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Remboursons tout et n'importe quoi

Philippe Nantermod

Philippe Nantermod

Remboursons tout et n'importe quoi

Quand les Chambres ont rédigé le texte constitutionnel sur les médecines complémentaires que nous voterons le 17 mai, elles se sont montrées pleines de bonnes intentions. En remplaçant « prise en charge complète » par « prise en charge » des médecines complémentaires, nos élus s’imaginaient certainement remplir leur rôle traditionnel en proposant un des consensus les plus mous qu’il m’ait été donné de rencontrer. C’est réussi : le texte est carrément incompréhensible tant la transparence des mots est accablante et n’impose rien. Seulement, le peuple fera un choix le 17 mai entre la situation actuelle et une nouvelle situation dont nous ignorons à peu près tout.
Comprenons-nous, je n’ai sur le fonds rien contre les médecines complémentaires, pas plus que je ne m’oppose à la vis sans fin. Elles existent, chacun en fait ce qu’il veut. Il est seulement question de choisir les conditions d’une prise en charge d’un traitement par l’assurance maladie de base et ce qui ressort du domaine des assurances complémentaires. Selon le système en vigueur, un traitement doit passer le triple filtre efficacité – adéquation – économicité pour être inclus dans le catalogue des soins remboursés. Ces trois critères doivent permettre aux autorités de s’assurer qu’un traitement de base montre un certain effet contre une maladie pour un prix acceptable au regard des médications concurrentes. Ces critères assurent une certaine objectivité dans le choix du catalogue LAMal. Les médecines complémentaires – au même titre que les médecines académiques – y sont soumises et c’est ainsi que certaines préparations phytothérapiques ou des techniques dérivées de l’acupuncture sont aujourd’hui supportées par l’assurance obligatoire.
Le Parlement propose donc de modifier ces critères. Pour nous proposer quoi ? Bien malin celui qui peut déjà le dire. À discuter avec les consommateurs de médecines douces, il apparaît que le critère qui convient à beaucoup se résume à « ça me fait du bien ». En voilà un bon critère ! Vous vous sentez mieux après le passage de la fée homéopathique ? Remboursons ! Vous appréciez un petit traitement traditionnel chinois ? Remboursons ! Peu importe dans le fonds que l’efficacité de tels traitements n’a jamais été prouvée, que le fameux effet placebo soit observé dans les études. Les mêmes se plaindront de l’augmentation du coût des primes qui, elle, ne fait décidément aucun bien.
Cette nouvelle manière d’agir sera dangereuse et inégalitaire. Une semaine de vacances au soleil me fait davantage de bien que tous les cachets d’asprine que j’ai avalés cette année. Remboursez ! Mes quelques heures de piscine hebdomadaires me gardent en forme. Remboursez ! Et où nous arrêterons-nous ? Les pratiques SM, les voyages à Lourdes, et pourquoi pas la petite cigarette qui clôt un bon repas ? Ça fait tellement de bien…
Ce terme complémentaire est tout bonnement mensonger. Il doit être compris comme « qui n’a pas démontré ses effets ». À une autre époque, on aurait parlé de magie ou de soins prodigués par des charlatans. Pour être remboursés, ces traitements sont aujourd’hui soumis aux mêmes règles que leurs concurrents scientifiques. Ce serait tout de même le comble de rembourser les massages thaï sur la simple base d’un sentiment partagés par certains alors qu’une procédure longue et douloureuse s’impose pour autoriser un médicament issu d’années de recherche dans nos meilleurs laboratoires.
Une assurance complémentaire pour les médecines du même nom coûte actuellement cinq à dix francs par mois. La LAMal n’est pas une religion : ce n’est pas la foi dans des pratiques aussi douteuses qu’ésotériques qui doit définir les prestations de base. Ou alors je me déclare agnostique et je réclame une exemption de ce nouvel impôt ecclésiastique.
Article écrit et publié pour www.students.ch

Commentaires

8 Comments

  1. Couchepin a une mauvaise foi qui se voit comme le nez au milieu de la figure. Je n’ai jamais dit « le gouvernement nous ment », mais contrairement à toi, je ne crois pas naïvement à tout ce que disent les membres du gouvernement « en général ».
    Claude Aubert me fait sourire… « l’OMS a brouillé les pistes ». Pourquoi donc l’OMS a-t-elle mis « bien-être » dans la définition de la santé ? Ma réponse risque d’être longue et lourde (passé 3 kg). Elle réside dans 2 tomes de résumés, je dis bien résumés, des études scientifiques en recherche fondamentale dans le domaine de la psychoneuroimmunologie (PNI).
    TOUTES les maladies (infectieuses, cancéreuses, inflammatoires, etc…) sont exacerbées (et/ou l’incidence et la prévalence augmentent) par le stress chronique. Ceci est une des centaines de conclusions auxquelles arrivent les chercheurs dans le domaine de la PNI. Cette conclusion à elle seule explique l’importance qu’a le « bien-être » dans son impact sanitaire. Ainsi, toute médecine qui parvient à réduire le stress chronique (et toute souffrance psychologique) contribue à la santé du patient. Mais ça me ferait plaisir de t’en parler en long et large autour d’un café (impact de la dépression sur le cancer, et vice et versa ; rôle majeur des facteurs psycho-sociaux dans l’évolution du sida, etc). Bref, j »arrête de m’étaler, et passe au dernier point.
    « Les médecines complémentaires constituent une grosse machine à fric ». Pour certaines, c’est juste. Mais pour l’instant, je vois une énorme différence entre les (gros) pharmas et boiron. L’éthique.
    Mais que dirais-tu d’un café pour parler de ce thème qui nécessite plusieurs heures de développement ?

  2. Evidemment, le gouvernement nous ment. Un peu le même raisonnement que pour les passeports biométriques.
    Bah, je fais confiance au DFI et à notre gouvernement en général.
    J’ai lu ton article, intéressant. Je comprends seulement pas où tu vois une différence entre les phramas « académiques » et les autres. Tu crois que le groupe Boiron est pauvre ? Les médecines complémentaires constituent une grosse machine à fric, pas moins en tous cas que les médecines faussement appelées académiques.
    Je recommande à ce sujet l’excellent article de Claude Aubert, « Comment trier? » dans la TdG du 6 mai 09.

  3. « alors qu’une procédure longue et douloureuse s’impose pour autoriser un médicament issu d’années de recherche dans nos meilleurs laboratoires »
    le charlatanisme, les labos privés le connaissent également. Mais eux ont les moyens de faire passer la pilule pour efficace.
    cf. http://www.swimsa.ch/medicampus/?p=130

  4. « Après consultation du DFI »… bien évidemment que SELON le DFI mes conclusions sont erronées. Se tirer une balle dans le pied ne serait pas très intelligent.

  5. Faux. Après consultation du DFI, tes conclusions sont erronées. Et je rappelerai qu’il y a trois paramètres, pas seulement l’efficacité.
    Je sais que des plantes contiennent des molécules qui ont des effets sur la santé. La preuve, certaines préparations phytothérapeutiques sont encore remboursées par la LAMal.
    Quant à la médecine antrhoposophique, de Rudolf Steiner, mouais. Je vois difficilement plus charlatan dans le genre….

  6. Décidément Philippe, tu aimes parler de sujets dont tu ne connais quasi rien… (en l’occurrence l’efficacité des médecines complémentaires).
    Une piqûre de rappel : le rapport PEK écrit par des experts considérait l’homéopathie, la phytothérapie (précision : les plantes contiennent des molécules parfois toxiques parfois efficaces en tant que remède. Je pourrais te citer une centaine d’exemples où des études ont démontré la supériorité d’un extrait ou d’une plante préparée vis-à-vis du médicament « gold standard ») et la médecine anthroposophique comme ayant démontrés leur efficacité. Mais surprise, le DFI invalide la conclusion en…. la modifiant !!! Et Couchepin de rajouter que cette histoire relève de la légende.
    Les experts n’étaient pas des croyant, mais des spécialistes. Toi, tu ne sais rien de médecines que tu CROIS être inefficaces.
    Apparemment, le négationnisme est aussi l’apanage de certains politiciens suisses.


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