taxi particulier. Traversée d’un village, d’un second, échange d’un vélo d’enfant contre quelques billets, nous voici enfin à la frontière moldave. S’ensuivent quatre postes frontières, avec des douaniers tous plus surpris les uns que les autres de voir des citoyens suisses. C’est vrai qu’à l’exception de deux voitures de touristes et de plusieurs TIR, nous sommes les seuls à passer ce poste à sens unique. Je vous épargne les discussions avec les fonctionnaires sur place, l’un parlant français, l’autre uniquement anglais, certains observant nos passeports avec surprise, d’autres nous passant carrément les menottes, pour rigoler, on s’entend.
Partis à 6h30 du matin, nous nous retrouvons à 18h à Galati, au nord de la Roumanie. L’objectif est atteint, nous avons passé la frontière, obtenu quelques tampons de plus dans nos passeports respectifs. Vu les difficultés que nous avons rencontrés pour passer en toute légalité, nous réalisons que les dires de l’UDC sur les hordes de barbares prêts à envahir notre continent sont quelque peu exagérées. Imaginez : ils habitent à cinq kilomètre de la fameuse barrière et ne savent même pas qu’elle existe.
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Mon discours du 31 juillet 2008
Chers amis morginois, chorgues, valaisans, suisses, et aussi chers amis d’ailleurs. Chers Confédérés.
C’est avec un immense plaisir que je prend la parole ce soir, devant vous, en cette veillée de fête nationale.
Je suis né à Morgins, j’y ai grandi, j’y ai fait mes écoles et c’est ici que je deviens petit à petit un adulte. Ce soir, c’est en tant que morginois et vice-président d’un parti politique de jeunes que vous me faites l’honneur et le plaisir de pouvoir m’exprimer. Je dois avouer que j’en suis extrêmement touché. Un peu intimidé aussi. J’espère être à la hauteur.
Nous fêtons ce soir notre pays, la Suisse. Les étrangers qui sont parmi nous la connaissent certainement par ses clichés. La Suisse est pour beaucoup une terre de fromages et de chocolats, ou de banques et de montres, ou encore d’exile et de pilatus, selon que vous veniez d’Europe, de Russie ou d’Afrique. Les hollandais et anglais vous parleront du ski, les petits propriétaires américains, de l’UBS, les japonais du Cervin et du pont de Lucerne.
On a tous au fonds de notre cœur une facette de la Suisse qui nous enorgueillit plus qu’une autre. Pour moi, cette facette, c’est un monument trop mal connu: l’auteur bernois Friedrich Dürrenmatt. A défaut d’avoir réussi à me faire parler l’allemand, ma professeur du collège m’a au moins transmis une passion pour cet écrivain.
Un soir de fête nationale, on peut répertorier les qualités de notre Suisse, on peut aussi relever ses traits de caractère que l’on changerait volontiers. Et cela parce qu’on l’aime, ce pays.
Je ne veux pas vous ennuyer ce soir avec des théories littéraires, mais reprendre une pièce de Dürrenmatt que je trouve assez drôle et qui illustre bien une de nos particularités, de celles que je changerais si un génie me le proposait.
Cette pièce s’intitule Hercule et les écuries d’Augias et date du début des années 1990. En quelques mots, l’histoire se passe à Elide, petite ville grecque dont la particularité est d’être recouverte de fumier depuis des décennies. Jusqu’au premier étage de tous les immeubles, le lisiers donne une couleur assez typique mais peu plaisant à la ville.
Les citoyens décident alors de convier Hercule pour nettoyer une fois pour toutes les rues de la capitale. Le surhomme débarque en fanfare, chaque habitant étant très pressé de voir son quotidien changer.
Avec une grande rigueur, un citoyen fait remarquer qu’il serait peut-être quand même nécessaire de respecter les procédures en vigueur en prenant une décision conforme aux lois et autoriser officiellement Hercule à entamer ses travaux. L’Etat reste l’Etat, pareille décision ne doit pas se prendre à la va-vite, c’est compréhensible.
Le gouvernement se réuni donc, prend une décision après une semaine. Cette décision se résume simplement : « Conscients de la nécessité de nettoyer les rues d’Elide, nous tenons à consulter les autorités sanitaires, culturelles, intérieures et financières avant d’entériner une décision que chacun soutient». La boîte de pandore est ouverte. S’ensuit des semaines de discussions, de débats, de commissions, de sous-commissions, de rapports de majorité ou de minorité. Et chacun de ces rapports débute par la même rengaine : « Conscients de la nécessité de nettoyer les rues d’Elide ». Les questions culturelles, hygiéniques, financières, sécuritaires, tout y passe.
Au bout d’un certain temps, Hercule est obligé de subvenir à ses besoins, et trouve du travail dans un cirque, en attendant la décision définitive des autorités. Plus tard et financièrement en bout de course, Hercule accepte finalement une offre d’emploi étrangère et s’en va nettoyer d’autres rues sous des cieux plus cléments. Les citoyens, pourtant tous convaincus de la nécessité de nettoyer la capitale, se congratulent et se félicitent du respect dont ils ont fait preuve vis-à-vis de la procédure et de leurs propres règles. Rien n’a été mal fait, forcément puisque rien n’a été fait.
Mesdames, Messieurs. Cette petite histoire illustre peut-être une de nos spécialités. Ne manque-t-on pas chez nous de courage à prendre des décisions ? A prendre des risques ? Une espèce de peur de nos propres talents, une peur de nos propres désirs ?
Je crois que nous aimons tous notre pays, faute de quoi nous ne fêterions pas le pacte scellé par nos ancêtres il y a plus de 700 ans. Mais j’imagine que vous avez tous en tête une de ces fameuses décisions qui n’a pas été prise, car une solution meilleure était possible, alors que tout le monde s’accordait sur l’urgence de l’action. J’ai moi-même parfois estimé qu’il valait mieux ne rien faire que de choisir un projet trop aboutit pour être réalisé.
Prenons l’exemple de nos trains. Nous refusons depuis des années de parler de TGV en Suisse parce qu’une solution meilleure est soi-disant possible, Swissmetro. Le résultat : nos trains sont parmi les plus lents d’Europe. Mais nous sourions toujours en voyant ces trains à grande vitesse, puisque nous savons que nous aurons un jour un métro circulant à 800 km/h. Et pendant ce temps, on voyage toujours à 80 km/h entre Lausanne et Berne…
Nous pouvons commettre des erreurs, nous en avons même le droit, peut être parfois le devoir. Comme on le dit – le mieux est l’ennemi du bien. A toujours vouloir mieux, à vouloir tourner sa pelle sept fois avant de creuser, on provoque un immobilisme complet.
Le 30 novembre, vous serez appelés à vous prononcer sur une initiative fédérale dont le but est de limiter les blocages induits par quelques associations de protection de l’environnement. Pour toutes ces raisons, je soutiens cette initiative. Loin de moi l’idée de vouloir gâcher notre nature, au contraire. Mais nous devons apprendre à avoir le courage de prendre des décisions plutôt que de nous perdre dans un formalisme excessif et permanent.
Dans son histoire, Dürrenmatt nous montre qu’Hercule ne suffit pas : la bureaucratie peut étouffer les meilleurs talents. Nous devons trouver en chacun de nous un peu de Hercule, pour faire en sorte que la Suisse de 2028 ne soit pas exactement celle de 2008. Un peu d’audace, Mesdames et Messieurs, c’est à ce prix que s’est construit le pays que nous célébrons ce soir. Soyons courageux, soyons Hercule, et nous déplacerons des montagnes.
J’aimerais vous remercier pour votre présence, dans ce petit village frontalier qui recèle tant de charmes. Mon village, qui comme beaucoup d’autres, a subi ces dernières années les blocages induits non pas par le manque de moyens, mais par le manque de courage. Qu’il est agréable de vivre en Suisse aujourd’hui. Au nom de ceux de ma génération, celle qui bénéfice de la qualité de vie que nous connaissons, j’aimerais dire merci à nos prédécesseurs. Et je souhaite aussi que nous poursuivions le travail entrepris et qui ne doit jamais se terminer, que notre pays soit mieux, plus beau, plus réussi demain qu’aujourd’hui ! Bonne fête nationale, vive la Suisse !
Discours prononcé à Morgins, le 31 juillet, à l’occasion de la fête nationale -
L'Europe des traités
Le refus irlandais au traité de Lisbonne ouvre une nouvelle période de chaos en Europe. Loin de régler de simples questions techniques, le successeur du traité constitutionnel a pour vocation de réorganiser complètement les organes et les mécanisme de prise de décision de l’UE.
J’aimerais passer en revue les quelques solutions proposées jusqu’ici pour sortir de la crise avant d’évoquer ma préférée.
Première option, celle que je qualifie de bricolage, consiste à demander aux Irlandais de s’exprimer à nouveau sur le même texte. Cette mesure, si elle a connu un certain succès par le passé, est la pire des options pour construire une Europe pérenne. Le traité de Lisbonne n’est ni le premier, ni le dernier des traités européens ; se moquer éperdument des décisions populaires ne peut pas tenir à long terme. Un jour ou l’autre, l’Europe implosera si elle continue à faire comme si les options choisies par les européens étaient nécessairement infondées. Au contraire, il faut entendre le message irlandais et accepter que ce traité n’entrera pas en vigueur tel quel.
Seconde option, avancer sans l’Irlande. Si cette solution paraît envisageable dans le cadre d’un traité technique, elle ne l’est pas pour un traité réformant des institutions existantes. On conçoit difficilement que la Commission européenne ait une double composition, que les Irlandais bénéficient d’un traitement de faveur dans la répartition des sièges du parlement ou qu’ils disposent d’un propre président européen, le nouveau mandat durant deux ans et demi.
Troisième option, renégocier le traité. Une fois de plus, cette solution semble vouée à l’échec, étant donné que le traité actuel est déjà le fruit d’une renégociation. Et après, si les refus se poursuivent ? On imagine mal 27 rounds de négociations successifs avant de trouver un accord acceptable par tous les Etats.
Troisième option, le statu quo. Il faut reconnaître que l’Europe est devenue ingouvernable à 27 et les éventuelles perspectives d’élargissement ultérieur ne peuvent que nous renforcer dans l’idée qu’une porte de sortie est nécessaire.
Enfin, dernière option, demander purement et simplement à l’Irlande de quitter l’Union. Un tel choix serait un terrible constat d’échec pour une Europe incapable de se régénérer. N’oublions pas que l’Irlande a sa place en Europe et que l’engagement de l’Île dans les institutions – notamment l’euro – empêche quasiment toute possibilité unilatérale d’exclure un Etat.
Non, la solution doit être trouvée ailleurs. Trois pays ont refusé de réformer les institutions. La conséquence fut un long blocage pour la communauté et pour les 24 autres membres de l’Union. Cette situation résulte du droit international des traités et d’une souveraineté inconditionnelle des Etats qui s’accorde mal avec l’ampleur qu’a prise l’Union Européenne. Accorder aux Etats une souveraineté complète du processus de ratification n’est pas tenable, tout comme il n’est pas admissible que l’immense majorité des nations se contentent d’une ratification parlementaire pour un accord qui révise de fond en comble les structures d’une organisation supranationale.
La solution, à mon avis, réside dans l’écriture d’une nouvelle page du droit européen, un nouveau droit des traités applicable pour le continent. L’Europe doit aujourd’hui admettre qu’elle est devenue une forme particulière d’organisation internationale, proche de celle d’un Etat souverain fédéral. Un accord doit être adopté pour fixer le processus d’adoption des futurs traités.
En 1848, la Suisse nouvellement formée, a soumis au vote du peuple et des cantons la première Constitution moderne de la Confédération. Cette procédure de double majorité s’appuyait sur la paix conclue après une guerre civile. Rien de tel ne semble menacer l’Europe et la source d’une pareille procédure doit être conventionnelle.
Il est temps de constater que le mécanisme institué autrefois par le traité de Vienne n’est plus adapté aux structures européenne et qu’une nouvelle forme d’adoption des traités doit être trouvée. Une majorité des Etats et du peuple, votant ensemble un même jour pour ou contre un projet serait une solution habile, tant démocratiquement qu’institutionnellement. Et au final, le débat deviendra véritablement européen, un refus ne signifiant plus une panne européenne, mais la sanction d’un mauvais texte qu’il reviendrait aux élus de réécrire. Et ainsi l’Europe avancera.