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Ne crevons pas les yeux de la justice

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Ne crevons pas les yeux de la justice

Lorsqu’un étranger commet un acte criminel grave, il doit quitter la Suisse. Il faut faire preuve d’une dose d’angélisme crasse pour refuser à notre pays le droit de refuser d’accueillir des voyous.
L’initiative populaire prévoit un mécanisme d’expulsion automatique lorsqu’un étranger commet un meurtre, un viol ou encore abuse des prestations sociales. Si le principe plaît, sa stricte application risque de dépasser quelque peu la volonté de ses partisans.
Les cas d’expulsions absurdes sont plus nombreux qu’on le pense. En omettant de traiter de la question de la négligence, de la gravité de la faute ou des circonstances atténuantes, l’initiative place au même rang l’assassinat et l’homicide par négligence, la légitime défense et l’agression.
N’oublions pas que l’essentiel de l’action pénale révèle des cas plus compliqués que ce que permet le format réduit des dépêches d’agence. Est-il normal qu’un chirurgien étranger, commettant une faute lors d’une opération débouchant sur la mort regrettable d’un patient, soit expulsé manu militari pour homicide par négligence ? Est-il juste que la victime d’une agression qui dépasse les limites de la légitime défense soit traitée de la même manière que le braqueur de banque ? C’est pourtant ce que prévoit le mécanisme d’expulsion automatique.
On ne saurait limiter la réflexion aux actes criminels les plus sordides. L’initiative oublie un nombre important de situations justifiant des expulsions. Quid des chauffards invétérés, des multirécidivistes de la petite délinquance, des escrocs ou des voleurs à la tire ? L’initiative n’en parle pas. Pour eux, pas d’automatisme, pas d’expulsion. Il ne leur manquerait que les félicitations du jury.
Le contre-projet reprend l’essentiel de l’initiative, mais l’étend et lui adjoint un garde-fou : la proportionnalité. Il ne s’agit pas de se montrer gentil à l’égard de criminels qui méritent le courroux de l’expulsion, mais d’ordonner le départ des pires crapules, sans pour autant pousser le système à l’absurde.
Autant il est illogique de nous débarrasser d’un bon médecin pour une faute professionnelle qu’il est stupide de laisser un permis de séjour à l’auteur de dizaines de vols, d’infractions au code de la route ou d’escroqueries. Ces exemples montrent que les solutions taillées à la hache sont mauvaises et reviennent trop souvent à crever les yeux de la justice.
Publié dans le Nouvelliste, le 27 octobre 2010

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